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Maroc : la reconversion des femmes-mulets est-elle possible ?

Que vont devenir les « femmes-mulets » qui faisaient la navette entre le Maroc et Sebta ? 

Ces femmes ne seront pas au chômage, ont rassuré les responsables de la commune de Mdiq, qui envisagent de les accompagner à travers une série d’actions et de financement décidées par le conseil de la ville, rapporte Al Ahdath Al Maghribia. Une affirmation souvent contestée et qui doit encore faire ses preuves dans le temps.

Par le passé, cette activité servait de gagne-pain à des femmes de la région, dont la majorité réside à Fnideq, le reste habitant à Mdiq, Martil ou encore Tétouan, souligne le journal, qui affirme que ces dernières ont bien accueilli le plan de reconversion proposé par les autorités locales.

Comme des milliers de porteurs et porteuses marocains, Fatima passait chaque jour la frontière de cette zone franche, le dos fourbu par les marchandises espagnoles hors taxes qu’elle livrait aux commerçants de la ville. "Avant les affaires marchaient bien." A présent, "il n’y a plus de travail ici", se plaint cette Marocaine qui "a élevé seule cinq enfants" grâce à cette contrebande longtemps tolérée. 

Une activité harassante

Difficile de regretter en soi la disparition d’une activité harassante et risquée: en 2017, au moins quatre porteuses était mortes dans des bousculades, amenant l’année suivante autorités et commerçants de Ceuta à lancer une initiative pour un recours à des chariots. Mais la livraison des ballots -vêtements, produits alimentaires et ménagers, générait une activité commerçante irriguant toute la région. Et porteurs comme commerçants disent désormais attendre une solution pour leur reconversion.

En attendant, Fatima vend des babioles dans un souk de Fnideq. "Je ne gagne plus rien", murmure l’ancienne "femme-mulet" -comme l’on surnommait ces milliers de porteuses de marchandises, harnachées comme des bêtes de somme. 

"Si ça continue, je vais devoir baisser le rideau"

Début janvier, un rapport parlementaire marocain a préconisé de créer une zone industrielle dans la région pour permettre la reconversion des porteurs. Mais "qui va employer des femmes-mulets quinquagénaires et analphabètes?", s’interroge Abdellah, le commerçant. Les produits acheminés à pied via le poste-frontière de "Tarajal II" n’étaient pas taxés, d’où l’énorme poids des chargements transportés sur le dos des porteurs -jusqu’à plusieurs dizaines de kilos. Désormais, une grille ferme le passage, sous l’oeil des gendarmes.

La fermeture a aussi provoqué une "grave crise du commerce" dans la ville portuaire espagnole, a dénoncé mi-décembre la Confédération des entrepreneurs de Ceuta (CECE). A l’entrée de l’enclave, des hangars de tôles ondulées abritent toutes sortes de marchandises envoyées par bateau depuis le continent européen. Ici se faisait l’essentiel du commerce. 

"Des magasins ont fermé, l’activité est à l’arrêt. On perd notre temps ici", raconte Rachid, 48 ans, dans sa boutique de chaussures. "Si ça continue, je vais devoir baisser le rideau. Nous, on dépend des autorités espagnoles, on est protégés par le régime de sécurité sociale. Quid des Marocains?", se demande-t-il. Jamal, son voisin épicier, évoque "une crise sans précédent" au cours de laquelle son chiffre d’affaires s’est écroulé. Montrant ses invendus, il déplore: "Nos produits sont en train de se périmer". 

 

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