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Maroc : 85 000 situations d’esclavage moderne, y compris le mariage des enfants

L’Indice global sur l’esclavage fait état de 50 millions de personnes exposées à différentes formes modernes à travers le monde. Parmi elles, 85 000 sont issues du Maroc, où le travail forcé et l’exploitation sexuelle restent les aspects les plus récurrents. Autorisé par dérogation, le mariage des enfants et surtout des petites filles est aussi comptabilisé. C'est Yabiladi qui le révèle.

L’édition 2023 du Global Slavery Index (Indice global sur l’esclavage) de l’ONG internationale Walk Free révèle que sur 50 millions de personnes concernées à travers le monde, 85 000 citoyens issus du Maroc sont sujets à diverses formes d’esclavage moderne. Sur le plan national, ce chiffre représente une moyenne de 2,3 pour 1 000 habitants.

Ainsi, le Maroc s’est classé 26e sur 160 pays inclus dans ce document, sachant que les pays aux premiers rangs sont ceux qui connaissent la plus grande prévalence. Le travail pénible ou forcé, l’exploitation sexuelle, la prostitution et certaines pratiques de traite des êtres humains font partie des illustrations les plus récurrentes dans le royaume. Prévu dans le Code de la famille par dérogation exceptionnelle du juge, le mariage des petites filles est également considéré par le rapport comme une situation d’esclavage moderne.

Rendu public ce mercredi, le rapport a ainsi recommandé, dans sa section consacrée au Maroc, de «relever l’âge légal du mariage pour les hommes et les femmes à 18 ans», sans exceptions à cette règle. Par ailleurs, l’ONG a préconisé de «criminaliser l’exploitation sexuelle et à caractère lucratif des enfants, conformément aux conventions internationales» signées par le pays, lequel est appelé aussi à «développer et promouvoir des lignes directrices nationales claires, pour identifier et reconnaître les victimes par les premiers intervenants».

Au niveau du classement par pays en Afrique, le Maroc fait partie de ceux où l’esclavage reste le moins répandu. Il est classé derrière l’île Maurice, le Lesotho, le Botswana et l’Algérie, tandis que l’Erythrée est le pays africain où l’esclavage sévit le plus. Il est suivi de la Mauritanie, du Sud-Soudan, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Nigéria. Sur le plan mondial, le nombre de victimes a considérablement augmenté ces dernières années. Les 50 millions de personnes représentent une augmentation de 10 millions, par rapport à il y a cinq ans.

Dans le monde, la Corée du Nord est par ailleurs le premier pays touché par les différentes formes modernes de l’esclavage, selon Walk Free. Il est suivi de l’Erythrée (2e), de la Mauritanie (3e), de l’Arabie saoudite (4e) et de la Turquie (5e). Au niveau arabe, le royaume wahabite est classé premier en termes de prévalence, avec 21,3 pour 1 000 habitants, soit un chiffre global de 740 000 cas recensés. Dans la région, les pays du Golfe sont particulièrement concernés par cette problématique. Les victimes sont vulnérables surtout à l’esclavage sexuel et au travail forcé, ou encore au mariage forcé et précoce pour alléger la pression financière sur les familles.

La région arabe particulièrement touchée par les formes modernes

En Jordanie, au Liban et dans les pays les plus riches du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis (EAU) – «les travailleurs migrants sont vulnérables à l’esclavage moderne dans le cadre du système d’exploitation de la kafala (parrainage)», souligne le rapport. Cette forme d’emploi est identifiée davantage dans des secteurs du travail domestique, de la construction et BTP, de l’hôtellerie et la sécurité privée.

Dans cette région, «la nécessité de réformer les lois discriminatoires à l’égard des femmes et d’accorder à tous les travailleurs, y compris les migrants, une protection égale en vertu des lois nationales du travail reste une question urgente», ajoute la même source. «Dans le même temps, une action bien plus importante est nécessaire pour lutter contre l’esclavage moderne dans le contexte des conflits, des crises et des déplacements», indique-t-on.

Globalement, le rapport souligne que l’esclavage moderne demeure indissociable des défis mondiaux, tels que l’urgence climatique, l’inégalité entre les sexes, la crise sanitaire et les conflits armés. En effet, «les personnes concernées par des déplacements forcés, fuyant des zones de tensions, des catastrophes naturelles, des menaces réelles sur leurs droits ou cherchant à migrer pour trouver de l’emploi sont particulièrement vulnérables». Dans ce sens, Walk Free souligne que «la détérioration généralisée des droits civils et politiques face à ces crises multiples accentue les risques d’esclavage moderne pour ceux qui sont déjà en situation de vulnérabilité», à commencer par les femmes, les enfants et tout individu en migration.

Selon Walk Free, l’esclavage moderne prend de nombreuses formes d’exploitation qu’une personne «ne peut refuser ou quitter, en raison de menaces, de violence, de coercition ou de tromperie». Ceci inclut «le travail forcé, le mariage forcé, la servitude pour dettes, l’exploitation sexuelle commerciale forcée, la traite des êtres humains, les pratiques analogues à l’esclavage, ainsi que la vente et l’exploitation d’enfants». Sous toutes ses formes, l’esclavage moderne est une «suppression de la liberté d’une personne —accepter ou de refuser un emploi, quitter un employeur pour un autre ou décider si, quand et avec qui se marier— à des fins personnelles ou financières».

Ghita Zine (Yabiladi)

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