
Hicham TOUATI - Vendredi 20 juin 2025, dans une salle comble de l’Hôtel Royal Mirage, à Fès, la communauté juridique, académique et civile s’est réunie autour d’un sujet capital : la mise en œuvre des peines alternatives au Maroc. Une initiative conjointe de l’association régionale des jeunes avocats de Fès et de l’Observatoire régional de la criminalité relevant de la FSJES de l’USMBA de Fès, saluée tant pour la qualité de son animation que pour la profondeur de ses échanges.
Dans une atmosphère empreinte de rigueur intellectuelle et d’engagement citoyen, le colloque organisé à l’Hôtel Royal Mirage de Fès s’est imposé comme une date forte dans l’agenda juridique et universitaire national. La thématique des peines alternatives, dont l’entrée en vigueur est attendue en août prochain, a été abordée sous ses multiples facettes à travers des interventions de haute tenue, portées par des figures majeures du monde judiciaire et académique.

Dès l’ouverture, M. Rachid SEBTI, président de l’Association régionale des jeunes avocats de Fès, a donné le ton par une présentation articulée et inspirée. Soulignant la portée humaniste du nouveau texte de loi, il a posé avec clarté la problématique essentielle : « Le véritable enjeu est de savoir si le juge aura la capacité et le courage de mettre en œuvre ce dispositif dès son entrée en vigueur. L’application effective du texte implique une synergie entre la société civile, le corps judiciaire et les institutions pénitentiaires. »

La première intervention est revenue à M. Hicham MELLATI, directeur de la direction des affaires pénales et des grâces au Ministère de la Justice, qui a su exposer avec précision la genèse, la philosophie et les perspectives du texte. Rappelant que « ce chantier est d’abord une réponse à l’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours du 20 août 2009 », il a insisté sur la vocation profondément réformatrice et humaniste du texte. Évoquant les efforts menés en amont par le ministère pour assurer un atterrissage opérationnel réussi, il a précisé que « toutes les dispositions réglementaires sont prêtes, y compris un décret d’application attendu pour accompagner les modalités de mise en œuvre, notamment pour le bracelet électronique, le travail d’intérêt général ou la restriction de certains droits. »

Le professeur Mohamed BOUZLAFA, doyen de la FSJES de Fès, a ensuite pris la parole pour inscrire ce texte dans le cadre plus large de l’évolution mondiale des politiques pénales. Saluant la collaboration entre son établissement et l’association des jeunes avocats, il a rappelé que « la peine en dehors des murs de la prison n’est plus une utopie, mais une exigence éthique, juridique et sociale. » Il a souligné que « le choix du législateur de limiter les peines alternatives aux délits punis jusqu’à cinq ans d’emprisonnement est un compromis intelligent qui favorise la réinsertion sans compromettre la sécurité juridique. »

Prenant le relais, Mme Fatima BARASSAT, militante politique et associative, a livré une analyse à la fois lucide et engagée sur les enjeux de terrain. Elle a insisté sur l’impératif de doter les dispositifs alternatifs des moyens humains, logistiques et technologiques nécessaires à leur efficacité. « Qu’il s’agisse du bracelet électronique ou du travail au profit de la collectivité, ces peines nécessitent une implication multisectorielle. Le juge ne pourra les appliquer équitablement que si un diagnostic social est réalisé au préalable pour chaque cas. » Son intervention a donné une résonance humaine aux textes, en rappelant que « le véritable test d’une loi ne se fait pas dans les discours, mais sur le terrain. »

L’intervention de M. Mohammed BOUKARMANE, avocat au barreau de Fès, a apporté une profondeur historique et comparatiste bienvenue. Représentant le bâtonnier empêché, il a replacé les peines alternatives dans le sillage des recommandations internationales, en particulier celles de l’« Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant les mesures non privatives de liberté » (Règles de Tokyo). Il a mis en garde contre les risques d’un texte inapplicable en l’absence de ressources adéquates. « Nous avons l’exemple malheureux du dispositif légal sur le traitement de la toxicomanie, resté lettre morte faute de structures d’accueil. Il faut impérativement éviter que le même sort soit réservé à ce projet de loi majeur. »
L’auditoire, composé de magistrats, avocats, universitaires, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, membres de la société civile, journalistes et doctorants, a ensuite été convié à poser une série de questions particulièrement pertinentes, témoignant de la maîtrise du sujet par un public averti. M. Hicham MELLATI a pris le temps de répondre à chacune d’elles avec précision, transparence et ouverture, notamment sur les critères de sélection des personnes éligibles aux peines alternatives et sur les garanties en matière de droits fondamentaux.

Ce colloque, par la qualité de son organisation, la richesse de ses débats et la hauteur de vue de ses participants, a démontré combien la société marocaine est prête à s’approprier ce tournant majeur de la politique pénale nationale. L’union féconde entre l’université et les jeunes avocats, à travers l’Observatoire régional de la criminalité et l’Association régionale des jeunes avocats de Fès, ouvre la voie à une réflexion partagée et durable sur les modalités d’une justice plus humaine, plus efficace, et plus conforme aux exigences d’un État de droit moderne.