
Maglor - Genève, le 21 juin 2023 - Une déclaration, reçue en vue de sa publication lors de la 53ème session du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, a mis en évidence une préoccupation majeure concernant la situation de la justice transitionnelle en Algérie. Les lois actuellement en vigueur dans le pays semblent ne pas garantir le droit des victimes et de leurs familles à accéder à la justice et à demander réparation, tout en restreignant la divulgation des cas de disparitions forcées et des informations qui y sont associées. Cette situation contribue à l'établissement d'un climat d'impunité à travers l'ensemble du territoire algérien. Nous vous prions de prendre connaissance de la déclaration ci-dessous.
Les lois algériennes ne garantissent pas le droit des victimes et de leurs familles d'accéder à la justice ou de demander réparation, comme elles ne permettent pas la révélation des cas de disparitions forcées et les informations qui y sont liées, ce qui contribue à l’instauration d’un climat d'impunité dans tout l'Algérie.
L'Algérie a publié un décret présidentiel n° 06-01 daté du 27 février 2006, qui prévoyait la mise en œuvre d'une charte pour la paix et la réconciliation nationale, suite aux incidents tragiques de la décennie noire en Algérie. Ce décret visait à réduire la lutte pour le pouvoir entre l'armée et les groupes islamiques armés.
Cependant, cette loi n’a pas garanti le droit des victimes et de leurs familles à accéder à la justice ou à demander réparation. Cette loi occulte également les cas de disparitions forcées et les informations relatives à ces disparitions, contribuant ainsi à l’affermissement d'une politique d'impunité sur l'ensemble du territoire algérien.
Cette Charte pour la paix et la réconciliation nationale s'inscrit dans une longue série de lois algériennes visant à immuniser les personnes accusées de disparitions forcées, comme le stipule l'article 45 de l'ordonnance n° 06-01, qui interdit tout suivi des forces de défense et de sécurité à titre individuel ou collectif en raison des faits qu'elles ont commis avant la publication de la Charte pour la paix et la réconciliation, ce qui contredit à la nécessité de combattre la politique d’ impunité.
Voir l'article 46 de l'ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006, qui prévoit une peine d'emprisonnement de 3 à 5 ans pour quiconque parle, écrit ou fait référence de quelque manière que ce soit aux graves violations commises pendant les années de conflit interne qui ont suivi la victoire du courant islamique aux élections sous peine d'accusation d'exploitation des blessures d'une tragédie nationale pour nuire aux institutions de l'État, affaiblir l'Algérie, porter atteinte à la réputation de ses agents et déformer l'image de l'État au niveau international.
En ce qui concerne la question de la réparation, la position officielle de l'Algérie reste loin de garantir les deux piliers fondamentaux à savoir la reconnaissance des violations du passé et la présentation d'excuses, ainsi que la lutte contre l'impunité y compris la récupération des biens et des fonds confisqués, la révélation du sort des personnes disparues, l'obtention d'une indemnisation et la garantie de la réhabilitation; Tels que les revendications en suspens de nombreuses victimes de violations du passé en Algérie, ainsi que ceux de milliers de Marocains victimes d'expulsion arbitraire par l’ Algérie en 1975.
En outre, les garanties de non-récurrence en tant que partie intégrante du concept de réconciliation restent également défectueuses, car l'Algérie présente encore de nombreuses violations à l’égard de larges groupes sur le sol algérien, y compris la déportation qui touche des milliers d'immigrants d'Afrique subsaharienne, qui sont ‘’jetés’’ de l'autre côté de la frontière dans des conditions inhumaines, vers les zones voisines, exposant leur vie au danger de la traite des êtres humains et les mettant à la merci des groupes terroristes qui œuvrent dans la zone.
L'État partie n'a pas encore répondu aux demandes du mouvement algérien des droits de l'homme d'ouvrir le dossier des violations graves, notamment celles liées aux disparitions forcées et aux exécutions extrajudiciaires, afin de parvenir à une véritable réconciliation et à un processus de justice transitionnelle.
- Camps de Tindouf :
Il faut noter que depuis la création des camps de Tindouf, dans le sud-ouest de l'Algérie, le Polisario a commis de graves violations des droits de l'homme, dans le sud-ouest de l'Algérie, dans le cadre du conflit du Sahara. De nombreuses tragédies humaines se sont produites, à savoir la récurrence des disparitions forcées, des enlèvements, des exécutions extrajudiciaires, des exécutions sommaires et la torture dans les centres de détention et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. La junte imposée par les autorités algériennes pour la gestion des affaires des camps, en violation des règles du droit international, a continué de bénéficier de l'immunité et de la protection du pays hôte, quelle que soit la gravité des violations commises.
Depuis plus de 40 ans, les mécanismes de recours algériens, notamment judiciaires, se sont abstenus de traiter ou d'examiner tout dossier lié aux violations commises contre les réfugiés, les étrangers, ou les détenus dans les camps de Tindouf. Malgré les demandes et les réclamations des familles des victimes pour la révélation de la vérité, ils n'ont pas trouvé de réponse, que ce soit de la part du front Polisario ou de l'État algérien, en tant qu'autorité chargée de l'enquête sur toutes les violations commises sur son territoire.
La problématique s’est compliquée après l'entrée en vigueur de la loi algérienne pour la paix et la réconciliation nationale, qui criminalise la simple recherche de révéler les faits du passé, ce qui a amené de nombreuses victimes à préférer le silence par peur des poursuites pénales ou de disparition forcée, comme le cas du disparu Ahmed Khalil parmi des dizaines d'autres cas.
La charte pour la paix et la réconciliation s'est limitée aux événements survenus sur le sol algérien lors du déclenchement du conflit interne pour le pouvoir dans les années 1990 sans la couverture des événements et des violations graves sur l'ensemble du territoire algérien, y compris les crimes commis dans les camps de Tindouf par le front Polisario, en violation totale par l'État partie de ses obligations internationales au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur la protection de toutes les personnes contre le meurtre, l'enlèvement et la torture. L'État partie a délégué ses responsabilités sécuritaires et judiciaires à une organisation militaire dont les responsables bénéficient de l'immunité de l'État hôte contre tout suivi judiciaire, malgré les demandes des organisations internationales et des défenseurs sahraouis des droits de l'homme de traduire les auteurs en justice.
Le fait de ne pas accorder aux victimes de torture et d'autres violations graves dans les camps de Tindouf l'accès aux mécanismes de recours judiciaires et administratifs au niveau national confirme l'intention de l'État partie de continuer à déléguer sa compétence au Polisario pour gérer les camps de Tindouf. Ces pratiques aggravent la détérioration des conditions sanitaires et psychologiques des victimes et de leurs familles, les laissant soumises à aux divers types violations pratiqués par l'organisation du Polisario, sans aucun contrôle de l'État hôte et en l'absence de mécanismes de surveillance internationaux et d'organisations internationales travaillant dans le domaine des droits de l'homme.
Le Polisario continue de commettre de telles violations systématiques parce que la juridiction, l'administration et la sécurité de l'État partie autorisent de tels actes depuis l'établissement des camps en 1975. Les auteurs de ces crimes ne sont pas tenus pour responsables. Cette politique d'impunité se traduit par l'exclusion et le refus de la justice algérienne de statuer sur toute plainte déposée par les victimes des responsables du Polisario devant les tribunaux algériens. Ceci constitue une violation des règles pertinentes du droit international.
Ouvrir une discussion sur la question de la vérité, la réparation et les garanties de non récurrence des violations systématiques commises sur le territoire algérien nous interpelle sur la question de la responsabilité de l'État algérien, vis-à-vis de ses obligations internationales pertinentes, et la nécessité de rendre justice aux victimes des graves violations commises sur l'ensemble du sol algérien et d'achever le parcours de la justice transitionnelle ; et en conséquence nous appelons la communauté internationale à exhorter l'État algérien à :
Par conséquent, nous tenons à :
- Accélérer la ratification de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- Soumettre rapidement une invitation permanente aux experts des Nations Unies et aux groupes de travail sur les droits de l'homme et mettre en œuvre leurs recommandations, notamment, le Rapporteur Spécial sur la vérité, la réparation et les garanties de non-répétition et les deux groupes de travail sur les disparitions forcées et la torture ;
- Permettre la visite aux associations de défense des droits de l'homme et aux missions de recherche, pour enquêter et communiquer avec les victimes de violations flagrantes des droits de l'homme sur le sol algérien, ce qui sert le respect des droits de l'homme ;
- Œuvrer pour ouvrir une enquête sur tous les cas d'enlèvement, de disparition forcée et de torture qui ont eu lieu pendant plus de quatre décennies ;
- Faire abroger ou réviser les lois algériennes dévouant à la politique d'impunité
- Mettre fin à la persécution légale des victimes et leurs familles qui cherchent la vérité et réclament la réparation, tout en mettant fin aux poursuites à leurs égard
- Nous Exhortons l'Algérie de mettre en œuvre le droit national algérien sur tout le territoire algérien, y compris les camps de Tindouf ;
- Nous appelons le pays hôte, l'Algérie, à mener une enquête rapide et impartiale sur les allégations d'exécution extrajudiciaire, afin de déterminer les causes, les modes et le temps de décès, les personnes qui en sont responsables, ainsi que les circonstances l’ayant causé ;
- Comparution des auteurs et des instigateurs de ces violations pour des procès équitables conformément au droit international des droits de l'homme et au droit international humanitaire, en tant que crimes imprescriptibles ;
- Adopter un cadre législatif pour la mise en œuvre de la Convention relative au statut des réfugiés et son Protocole facultatif ;
- Amorcer l’enregistrement des réfugiés dans les camps de Tindouf comme revendication humanitaire préalable à la préparation de plans d’aide humanitaire ;
- Faire activer La mise en œuvre du droit national Algérien sur tout le territoire algérien, y compris les camps de Tindouf dans le sud-ouest, et la protection des populations des camps par le biais des lois nationales et des obligations internationales de l’Algérie en la matière ;
- Relancer l’admission au statut de réfugié pour les réfugiés dans les camps de Tindouf dans le sud-ouest de l’Algérie ;
- Exhorter l’État algérien à mettre en œuvre les droits découlant de la reconnaissance du statut de réfugié, conformément à ses obligations liées à la ratification de la Convention relative au statut des réfugiés ;
- Faire bénéficier, par l’Algérie, les réfugiés des camps de Tindouf de la protection nécessaire à travers la suspension du mandat illégal, octroyé au Polisario, sur les camps de Tindouf et se ressaisir de l’administration de ces territoires conformément aux obligations internationales de l’État algérien en la matière ;
- Faire bénéficier les réfugiés des camps de Tindouf des droits de l’accès à une justice juste et équitable au même titre que les citoyens algériens ;
- Enfin, les conférenciers ont appelé à la création d’un mécanisme onusien pour la prévention du transfert arbitraire.