En Tunisie, le président annonce une réforme de la loi sur l'héritage entre les hommes et les femmes.
Une révolution politique et religieuse se prépare en Tunisie. Le président Mohamed Béji Caïd Essebsi a annoncé vouloir modifier la loi pour permettre une égalité entre hommes et femmes devant l'héritage. Il est à savoir que dans ce pays, comme dans beaucoup d'autres pays arabes, la femme n'hérite que de la moitié des biens de l'homme même s'ils sont parentés. Le parti d'opposition islamiste a d'ores et déjà monté la voix contre cette proposition. D'un autre côté, c'est une immense avancée pour le droit de la femme. Cette réforme ira-t-elle jusqu'au bout ?
La Tunisie pourrait connaître prochainement une nouvelle avancée en matière d'égalité hommes femmes. Déjà considéré comme précurseur parmi les pays du monde arabe, la patrie d'Habib Bourguiba, père de l'indépendance tunisienne, s'apprête à débattre d'un projet de loi qui établirait l'égalité entre les deux sexes dans le cadre d'un héritage. Aujourd'hui, la loi inspirée du droit islamique prévoit qu'un homme hérite du double de la femme au même degré de parenté.
Cette réforme a été soutenue lors d'un discours télévisé pour la journée de la femme tunisienne, le 13 août dernier, par le président de la République tunisienne Béji Caïd Essebsi. Ce dernier est le fondateur du parti Nidaa Tounès, actuellement secoué une crise interne et qui tente de regagner du terrain face au parti d'inspiration islamiste Ennahdha, aujourd'hui principale formation au Parlement.
Quelques heures après l'annonce du président tunisien, des milliers de personnes ont manifesté dans le centre de Tunis aux cris de : «Nous sommes redescendus dans la rue pour l'égalité.» La présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates, Yosra Frawes a qualifié l'annonce d'«avancée majeure, inédite», mais a néanmoins regretté que le projet de loi ne prévoie pas de rendre l'égalité obligatoire. En effet, la loi laisserait le choix au testateur «soit d'appliquer la Constitution soit de choisir la liberté», a détaillé le président de la République. Le patrimoine familial serait partagé par défaut de façon égale entre héritiers hommes et femmes, mais le propriétaire du patrimoine aurait toutefois la possibilité d'aller chez un huissier notaire afin de répartir son bien selon la règle des deux-tiers pour l'homme, un tiers pour la femme.
Des lois progressistes
Si la loi est adoptée, la Tunisie ferait une fois encore figure d'exemple pour ses voisins. Le pays s'était doté dès le 13 août 1956 d'un Code du statut personnel (CSP) sous l'égide d'Habib Bourguiba, quelques mois après l'indépendance. Le Code a proclamé «l'égalité du statut de l'homme et de la femme» sur le plan de la citoyenneté, interdit la polygamie et instauré le principe de consentement des deux époux dans le mariage, une mesure inédite dans un pays arabo-musulman.
Cinquante-huit ans plus tard, à la chute du régime de Ben Ali, en 2014, la nouvelle constitution adoptée après la révolution a proclamé l'égalité des deux sexes devant la loi et garanti la représentativité des femmes dans les assemblées élues, ainsi que des conditions de travail décentes et un salaire équitable pour les femmes.
L'année dernière, une circulaire abolissait l'interdiction des mariages avec des non-musulmans, et le 26 juillet 2017, le Parlement du pays a adopté une loi contre les violences faites aux femmes.
L'égalité dans la succession serait donc une arme juridique supplémentaire permettant aux femmes de faire valoir leur droit. Ce projet de loi fait partie des réformes sociétales présentées par Commission des libertés individuelles et de l'égalité tunisienne mise en place par le Président et destinée à traduire dans la loi l'égalité instaurée par la Constitution de 2014.
Ennahdha n'a pas pris position
Même si, selon le président Tunisien Béji Caïd Essebsi, le parti islamiste Ennahdha lui a exprimé par écrit «des réserves» sur certaines réformes notamment sur l'égalité successorale, la formation islamiste n'a pas pris position explicitement sur ce sujet. Un dirigeant d'Ennahdha, l'ancien Premier ministre Ali Larayedh, s'est borné à déclarer lundi que le combat pour les droits des femmes «n'est pas contre la religion et l'identité, mais se fait dans le cadre des enseignements de la religion».