Par Mohamed El Bekraoui Labzioui : Le remaniement gouvernemental d'octobre 2024 au Maroc a suscité un large débat, notamment autour de l'absence des compétences des Marocains Résidant à l'Étranger (MRE). Alors que le gouvernement a souvent affirmé vouloir mobiliser ces talents pour contribuer au développement du pays, aucun Marocain du Monde n'a été inclus dans la nouvelle équipe ministérielle. Ce constat interroge sur la place réellement accordée à la diaspora dans la gestion des affaires publiques et sur la capacité des autorités à concrétiser leurs engagements.
L'absence des MRE : une question d'influence ?
Les compétences des MRE, bien que souvent mises en avant pour leur expertise internationale, n'ont pas trouvé de place dans ce remaniement. Ce phénomène peut être interprété comme une absence d'intégration des MRE dans le cercle d'influence politique. Alors que de nombreux experts marocains à l'étranger occupent des postes prestigieux dans des secteurs stratégiques tels que la santé, la recherche ou l'innovation, leur manque de connexion avec le réseau politico-économique local, dominé par des figures proches du Chef du gouvernement, semble freiner leur participation à la gouvernance nationale.
Cela soulève des questions sur la transparence des processus de nomination et la volonté réelle d'ouvrir les portes du gouvernement à des talents extérieurs au cercle rapproché du pouvoir. En effet, plusieurs compétences marocaines à l'international sont souvent sollicitées pour des missions ponctuelles ou des conférences, mais jamais entièrement intégrées au sein du gouvernement.
La mobilisation des compétences des MRE : un discours sans suite ?
Depuis plusieurs années, le Maroc affiche une volonté de mobiliser les compétences des MRE pour répondre aux défis de développement. Ces derniers, qu'ils soient chercheurs, médecins ou entrepreneurs, ont prouvé leur expertise dans des environnements internationaux compétitifs. Ils représentent un potentiel considérable pour le Maroc, notamment dans le cadre des grands projets tels que le Nouveau Modèle de Développement ou les réformes dans le secteur de la santé et de l'éducation .
Cependant, ce discours semble rester sans suite concrète. Le remaniement d'octobre 2024 est révélateur de cette dissonance entre les intentions affichées et la réalité des nominations . Aucune personnalité issue de la diaspora marocaine n'a été nommée à des postes clés, malgré la disponibilité de talents hautement qualifiés au sein de la communauté MRE. Cette exclusion interpelle sur la capacité du pays à valoriser toutes ses forces vives, et comprend celles basées sur l'étranger.
Un potentiel inexploité
L'absence des MRE dans le gouvernement met en lumière un potentiel inexploité . Des structures comme le Réseau des Compétences Médicales des Marocains du Monde (C3M) , dirigé par le Dr Samir Kaddar, ou d'autres regroupements d'experts marocains à l'étranger, apportent déjà des contributions significatives au développement du Maroc. Pourtant, une barrière invisible semble empêcher leur inclusion directe dans les processus décisionnels à plus haut niveau.
Des milliers de Marocains de la diaspora évoluent dans des postes prestigieux dans des secteurs critiques. Leurs expertises pourraient être un levier crucial pour répondre aux défis économiques et sociaux du Maroc, mais l'absence de MRE dans ce remaniement gouvernemental souligne le manque de volonté politique de valoriser ces talents .
L'appel à une meilleure intégration des MRE dans la gouvernance
La situation actuelle relance le débat sur la nécessité de renforcer les liens entre les MRE et les autorités marocaines. Des actions plus concrètes sont demandées, comme la nomination de MRE à des postes de haut niveau ou encore la mise en place de mécanismes facilitant leur participation aux réformes en cours.
Des initiatives comme celles menées par le C3M , en collaboration avec des universités marocaines, montrent que la diaspora est prête à contribuer au développement du pays. Pour autant, ces efforts doivent être pleinement reconnus par le gouvernement, qui doit se montrer ouvert à l'inclusion des talents issus de la diaspora dans les instances décisionnelles. Ouvrir la gouvernance à ces compétences permettra non seulement de moderniser les secteurs clés du pays, mais aussi d'affirmer la diversité des talents marocains, où qu'ils se trouvent.
Faut-il repenser les instances dédiées aux MRE ?
Si la mobilisation des compétences des Marocains du Monde reste un simple discours sans action concrète, il est peut-être temps de se poser la question de l'utilité réelle des instances censées les représenter et les accompagner, comme le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Étranger (CCME) . Plutôt que de continuer à leur faire perdre leur temps avec des promesses non tenues, ne serait-il pas plus judicieux de dissoudre ces structures ? Une décision franche permet soit de redéfinir leur rôle et d'aboutir à des résultats tangibles, soit de reconnaître leur inefficacité, mettant ainsi fin à un statu quo qui frustre autant qu'il désillusionne. De plus, la disparition d'un ministère dédié aux MRE, désormais annexé aux Affaires étrangères, affaiblit encore leur représentation et renforce le sentiment d'inefficacité.