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Maroc : Flambée de la pauvreté due au Covid-19

Si la pandémie de Covid-19 a profondément creusé les inégalités, les mesures mises en place par le Royaume ont permis d’atténuer le choc, souligne une étude du Haut-Commissariat au plan marocain. Mais ces aides n’ont pas été durables.

La pandémie a créé une véritable déflagration économique et sociale au Maroc. Dès le printemps 2020, la pauvreté absolue, ne permettant pas de satisfaire aux besoins fondamentaux, a flambé dans le pays. Son incidence a été multipliée par sept, passant de 1,7 % à 11,7 %.

Et pour les personnes en situation de vulnérabilité, le taux a plus que doublé, passant de 7,3 % avant le confinement à 16,7 % pendant le confinement, relève l’étude « Évolution du niveau de vie des ménages et impact de la pandémie Covid-19 sur les inégalités sociales », du Haut-Commissariat au plan (HCP) marocain, parue le 24 mars.

Dans le pays alors brutalement à l’arrêt, le secteur informel - qui représente près de 80 % des emplois au Maroc, selon l’Organisation internationale du travail (OIT) - a été frappé de plein fouet, ainsi que les trois quarts des travailleurs dénués de toute couverture sociale. Les urbains, qui représentent les deux tiers des habitants, ont été particulièrement touchés.

Une crise « très anti-pauvre »

Dans un Maroc marqué par les inégalités sociales et qui reste au 121e rang mondial pour son indice de développement humain, ces inégalités sociales ont alors « dépassé le seuil socialement intolérable », relève le HCP.

La crise a été « très “anti-pauvres” », relevait de son côté l’Unicef l’automne dernier, dans son étude portant sur l’impact de la pandémie sur la pauvreté des enfants, ces derniers ayant été particulièrement pénalisés par la crise sanitaire.

Ces contrecoups majeurs de la pandémie ont poussé le Maroc à prendre des « mesures urgentes de lutte contre l’exacerbation de la précarité afin d’endiguer l’augmentation de la pauvreté et des inégalités sociales », relève le rapport du HCP.

Les deux tiers de la population en demande d’aide financière

Les ménages ont reçu une aide financière pendant trois mois avant l’été 2020. « 5,4 millions de ménages s’étaient inscrits sur le registre pour pouvoir percevoir l’aide, rappelle l’économiste Najib Akesbi, à raison de 4,6 personnes par ménage, cela correspond à 25 des 36 millions d’habitants ». C’est dire l’ampleur des besoins.

Ces aides ont eu un effet salutaire puisqu’elles ont permis de considérablement atténuer les effets de la crise. Le taux de pauvreté absolue était ainsi retombé à 2,5 %, tout en restant supérieur au 1,7 % d’avant crise. Celui sur la vulnérabilité avait lui aussi connu une baisse importante de 16,7 % à 8,9 %, tout en restant également au-dessus des 7,3 % d’avant crise.

« Ces aides sont une première au Maroc où nous n’avons jamais eu d’État social », relève le sociologue Mehdi Alioua. « Une grande partie de la population vit au jour le jour, fait ses courses au quotidien, achète tout au détail, aussi bien une cigarette à l’unité que de la lessive au poids. Ce qui est un indicateur de la faiblesse des revenus », poursuit le sociologue. Alors pour ces millions de ménages, ces aides « ont permis de sauver les meubles », estime-t-il.

Mais le sauvetage a été temporaire. « Ces aides n’ont pas été renouvelées depuis l’été dernier, déplore Najib Akesbi. L’étude ne dit rien de la situation difficile de la population au cours du deuxième semestre 2020 ». Le Maroc a le projet de généraliser les aides sociales, couverture médicale, allocations familiales, indemnités chômage et retraite. Mais ce programme est encore en devenir.

En savoir plus

Télécharger l'étude du HCP

" Dans le contexte de la crise sanitaire, l’incidence de la pauvreté s’est multipliée par près de 7 à l’échelle nationale, passant de 1,7% avant cette crise à 11,7% au temps du confinement, de 5 fois en milieu rural, passant respectivement de 3,9% à 19,8%, et de 14 fois en milieu urbain, respectivement de 0,5% à 7,1%.

De même, le taux de vulnérabilité a plus que doublé, passant de 7,3% avant le confinement à 16,7% pendant le confinement. Par milieu de résidence, ces proportions sont respectivement de 4,5% et 14,6% en milieu urbain et de 11,9 % et 20,2% en milieu rural.

Dans ces conditions, les inégalités sociales se sont détériorées et ont dépassé le seuil socialement intolérable (42%)." (HCP)

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