Le siège de la Casa arabe à Madrid a abrité, lundi 12 février 2018, la présentation de la version espagnole de l’ouvrage « l'Islam et le commun universel : Tolérance, coexistence identitaire et cohabitation religieuse », publié aux éditions du Panthéon.
Contexte et objectifs de l’ouvrage.
Avant d’exposer le contenu de son livre, M. Abdellah Boussouf a d’abord expliqué son contexte historique marqué par les actes terroristes qu’ont connus plusieurs pays européens et qui ont nécessité une réflexion profonde pour pouvoir contribuer au débat public sur les valeurs de la tolérance et du vivre-ensemble ancrées dans la religion musulmane au moment où l’image de l’Islam est liée à la violence, à l’extrémisme et au terrorisme.
Puisque des références historiques simplifiées et à la portée des jeunes des pays européens sont inexistantes, M. Boussouf a choisi de rassembler plusieurs articles dans cet ouvrage avec une langue pédagogique afin de pouvoir atteindre deux catégories bien distinguées de la société, ciblées pour le même objectif. D’une part, les partisans de la pensée extrémiste et raciste qui utilisent l’Islam pour semer la terreur dans les sociétés, et d’autre part, les personnes qui sont dans l’incompréhension de la religion musulmane qui souffre aujourd’hui de ce fossé profond entre ses vraies valeurs contenues dans les versets coraniques et les faits historiques et ce que présentent les média et les discours d’extrême droite qui n’hésitent pas à profiter de cette incompréhension pour atteindre des intérêts politiques.
Dans cet ouvrage, déjà paru en langues arabe et française, l’auteur a démontré que l’Islam est un projet de vie et non un projet de mort et que la tolérance et le vivre-ensemble avaient toujours caractérisé l’Islam en tant que religion et que civilisation depuis le début du 14e siècle. En ce sens, l’ouvrage met valeur un exemple éloquent de ces valeurs, à savoir la « charte de Médine », qui avaient défini les règles de coexistence entre Musulmans et Juifs en stipulant que ces derniers appartenaient tous à la même nation et qu’à chacune des communautés sa religion. « C’est-à-dire qu’il y a respect de la liberté de conscience au sein de la même patrie, un concept très proche de ce que l’on appelle de nos jours la citoyenneté dans les démocraties », a affirmé M. Boussouf.
Les Musulmans et le défi des crispations identitaires en Occident
Lors de cette rencontre, M. Boussouf n’a pas manqué d’analyser la situation actuelle dans plusieurs sociétés occidentales traversées de nos jours par des crispations identitaires qui se manifestent dans la montée de l’extrême-droite et de l’islamophobie et dans les discours racistes et terroristes, considérant que toutes ces manifestations avaient le même objectif, celui de la haine de l’autre et la tentative de le déraciner.
Selon l’auteur, les Musulmans d’Europe sont confrontés à plusieurs défis, à savoir la question du genre, la liberté de conscience, le respect du pluralisme religieux et culturel et les droits de l’homme, des questions auxquelles l’ouvrage a tenté de donner des éléments de réponses en démontrant que l’Islam est tout à fait compatible avec les valeurs occidentales.
Pour ce qui du malentendu structurel entre l’Islam et l’Occident, M. Boussouf a indiqué que quand la religion musulmane est arrivée dans les pays européens, ces derniers avaient déjà proclamé des législations laïques et n’avaient donc pas pris en considération l’existence de l’individu musulman dans ses sociétés. Ceci a rendu l’assimilation de l’Islam plus complexe car, malgré le fait qu’en principe il n’y avait pas de contradictions entre les lois européennes et l’Islam et bien que ces lois garantissent toutes la liberté religieuse, la réalité fait état d’un fossé entre la loi et la pratique. Les acteurs politiques de ces pays qui accueillent les migrants musulmans ont donc peur de faire face à cette réalité, ayant peur de la pression de l’opinion publique.
Ainsi, la responsabilité d’assimiler l’Islam n’incombe pas exclusivement aux pays européens mais aux Musulmans mêmes, a affirmé M. Boussouf, puisque les Musulmans intellectuels n’ont pas été capables de montrer que l’Islam est compatible avec les contextes occidentaux et de prouver que cette religion minoritaire n’était pas en contradiction avec la démocratie et les droits de l’homme, ce qui a donné lieu à cette antipathie entre les Musulmans et les autres composantes des sociétés dans lesquelles l’Islam fait maintenant partie intégrante.
Le besoin d’une connaissance solide et d’une action commune
Le Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) a invité les Musulmans des pays occidentaux à contribuer à leur assimilation dans les sociétés dans lesquelles ils vivent en formant une élite scientifique capable de produire une jurisprudence pour pouvoir s’adapter aux réalités occidentales, donnant l’exemple du modèle marocain qui sacralise les lieux de culte de toutes les religions et les préserve et où Musulmans et Juifs partagent les mêmes marabouts.
M. Boussouf a également mis le point sur la nécessité de faire face à la pensée extrémiste, au terrorisme et aux vagues de racisme et d’islamophobie dans le cadre d’une responsabilité partagée et de la connaissance de l’Autre en prônant les valeurs de tolérance et du vivre-ensemble dans un espace commun. Pour ce faire, il faut faire la différence entre le religieux et le culturel et de rester à l’écart des crispations et des préjugés, citant le discours royal qui appelle Musulmans, Chrétiens et Juifs à se rassembler au sein d’un front unifié pour faire face à l’extrémisme et à la haine.
La rencontre a connu une large interaction entre les participants qui ont intervenu sur les issues pour l’amélioration de la qualité des rapports entre l’Islam et l’Occident. M. Boussouf a consacré cette rencontre à la signature de son ouvrage en la présence du Consul général du Maroc à Madrid, d’académiciens, historiens et acteurs associatifs marocains et espagnols.