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Melilla : comment l'Espagne a laissé mourir des dizaines de personnes à sa frontière

La BBC a  publié le 1er novembre une enquête pointant du doigt la responsabilité de l'Espagne dans le drame de Melilla, qui avait causé la mort de plus de 20 migrants le 24 juin 2022. Avec La Dépêche, Maglor vous résume les tenants de cette affaire qui fait scandale de l'autre côté des Pyrénées. Le reportage de la BBC peut être visionné ici ou encore ici.

Le 24 juin dernier, près de 2 000 migrants, originaires pour la majeure partie d'entre eux du Soudan, ont tenté d'entrer à Melilla. Cette enclave et celle de Ceuta sont des territoires portuaires espagnols situés au Maroc, et le seul territoire appartenant à un pays européen situé en Afrique continentale. Mais cette intrusion dans ce bout d'Espagne s'est soldée par un drame : 23 migrants ont perdu la vie selon les autorités marocaines. Ces dernières ont alors évoqué "un accident" lié à l'effondrement de la clôture de fer que les migrants avaient tenté d'escalader.

Mais le documentaire de la BBC juge que les forces espagnoles et marocaines auraient coopéré et seraient en réalité responsables des violences et des morts qui en ont découlé. Parmi les actes commis par les forces de sécurité, la BBC évoque des "tirs de balle en caoutchouc à bout portant" de la part des forces espagnoles. Le média met également en avant une vidéo montrant "au moins un mort sur le sol de l'entrée" du poste-frontière séparant le Maroc de l'enclave espagnole "et d'autres corps sans vie sortis de là par les forces de sécurité marocaines", alors que la zone était sous contrôle espagnol.

Une autre vidéo montre plusieurs migrants allongés au sol, dont certains blessés ou mourants, sous la surveillance des autorités marocaines qui ne leur prête aucune assistance. Les forces marocaines auraient par ailleurs aidé à repousser 450 migrants de l'enclave de Melilla jusqu'au territoire marocain et "auraient frappé des migrants jusqu'à les faire s'évanouir", sous le regard passif des gardes-frontières espagnols.

Une crise politique en devenir 

Ces révélations contredisent les positions officielles espagnoles et ont provoqué une vive une controverse de l'autre côté des Pyrénées. Le Premier Ministre espagnol Pedro Sánchez avait assuré en septembre que les morts avaient eu lieu en territoire marocain. Le bilan ne fait également pas consensus : le Conseil des droits de l'homme de l'ONU évoque 37 morts, et l'Association marocaine des droits humains 27. La BBC a recensé pour sa part 24 morts et 77 disparus, et accuse l'Espagne de faire la rétention de vidéos "cruciales" de caméras de surveillances pour ralentir l'enquête. 

Les parlementaires espagnols, y compris ceux de la coalition de gauche au pouvoir, se sont saisis de l'affaire. "Ce reportage est un coup très dur pour la version officielle des faits", a estimé Jaume Asens, président du groupe parlementaire Podemos. "Il faut aller jusqu'au bout et notre première exigence est le visionnage de ces images, ici au sein de la Chambre des députés, et la comparution urgente du ministre [de l'Intérieur]", a pour sa part lancé Cuca Gamarra, le numéro deux du Parti Populaire, principale force de l'opposition.

Des allégations "sans aucune preuve" selon les autorités

Le ministère de l'Intérieur espagnol a contre-attaqué le 2 novembre un communiqué, jugeant "décevant et surprenant que des accusations d'une telle gravité soient formulées sans aucune preuve". Selon ce même communiqué, "absolument personne, que cela soit la Garde civile [espagnole], la Gendarmerie [marocaine], le parquet ou le Défenseur des droits ne soutient que les morts ont eu lieu en territoire espagnol".

Le ministère réaffirme que les gardes espagnols avaient agi "de manière proportionnée et conforme à la loi" face à un "assaut violent". Selon l'AFP, la BBC a maintenu ses affirmations après la diffusion du communiqué.

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