Entretien avec Abdelhilah Hadji, fondateur de la coopérative Nador Vert :
Dans le nord du Maroc, à seulement 15 kilomètres de Nador, une ancienne mine abandonnée depuis les années 80 attend une seconde vie. Sous l'impulsion d'Abdelhilah Hadji, un MRE (Marocain Résidant à l’Étranger) visionnaire, la coopérative Nador Vert s'est donné pour mission de transformer ce site oublié en un parc zoologique et botanique. Mais au-delà de la réhabilitation écologique, c’est tout un projet de revitalisation sociale qui prend forme, visant à redonner espoir à une communauté durement touchée par la fermeture de la mine. Dans cet entretien exclusif, Abdelhilah Hadji partage avec nous les origines de ce projet, les défis rencontrés et sa vision d’un avenir durable pour la région de Nador. Fort d'une expérience enrichissante acquise entre le Maroc et la France, Abdelhilah Hadji est également un homme généreux et passionné, prêt à partager son savoir et ses conseils avec tous ceux qui envisagent de s'installer ou d’investir au Maroc.
Maglor : Monsieur Hadji, vous êtes à l’origine du projet Nador Vert visant à transformer l’ancienne mine de Sotolasa en parc zoologique et botanique. Pouvez-vous nous expliquer d’où vous est venue cette idée ?
Abdelhilah Hadji : L'idée est née d'une frustration personnelle, mais aussi d'une observation plus large. En 2008, je me suis installé au Maroc avec des rêves et des ambitions pour ma famille. Mais très vite, je me suis rendu compte qu'il manquait cruellement d'espaces verts et d'activités en plein air pour les familles. En emmenant mes enfants en France pour qu'ils profitent des parcs et jardins zoologiques, je me suis demandé pourquoi nous ne pourrions pas avoir des espaces similaires ici, au Maroc, et pourquoi nous devions nous rendre à l'étranger pour offrir à nos enfants des expériences enrichissantes.
C'est en me documentant que j'ai découvert que 80 % des anciennes mines à ciel ouvert réhabilitées à travers le monde sont transformées en parcs zoologiques ou botaniques. Cela a été un déclic pour moi, et je me suis demandé : « Pourquoi pas à Nador ? » Surtout que nous avons ici une ancienne mine, celle de Sotolasa, abandonnée depuis les années 80. Elle semblait attendre qu’on lui redonne vie.
Maglor : Vous avez fait un parallèle surprenant avec une autre mine en Espagne, celle de Cabárceno. Comment avez-vous découvert ce lien et en quoi a-t-il influencé votre projet ?
Abdelhilah Hadji : Par hasard, en me documentant sur les initiatives similaires à l’étranger. La mine de Cabárceno en Espagne, exploitée à l’époque par la même entreprise que celle de Sotolasa, a été réhabilitée avec succès en un parc zoologique de plus de 730 hectares. Cela m’a frappé. Pourquoi un tel projet avait-il réussi en Espagne et pas chez nous ? J'ai vu là une opportunité incroyable. Si la même entreprise avait rendu à la nature ce qu’elle lui avait pris là-bas, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire ici, à Sotolasa ? Cela m’a convaincu que ce projet avait du potentiel.
Maglor : Vous parlez aussi beaucoup de l’impact social de ce projet. Comment Nador Vert peut-il transformer la région au-delà de la réhabilitation écologique ?
Abdelhilah Hadji : Ce projet va bien au-delà de la transformation d’une mine en parc. Il s’agit de revitaliser toute une communauté. La fermeture de la mine a eu des conséquences dévastatrices pour le village adjacent, qui a sombré dans la pauvreté. Nous voulons créer des emplois, lutter contre l’exode rural, et offrir aux habitants de nouvelles perspectives. Nador Vert sera un moteur de développement local. Non seulement nous allons créer un espace de loisirs et d’éducation environnementale, mais nous allons aussi redonner espoir à des familles qui se sont résignées à leur sort. C’est un hommage à ces lieux chargés d’histoire et une promesse pour l’avenir.
Maglor : Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez été confronté dans le cadre de ce projet ?
Abdelhilah Hadji : Le chemin a été semé d’embûches, je ne vais pas le cacher. Nous avons dû faire face à des obstacles administratifs parfois décourageants. Certains partenaires se sont désistés, et il a fallu trouver des financements. Plusieurs architectes nous ont laissé tomber en cours de route. Mais nous avons persévéré. Chaque fois que nous avons rencontré un mur, nous avons trouvé la force de continuer. L’inspiration vient de l’endurance du roi Hassan II, qui a su surmonter tant de défis au cours de son règne. Nous savions que ce projet avait une raison d’être et que nous devions continuer.
Maglor : En tant que MRE, vous êtes particulièrement sensible à la contribution de la diaspora. Quel rôle pensez-vous que les MRE peuvent jouer dans le développement durable du Maroc ?
Abdelhilah Hadji : Les MRE ont un rôle crucial à jouer. Nous avons une perspective différente grâce à notre expérience à l’étranger. Je pense que la diaspora peut apporter non seulement des financements, mais aussi des idées nouvelles, des expertises techniques, et un réseau de partenaires internationaux. Avec Nador Vert, nous voulons montrer que les MRE peuvent contribuer de manière significative au développement durable du Maroc. Nous avons réussi à mobiliser un groupe de collaborateurs motivés, dont certains sont des MRE, et je pense que cette mobilisation est essentielle pour des projets comme celui-ci.
Maglor : Où voyez-vous le projet Nador Vert dans cinq à dix ans ?
Abdelhilah Hadji : Dans cinq ans, je vois Nador Vert comme un espace écologique et éducatif florissant, un lieu où les familles viendront se reconnecter avec la nature, où les jeunes apprendront l'importance de la biodiversité, et où les habitants de la région trouveront un emploi stable. À long terme, j'espère que ce projet pourra inspirer d'autres initiatives similaires dans d’autres régions du Maroc. Si nous réussissons ici, pourquoi ne pas réhabiliter d’autres sites industriels abandonnés ? Notre objectif est de construire un avenir durable pour Nador et d'inscrire ce projet dans la durée.
Maglor : Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser aux personnes qui souhaiteraient soutenir votre initiative ?
Abdelhilah Hadji : Je leur dirais que Nador Vert est un projet qui va bien au-delà de la création d’un simple parc. C’est un projet qui touche à la fois à l’histoire, à la culture, à l’économie locale, et à la protection de l’environnement. Nous avons besoin de soutien, que ce soit sous forme de financements, d’expertise ou simplement d’encouragements. Chaque contribution, petite ou grande, est essentielle pour faire de cette vision une réalité. Ensemble, nous pouvons redonner vie à Sotolasa et offrir un avenir meilleur à cette communauté.
Maglor : Comment avez-vous financé les premières étapes du projet, et quelles sont les sources de financement actuelles ?
Abdelhilah Hadji : Le financement des premières étapes du projet s'est fait de manière assez personnelle, comme c'est souvent le cas pour des projets portés par des militants ou des passionnés. J'ai utilisé mes propres fonds, parfois même au détriment de l'argent que j'aurais dû consacrer à mes enfants. C'était un choix difficile, mais je croyais fermement en ce projet.
Par la suite, lorsque de plus en plus de personnes ont rejoint l'initiative et que le soutien autour de Nador Vert s'est développé, nous avons envisagé de créer une coopérative. La coopérative Nador Vert a été créée par un groupe de professionnels natifs de la région, dont une grande partie est établie à l’étranger. Inspirés par les succès des coopératives en Europe, ils ont uni leurs compétences et leurs ressources pour faire avancer notre cause. En tant que MRE avec une expérience dans la levée de fonds, nous avons la capacité de mobiliser des ressources importantes. Cependant, un obstacle majeur demeure : nous ne sommes pas encore propriétaires du terrain, ce qui complique la levée de fonds à grande échelle pour le moment.
Maglor : Avez-vous des discussions en cours avec des institutions locales pour soutenir le développement du projet ? Pouvez-vous nous en dire plus sur votre prochain rendez-vous avec le Centre d'Investissement de Nador et les personnalités de l'autorité marocaine ? Quels sont vos objectifs pour cette rencontre ?
Abdelhilah Hadji : Oui, nous avons des discussions en cours avec plusieurs institutions locales pour soutenir le développement de Nador Vert. Notre prochain rendez-vous avec le Centre d'Investissement de Nador et certaines personnalités de l'autorité marocaine est une étape clé pour faire avancer le projet. Ce rendez-vous est fixé pour le 28 octobre 2024, le même jour où le président Emmanuel Macron prendra l’avion pour Rabat. Ce jour-là, je prendrai moi-même un à Fès puis vers la ville de Nador. L'objectif principal de cette rencontre est d'explorer les possibilités d'acquisition du terrain, un obstacle majeur auquel nous faisons face. Nous espérons également obtenir des soutiens administratifs et institutionnels, essentiels pour crédibiliser et faciliter la mise en œuvre du projet. Enfin, nous voulons discuter de partenariats potentiels, qu'il s'agisse d'un appui technique, logistique ou financier, afin de renforcer notre initiative.
Cet entretien avec Abdelhilah Hadji met en lumière une initiative audacieuse de réhabilitation écologique et sociale, portée par la détermination d’un MRE. En Le projet Nador Vert représente bien plus qu’une simple initiative écologique. Il s’agit d’une véritable opportunité de transformation sociale et environnementale pour la région de Nador, portée par la passion et la persévérance de son fondateur, Abdelhilah Hadji. Maglor, fidèle à son engagement envers les projets portés par les Marocains Résidant à l’Étranger (MRE), suivra de près chaque étape de l’installation et du développement de cette initiative, comme il l’a fait avec d’autres projets. Maglor mobilisera également d’autres compétences pour soutenir Nador Vert et enverra un envoyé spécial dans la région pour s'entretenir avec les différents partenaires, afin de s’assurer que cette vision ambitieuse devienne réalité.