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Analyse des Relations Franco-Marocaines : Entre Coup de Froid et Perspectives Futures. Entretien avec Abdennabi Sabri, professeur de relations internationales et de géopolitique


Entre le Maroc et le France, les rapports n'ont pas cessé de se dégrader ces deux dernières années, jusqu'à se transformer en véritable crise diplomatique. Le royaume chérifien n'a plus d'ambassadeur à Paris depuis janvier dernier.

Les relations entre Rabat et Paris ne sont pas au beau fixe. De l’affaire d’espionnage présumé par le logiciel israélien Pegasus au vote par le Parlement européen d’une Résolution, non contraignante, enjoignant aux autorités marocaines de « respecter la liberté d'expression et celle des médias », en passant par la polémique liée au choix du Maroc de ne pas faire appel à l’aide de la France dans le contexte du séisme qui a touché le Royaume, les rapports n’en finissent plus de se tendre.

L'entretien avec Abdennabi Sabri, professeur de relations internationales et de géopolitique à l'Université Mohammed V de Rabat, nous offre un éclairage précieux sur la détérioration continue des relations entre Rabat et Paris, une situation qui a évolué au fil des deux dernières années pour atteindre le statut de véritable crise diplomatique.
 

Maglor : Peut-on qualifier la relation entre la France et le Maroc d'une rupture complète ou plutôt d'un refroidissement temporaire ?

Abdennabi Sabri : On peut qualifier la situation actuelle entre la France et le Maroc de « coup de froid » dans leurs relations plutôt que d'une rupture totale. Bien que les tensions diplomatiques se soient intensifiées au cours des dernières années et que des désaccords importants aient émergé, les deux pays ont des liens historiques et économiques forts qui les lient. Une rupture totale impliquerait une rupture complète de toutes les relations et collaborations, ce qui n'est pas encore le cas. Cependant, il est indéniable que les relations entre les deux pays traversent une période difficile marquée par des désaccords et des tensions.

 

Maglor : Peut-on considérer le mandat d'Emmanuel Macron comme complexe, marqué par une période agitée dans les relations entre Paris et Rabat ?

Abdennabi Sabri : Il est vrai que le mandat d'Emmanuel Macron en tant que président de la France a été marqué par plusieurs périodes tumultueuses dans les relations entre Paris et Rabat, notamment en ce qui concerne les relations franco-marocaines. Les désaccords et les tensions qui ont émergé au cours de cette période ont créé des défis diplomatiques pour la France, mais il est important de noter que les relations internationales sont complexes et peuvent être influencées par de nombreux facteurs, notamment les intérêts nationaux, les dynamiques régionales et internationales, ainsi que les personnalités des dirigeants.

Le désaccord sur des questions telles que les visas, la question du Sahara et d'autres sujets ont contribué à créer des tensions entre les deux pays. Cependant, il est également important de noter que les relations internationales sont fluides et peuvent évoluer au fil du temps en fonction des circonstances. Il est difficile de caractériser tout un mandat présidentiel par une seule dimension des relations avec un pays particulier.

Maglor : Dans quelle mesure l’influence géopolitique-t-elle la relation tendue entre Paris et Rabat ?

Abdennabi Sabri : Il y a certainement des éléments de géopolitique qui influencent la relation entre la France et le Maroc, mais ce n'est pas le seul facteur. La géopolitique peut jouer un rôle important dans la mesure où les intérêts régionaux et internationaux peuvent créer des tensions ou des convergences entre les deux pays. Par exemple, la question du Sahara est un sujet géopolitique majeur qui a suscité des désaccords entre la France et le Maroc. Cependant, il ne faut pas sous-examiner d'autres facteurs, tels que les relations personnelles entre les dirigeants, les questions économiques et migratoires, qui contribuent également à la dynamique de la relation.

Maglor : Lors de son discours pour le 69e anniversaire de la révolution du Roi et du peuple, Sa Majesté a souligné que le dossier du Sahara est essentiel pour l'évaluation des relations internationales du Maroc. La France n'a-t-elle pas réussi à saisir ce message, ou se trouve-t-elle dans l'incapacité de prendre position sur la question du Sahara de la même manière que d'autres nations ?

Abdennabi Sabri : Il semble que la France n'ait pas encore pleinement décodé ce message, ou du moins, elle se trouve dans une situation complexe en ce qui concerne la question du Sahara, ce qui la place dans une position délicate par rapport à d'autres nations. La France est actuellement confrontée à un défi diplomatique délicat, nécessitant une jonglerie entre divers intérêts, des partenariats historiques et un équilibre diplomatique subtil pour aborder la question du Sahara marocain. Cette complexité rend difficile l'adoption d'une position tranchée et unilatérale, telle que d'autres pays l'ont fait. Cependant, il est possible que cette situation évolue avec le temps.

Le Maroc, quant à lui, a clairement affirmé sa position sur le Sahara lors du discours à la Nation à l'occasion du 69ème anniversaire de la révolution du Roi et du peuple. Sa Majesté a souligné que la position des États-Unis en faveur de l'intégrité territoriale du Maroc restait inchangée, quelle que soit l'administration en place ou la conjoncture. De plus, l'appui responsable exprimé par l'Espagne, en tant que voisin bien informé de l'origine de cette question, envers l'Initiative d'autonomie était une avancée majeure, favorisant le développement d'une coopération bilatérale multidimensionnelle.

Le Roi a également rappelé que l'Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie, la Serbie, le Portugal et d'autres pays de l'Union européenne avaient clairement exprimé leur soutien aux efforts déployés par le Maroc en vue d'une résolution définitive de cette question, sur la base de l'Initiative d'autonomie.
 

Maglor : Comment envisagez-vous l'avenir des relations entre la France et le Maroc ?

Abdennabi Sabri : L'avenir des relations entre la France et le Maroc est difficile à prédire. Il est probable qu'il y aura des hauts et des bas, comme c'est le cas dans de nombreuses relations internationales. Les deux pays ont des intérêts communs et une histoire partagée qui les lie, mais ils ont aussi des désaccords sur certaines questions. Pour que la relation s'améliore, il est important que les deux parties continuent à dialoguer et à rechercher des solutions aux points de friction.

L'engagement des sociétés civiles des deux pays pourrait effectivement jouer un rôle crucial dans l'amélioration des relations bilatérales. En favorisant les échanges et la compréhension mutuelle entre les citoyens français et marocains, les organisations de la société civile peuvent contribuer à apaiser les tensions actuelles et à ouvrir la voie à des relations plus harmonieuses à l'avenir. Il est essentiel de cultiver ces liens interpersonnels et de promouvoir le dialogue pour surmonter les obstacles actuels et construire un partenariat plus solide entre la France et le Maroc.

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