Le Roi du Maroc a pris la décision de limoger de ses fonctions ce mercredi le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Boussaid, après une concertation avec le chef du gouvernement Saadeddine El Othmani.
Trois jours seulement après son discours prononcé à l’occasion de la fête du Trône, le roi Mohammed VI a limogé ce mercredi 1er août Mohamed Boussaid, ministre de l’Économie et des Finances et membre du bureau politique du parti du Rassemblement national des indépendants (RNI).
« Conformément aux dispositions de l’article 47 de la Constitution, le Roi Mohammed VI a décidé, après avoir consulté le chef du gouvernement, de mettre fin aux fonctions de Mohamed Boussaid », lit-on sur le communiqué du cabinet royal, relayé par l’agence MAP. Le texte ajoute que « cette décision royale intervient dans le cadre du principe de reddition des comptes que le roi est soucieux d’appliquer à tous les responsables, quels que soient leur rang ou leur appartenance ». Ce qui peut s’interpréter comme une « obligation de résultat », sur laquelle le ministre aurait failli.
En effet, « ce limogeage intervient alors que les rapports sur la situation économique du pays de la Cour des comptes et de Bank al-Maghrib viennent d’être présentés au roi. Or, tous deux critiquent sévèrement la lenteur du département pour la mise en place des réformes », précise une source proche du gouvernement.
Le discours d’Al Hoceima
Aucun détail n’a pour le moment n’a été officiellement donné pour expliquer la décision du roi. Sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, les commentateurs sont nombreux à faire le lien avec le discours du roi prononcé le 29 juillet à Al Hoceima. Ce jour-là, Mohammed VI avait demandé au gouvernement de prendre des mesures d’urgence, en particulier dans le cadre social. Par ailleurs, selon la presse locale, le roi avait convoqué, quelques heures seulement avant ce discours, quelques ministres pour une réunion exceptionnelle. En plus du chef du gouvernement Saadeddine El Othmani, Mohamed Boussaid était également présent.
Qui est Mohamed Boussaid ?
Mohamed Boussaid occupait ce poste depuis 11 octobre 2013, quand il a été nommé par le roi dans le cadre du gouvernement Benkirane II. Après les élections législatives de 2016, il a retrouvé son département pour un second mandat. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur de l’École nationale des ponts et chaussées-ENPC-Paris.
De 1998 à 2001, il a dirigé le bureau des programmes et des études au ministère de l’Équipement, avant de devenir, entre 2001 et 2004, directeur des établissements publics et des participations, puis directeur des entreprises publiques et de la Privatisation au ministère des Finances et de la Privatisation. Sa première mission en tant que ministre a été en 2004, quand il a été choisi pour être nommé ministre chargé de la modernisation des secteurs publics.
A partir des sources concordantes, le360.ma annonce que plusieurs motifs justifient la décision du Roi. Une de ces raisons n’est autre que les retards pris dans le déblocage des fonds prévus dans le cadre du programme Al Hoceima Manarate Al Moutawassit. Ayant déjà fait l’objet de grandes lenteurs dans le passé, avec les événements d’Al Hoceima que l’on connaît, ces projets souffraient, même dans leur phase d’accélération, de nombreux blocages en termes de financements. La responsabilité en la matière incombant au département de tutelle.
Autre raison invoquée, la gestion du dossier de libéralisation des hydrocarbures. Si elle est censée faire jouer les règles du marché en faveur du consommateur et indexer les prix à l’international, c’est tout le contraire qui s’est produit, avec une hausse répétitive des tarifs, au détriment des consommateurs et des industriels.
Le département des Finances aurait ainsi péché par manque non seulement d’anticipation, mais aussi de réactivité par rapport à une situation de marché devenue de plus en plus incontrôlable.
Last but not the least, sous Mohamed Boussaïd, les Finances auraient également fait preuve de légèreté sur le dossier de cession de Saham Assurance, annoncée tambour battant, au sud-africain Sanlam. En sachant que politiquement, Mohamed Boussaïd est de même bord que le patron de Saham, Moulay Hafid Elalamy, soit le RNI (Rassemblement national des indépendants). Le cafouillage - certains parlent de conflit d'intérêt - ayant entouré cette opération semble là aussi avoir eu raison du ministre. En cause, le traitement fiscal de l’opération de cession. Elalamy est accusé d’avoir profité d’une mesure fiscale dérogatoire, introduite dans le tout dernier projet de Loi de finances 2018 et taillée sur mesure par...le département de Boussaïd. Celle-ci instaure le principe d’exonération des droits d’enregistrement sur les cessions de parts d’actions ou de parts sociales, etc.
L’application de cette mesure à la transaction Saham-Sanlam provoque automatiquement un manque à gagner de 420 millions de dirhams de recettes fiscales (soit l’équivalent de 4% du volume global de l’opération).
Le tout, en sachant que l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS-indépendante) n’a pas donné son feu vert à l’opération et que les délais requis pour se prononcer sur la recevabilité du dossier ont été dépassés. Le Code des assurances (article 172) stipule que «toute prise de contrôle direct ou indirect supérieur à 30% du capital social (d'une société d'assurance, ndlr) doit recueillir l'accord préalable de l'ACPAS» et que «la réponse de cette dernière doit intervenir dans les 30 jours à compter de la date de réception de la demande présentée à cet effet». Des mois après l’annonce de cette opération, dont le montant s’élève à 1 milliard de dollars, le verdict de l’ACAPS se faisait toujours attendre.