Un organisme officiel marocain s'alarme de la persistance des inégalités qui "pèsent significativement sur la cohésion sociale" du royaume, dans un rapport relayé lundi par la presse marocaine.
(AFP) - La pauvreté, le chômage des jeunes et les inégalités sociales et territoriales sont "de moins en moins acceptées" par les Marocains, selon le Conseil économique, social et environnemental du Maroc (CESE), dans cette étude consultée par l'AFP.
Cet organisme consultatif public préconise dès lors de "relancer l’ascenseur social", dans ce pays de près de 35 millions d'habitants.
Le CESE déplore notamment la discrimination et l'exclusion touchant certaines catégories de la population, les disparités en termes d’accès aux soins, à l'éducation et à l'emploi, ainsi que les écarts de revenus.
Les Marocains protestent de plus en plus contre ces inégalités, comme le montrent les "mouvements sociaux observés" ces dernières années, fait remarquer l'organisme.
Après les mobilisations contre les retards de développement dans la région du Rif (nord), contre les pénuries d'eau dans le sud à Zagora (sud) ou le manque d'emplois à Jerada (nord-est), les réseaux sociaux ont pris le relais en avril avec une vaste campagne de boycott économique contre la "cherté de la vie".
Les Marocains sont "plus conscients de leurs droits et expriment davantage leur insatisfaction, leurs besoins et leurs attentes", analyse encore le CESE.
Ce "changement d'attitude" s'explique aussi par "l'essor" du digital: alors que la "participation politique demeure modeste et la confiance dans les institutions d’encadrement et d’intermédiation s’est affaiblie", internet est utilisé comme "espace de libre expression et de débat, autour de sujets qui intéressent la société, notamment la question des inégalités", soutient le rapport.
La publication de cette étude intervient alors que les réseaux sociaux marocains sont inondés, depuis début septembre, de vidéos montrant des jeunes du pays en route clandestinement vers l'Espagne à bord de bateaux pneumatiques, prêts à prendre tous les risques pour quitter leur pays.
"Le désespoir est plus dangereux que l'échec", titrait lundi le quotidien indépendant Akhbar al-Youm, en référence à la hausse des traversées clandestines par la mer.
Outre la recommandation de "relancer l’ascenseur social à travers une éducation moderne, de qualité et accessible à tous", le CESE préconise de "renforcer la gouvernance pour rétablir la confiance du citoyen dans la capacité des institutions et des politiques publiques à résorber les inégalités".
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Les mouvements sociaux enregistrés durant la période récente ont montré que la pauvreté, le chômage des jeunes, l’exclusion et les inégalités sont de plus en plus vécus comme des injustices par la population. En outre, le rejet croissant des inégalités au Maroc peut être lié aux changements qui ont eu lieu au sein de la société marocaine.
Dans ce contexte, et étant donné que l’aggravation des inégalités affecte la cohésion sociale du pays, le CESE a consacré le focus de son rapport annuel au titre de l’année 2017 aux « inégalités sociales et territoriales » et propose dans ce sens un certain nombre de pistes d’action prioritaires dont les grands titres se présentent comme suit :
- ¨ Rétablir la confiance des citoyens dans la capacité des institutions et des politiques publiques d’améliorer leurs conditions de vie, de faire valoir la méritocratie et de réduire le poids des inégalités, en concentrant les efforts sur le renforcement de la lutte contre la corruption et la généralisation de la reddition des comptes, sur la sanction des pratiques anticoncurrentielles et des privilèges et sur la réduction des délais entre l’adoption des lois et la publication des textes d’application, etc. ;
- ¨ Remettre en marche l’ascenseur social à travers la réhabilitation de l’école publique assurant une éducation de qualité et accessible à tous ; ¨ Elargir la base fiscale et mettre en place une fiscalité équitable et progressive favorisant la redistribution des revenus et des richesses ;
- ¨ Renforcer le système de protection sociale en accélérant la mise en place du ciblage des aides publiques aux citoyens, en parachevant l’universalité du système de protection sociale, en regroupant les régimes de retraite, etc. ;
- ¨ La mise en place d’une politique nationale, volontariste et transversale à même d’améliorer et de promouvoir la place de la femme dans la vie économique, sociale, politique et culturelle et prendre les dispositions et les mesures d’accompagnement de la loi n°103-13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, etc. ;
- ¨ La réduction des disparités territoriales via une amélioration de la gouvernance et de la démocratie locale et un renforcement des mécanismes de solidarité territoriale.