Mara Mollá fait partie de ces nourrissons nés au Maroc qui ont été vendus à des familles espagnoles. Elle raconte aujourd’hui son histoire dans deux romans, dont le dernier s’apprête à sortir.
Malaga Juillet 1978. María Isabel Castelló tient dans ses bras le bébé avec lequel elle vient d'arriver sur la Costa del Sol en ferry de Melilla. C'est une fille. Sa mère, une marocaine, a accouché quelques jours plus tôt dans un appartement du centre de la ville autonome sous la garde de trois religieuses. Elle ne verra plus jamais sa fille. Parce que María Isabel va livrer la petite fille à un couple espagnol en échange d'environ 350 000 pesetas. Ils l'appelleront Mara.
Aujourd'hui, cette petite marocaine d'origine, devenue adulte et espagnole, se confie au journal El Mundo. Elle se confie d’une traite, «presque sans respirer». Dans quelques jours, son récit sera dans les librairies espagnoles. Il y est question d’Islam, d’érotisme, mais surtout d’une femme, musulmane, qui poursuit seule son chemin à la recherche de la fille qu’on lui a volée juste après son accouchement à Melilla, en juillet 1978.
Pourtant, Mara Mollá sait depuis toute petite qu’elle a été adoptée ; ses parents ne le lui ont jamais caché. En ce mois de novembre 2013, elle s’apprête pourtant à découvrir un secret jusque-là bien gardé. Un reportage télé sur un vaste réseau de trafic de bébés entre Melilla et le nord du Maroc, maintenu à l’abri des regards pendant 43 ans, lui met la puce à l’oreille. Elle comprend dès lors qu’elle fait partie de ces petites filles (et petits garçons) qui ont été achetées par des familles espagnoles, et françaises, faute de pouvoir enfanter.
A la question du journal espagnol "Que feriez-vous si vous trouviez votre mère biologique maintenant ?", Mara Mollà répond " Par respect pour mes parents, je ne l'ai jamais cherchée. Si cela arrivait et que je la croisais un jour, je la remercierais de m'avoir donné ma vie, je ne lui demanderais pas d'explication, je ne lui en veux pas. Je n'aurais que des mots d'affection.C'est pourquoi je lui ai dédié mon premier roman. Et pour cette raison, ce second livre est aussi un hommage à une femme qui a acheté sa fille."
Vocation d’écrivain
«Ces familles adoptives pouvaient payer jusqu’à 6 000 euros pour acheter un enfant et un faux certificat de naissance. Dans beaucoup de cas, ces adultes ne s’estiment pas victimes. Ils n’ont pas du tout l’intention de dénoncer leurs parents. Après tout, ce sont eux qui les ont élevés et leur ont donné de la tendresse», ont expliqué des agents de la Garde civile espagnole.
Sa «Perla Azul» fait suite à un premier roman publié en 2016, «El destino estaba escrito» («Le destin était écrit»), qui raconte «l’histoire de Amira, une petite fille issue d’une famille berbère modeste du nord du Maroc, de son enfance jusqu’en 1978, date à laquelle elle donne naissance à un bébé, et…». Il ne faudrait pas trop en dire, même si l’on devine aisément la suite du roman.
Récemment, d’autres victimes ont témoigné – en France cette fois-ci – ; non pas dans un livre, mais dans les médias. Début mai, la chaîne France 24 a publié sur son site deux témoignages de Marocains, nés au royaume mais adoptés par des couples français dans les années 1970 et 1980. De quoi réévaluer les estimations des associations des droits de l’homme sur les nombreux nouveau-nés vendus à des Européens par les réseaux de trafics, actifs pendant les décennies 70-80.
Ce mélange de sentiments a façonné un livre que Mara Mollà a publié en 2016. Son titre: «El destino estaba escrito» («Le destin était écrit»). Un roman mettant en vedette une fille d'une humble famille marocaine appelée Amira. L'auteure y raconte la vie rurale d'une famille berbère du nord du Maroc, la vie d'Amira depuis son enfance jusqu'en 1978, au moment où elle accouche à Melilla.
Ces jours-ci, Mara est en train de préparer son deuxième roman, La Perla Azul , une continuation de son premier livre, où la partie fictive fusionne parfaitement avec les chapitres de sa vie réelle. "La protagonisme est toujours la femme, courageuse, en avance sur son temps, qui lutte pour retrouver la fille qui a été volée et qui était déclarée morte quand elle l'a accouché ... Il y a beaucoup de moi dans ce roman", révèle Mara, Elle a un diplôme en relations de travail et ressources humaines de l'Université de Valence et a travaillé dans l'enseignement et dans les administrations publiques et privées.
Aujourd'hui, elle est mariée et a deux petits enfants. En 2008, elle a acheté un appartement avec son mari dans un complexe touristique à Saïdia, au nord du Maroc, connu sous le nom de La Perla Azul, qui est aussi le titre de son livre. A cette époque, elle ne savait pas que ses origines venaient du Maroc.