Avec le Ramadan, la Tunisie connaît, comme chaque année, des appels au droit des citoyens à ne pas en respecter les règles et pouvoir manger en public.
Cette année encore, des Tunisiens sont arrêtés pour avoir mangé ou fumé durant le jeûne alors que les textes de loi restent flous. Plusieurs organisations appellent les autorités « à faire cesser toutes les atteintes aux libertés individuelles ». Un collectif tunisien d'associations de défense des droits a appelé dans une lettre ouverte les autorités à protéger « la liberté de conscience et de religion » en autorisant à manger ou fumer en public durant le Ramadan qui débute jeudi.
Chaque année, des Tunisiens sont arrêtés pour avoir mangé ou fumé durant le jeûne, en vertu de textes flous sur l'outrage aux bonnes mœurs et de circulaires remontant à plusieurs dizaines d'années.
Interrogé l'an dernier par une député sur une circulaire de 1981 ordonnant la fermeture des cafés durant Ramadan le ministère de l'Intérieur a répondu par un courrier ambigu, selon une copie datée de novembre ayant circulé ces derniers jours dans les médias tunisiens. Le ministère y justifie la fermeture des cafés par le risque de choquer les jeûneurs et de provoquer des attentats, tout en assurant qu'il n'y avait pas de poursuite contre les cafés ouvrant dans la discrétion ni contre ceux qui mangent en public.
« Cette circulaire, dite circulaire Mzali, incite également à ‘’décourager’’ les Tunisiens dits ‘’musulmans’’ de consommer de l’alcool dans les établissements dans lesquels ils se présentaient », rappelle le site tunisien d’informations Business News qui souligne également, que quelques jours après sa parution, le chef de l’État de l’époque, Habib Bourguiba, l’avait annulée.
« Aujourd’hui, cette circulaire contredit clairement la Constitution tunisienne qui énonce, dans son article 6, que ‘’l’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes’’ », estime par ailleurs le site.
Déplorant le « déni » du ministère de l'Intérieur sur les arrestations de non-jeûneurs, les organisations appellent les autorités « à faire cesser toutes les atteintes aux libertés individuelles ». Les signataires dont la Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'Association tunisienne des femmes démocrates et diverses associations de défense des minorités, ont déploré « à l'approche de Ramadan, l'augmentation des menaces contre la liberté de conscience, de religion, d'opinion et d'expression ».
Dans cette lettre ouverte adressée au président Béji Caïd Essebsi, au Parlement, au chef du gouvernement Youssef Chahed ainsi qu'au pouvoir judiciaire, les organisations soulignent qu'elles sont prêtes à saisir la justice pour « faire respecter » ces libertés garanties par la Constitution de 2014.
Diverses autres associations ont également appelé au respect de la liberté de conscience.
Aucune loi n'interdit de manger ou boire en public en Tunisie durant le Ramadan, mais face aux contrôles récurrents, cafés et restaurants ferment ou dissimulent leur vitrine durant la journée.
Sous le hashtag #fater (non-jeûneur), des non-jeûneurs échangent sur les réseaux sociaux des informations sur les lieux qui restent ouverts. Sur Facebook, une carte Google Map qui recense ces lieux est même disponible. Une application, Vynd, est également disponible sur Android.
Pour connaître les endroits ouverts pendant le #Ramadan suivez le hashtag #Fater ou rendez-vous sur le groupe FB officiel https://t.co/Hy9CzYUxdk
— Karim Benabdallah (@karim2k) 16 mai 2018
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion, Ahmed Shaheed, a loué le mois dernier la « vision progressiste » de la Tunisie tout en notant la persistance de « restrictions », citant notamment l'arrestation de non-jeûneurs durant le Ramadan.
En juin dernier, cinq personnes avaient été condamnées à un mois de prison pour avoir mangé ou fumé en public en plein Ramadan.
Sources : MEE et agences
Pendant le Ramadan 2017, à l'appel du mouvement Mouch Bessif (pas contre notre volonté),
les manifestants s’étaient rassemblés au centre de Tunis criant notamment
« la liberté individuelle est garantie par la constitution » (Facebook)