
Maglor - Casablanca, juin 2025 — L’affaire fait grand bruit au Maroc et en France : la société de télémarketing Paul & José, propriété d’un entrepreneur français, a vidé ses locaux à Casablanca début mai sans préavis, laissant plus de soixante salariés marocains dans une situation de détresse sociale et financière. L’entreprise aurait été discrètement cédée, suscitant de lourdes accusations de « fraude sociale ».
Le choc a été brutal pour les salariés. Certains travaillaient dans cette société depuis plus de dix ans. Le départ soudain, organisé durant le pont du 8 mai, n’a laissé ni traces, ni documents, ni explication officielle. « Nous sommes venus travailler comme d’habitude, les portes étaient fermées, les bureaux vidés. Personne ne nous avait avertis », raconte un ancien téléconseiller, encore sous le choc.
Soutien syndical et accusations de manœuvres déloyales
L’Union Marocaine du Travail (UMT), l’un des principaux syndicats du pays, a immédiatement apporté son soutien aux salariés abandonnés. Selon leurs représentants, la fermeture sauvage de Paul & José pourrait relever d’un contournement volontaire des lois du travail marocain. Des soupçons de vente de l’entreprise à une tierce partie, dans le but d’éviter de verser les indemnités de licenciement, sont désormais au cœur des discussions.
L’UMT dénonce un « abus manifeste de la législation sociale » et interpelle les autorités marocaines sur leur rôle de contrôle et de protection des travailleurs. Une plainte collective est en préparation.
Une entreprise française en terrain marocain
Créée pour démarcher des clients français via des services délocalisés à moindre coût, Paul & José faisait partie des nombreuses entreprises européennes implantées dans le secteur des centres d’appel marocains. Ce modèle économique, qui repose sur des coûts salariaux faibles et une flexibilité maximale, est aujourd’hui critiqué pour ses dérives.
« Ce cas illustre une réalité crue : certaines entreprises étrangères profitent de la légèreté du cadre social marocain pour se défaire de leurs obligations sans en assumer les conséquences humaines », commente un syndicaliste de Casablanca.
Une précarité systémique ?
Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), près de 60 % des salariés marocains n'ont aucun contrat de travail formel. Ce vide juridique ouvre la voie à des pratiques abusives, comme celles dénoncées dans l’affaire Paul & José. Le secteur des centres d’appels, qui emploie des dizaines de milliers de jeunes Marocains, reste en première ligne.
Un appel à la vigilance des autorités marocaines et françaises
Ce dossier met une fois encore en lumière la nécessité d’un meilleur encadrement des investissements étrangers au Maroc, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Il soulève également la question de la responsabilité morale des entreprises françaises opérant à l’étranger.
Pour les anciens employés, la bataille ne fait que commencer. Ils réclament justice, reconnaissance, et réparation. Pour eux, cette affaire est bien plus qu’un simple incident économique : c’est une alerte sur la fragilité des droits sociaux dans les relations Nord-Sud.