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L'Espagne scelle ses retrouvailles avec le Maroc

Pedro Sanchez se rend à Rabat avec une douzaine de ministres pour affirmer la coopération commerciale entre les deux pays, mais aussi consolider la coopération en matière de contrôle migratoire et de lutte antiterroriste.

(Les Echos) - L'Espagne et le Maroc scellent leur grande réconciliation. Après des années de relations en dents de scie, le sommet qui se tient ce jeudi à Rabat marque l'importance que revêtent ces retrouvailles pour Madrid. Pedro Sanchez sera reçu par le Premier ministre Aziz Akhannouch et douze ministres espagnols échangeront avec leurs homologues marocains.

Cette rencontre bilatérale sera la première de cette ampleur depuis 2015. Elle vient concrétiser le premier pas marqué par le roi du Maroc Mohammed VI en avril 2022. L'objectif est de dynamiser les échanges économiques et commerciaux entre les deux pays, mais aussi d'améliorer leurs relations diplomatiques, après les passages à vide des dernières années, compliqués par la question du Sahara occidental et des pressions migratoires.

Stabiliser la frontière sud

Le Maroc s'impose comme l'ami indispensable au Sud pour aider à contrôler le passage du détroit de Gibraltar et éviter les entrées irrégulières vers l'Europe, mais aussi comme un partenaire efficace dans la lutte contre le terrorisme, dans le contexte compliqué par la guerre et les mouvements du groupe Wagner au Sahel.

A Madrid, on manque de mots pour exprimer l'importance de cette amitié renouée qui va stabiliser durablement la frontière sud et tout particulièrement l'entourage de Ceuta et Melilla, les deux villes enclaves espagnoles au Maroc, toujours à la merci de brusques mouvements migratoires ou de ruptures douanières.

Au menu de la rencontre, une vingtaine d'accords destinés à intensifier les échanges économiques et à renforcer les partenariats en matière de commerce, d'infrastructures, d'agriculture et de pêche, mais aussi d'éducation, de formation professionnelle et de coopération culturelle. Avec, par ailleurs, le développement de nouveaux projets de transition énergétique.

Ouvrir des accès à Ceuta et Melilla

Les échanges commerciaux ont déjà repris, avec une augmentation de 26 % des exportations espagnoles l'an dernier. « Mais la réconciliation entre les deux pays se matérialise de façon plus lente et moins intense que ne l'espérait Madrid », pointe Eduard Soler Lecha, professeur de relations internationales à l'Université Autonoma de Barcelone, spécialisé en politique extérieure espagnole en Afrique du Nord.

Un pas de plus devrait être fait avec la recherche d'une formule pour garantir l'ouverture de passages stables à Ceuta et Melilla, en dépit des désaccords sur la souveraineté des territoires. Ce serait une façon de faciliter la circulation légale des marchandises et des personnes, mais aussi « d'éviter que les institutions et les habitants des deux villes aient l'impression de vivre dans une situation d'asphyxie permanente », note-t-il.

L'important est de poser des bases stables pour ajuster des liens solides et éviter que d'éventuels épisodes « irritants » ne viennent perturber une collaboration étroite et nécessaire, décrit-on du côté du gouvernement espagnol. « Cela nous convient à tous », explique-t-on. Pour preuve, les entrées irrégulières du Maroc vers l'Union européenne ont baissé de 30 % depuis que Madrid et Rabat ont repris contact.

« Avaler des couleuvres »

« S'il faut avaler des couleuvres, on le fera », résumait sans détour, il y a quelques jours, l'eurodéputé socialiste espagnol Juan Fernando Lopez Aguilar, en soulignant la priorité absolue d'une bonne entente avec le Maroc. Quitte à s'aligner sur Rabat en renonçant à défendre le droit à l'autodétermination du Sahara occidental, pour reconnaître le plan d'autonomie marocain comme l'option « la plus crédible, sérieuse et réaliste ».

Ces mouvements ont suscité un profond malaise au sein de la gauche espagnole. Ils ont été vécus comme des renoncements y compris dans les rangs du PSOE. Ils ont aussi provoqué la rupture avec l'Algérie, jusque-là principal fournisseur de gaz de l'Espagne . Mais ils sont présentés comme indispensables pour garantir la bonne entente avec le voisin du Sud.

« Les députés espagnols, surtout les socialistes, ont compris que la relation avec le Maroc est le seul partenariat au sud de l'Europe qui fonctionnait », estime le sénateur marocain Lahcen Haddad, qui salue « une logique gagnant-gagnant » entre les deux pays.

Les Echos, Cécile Thibaud (avec Sophie Amsili) (Correspondante à Madrid)

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