
Aziz Senni est originaire de la ville de Khouribga, et Farida Amrani est issue d’un petit village dans la région de Oujda. Leur point commun? Leur origine marocaine, et leur distinction dans leurs domaines professionnels en France. Le quotidien L'Econosmiste leur consacre un reportage spécial.
Farida Amrani est fortement engagée en politique sous la bannière France Insoumise. Avec un positionnement populaire proche des classes prolétaires, elle a marqué l’actualité dans l’hexagone pendant les législatives en 2017 en se présentant face à Manuel Valls en Essonne.
Aziz Senni, Serial Entrepreneur, à l’origine de la création d’une dizaine d’entreprises a été couronné de plusieurs distinctions prestigieuses et publié quelques ouvrages. Il est, quant à lui, proche du monde des entreprises et des patrons. Il est actuellement vice-président de la commission nationale dédiée à l’entrepreneuriat du Medef et également membre du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire. Quelques semaines après le déconfinement en France, les deux protagonistes dressent le bilan de la période post-Covid.
Entre opportunités et menaces, des secteurs en dent de scie, une économie lancinante qui creuse les fossés entre les pays du nord et les pays du sud, les deux compatriotes livrent leurs ressentis sur les événements récents et leurs projets dans le cadre de leurs activités respectives. Interviews à retrouver dans le quotidien marocain L'Economiste.
Farida Amrani
Farida Amrani est née à Ajdir, petit village à côté de Tafouralt, non loin de Oujda en 1976. Maman de 3 filles, elle habite aujourd’hui à Evry. Titulaire d’un BTS en logistique et transport, elle est actuellement responsable syndicale et fonctionnaire dans le secteur territorial. Elle a marqué l’actualité politique en mettant en ballottage l’ex-Premier ministre Manuel Valls dans son fief de l’Essonne en 2017. Les sondages les avaient donnés au coude à coude au 2e tour. La candidate franco-marocaine de la France Insoumise (FI) avait été qualifiée pour le second tour, avec 17,61 % des voix. Face à lui au second tour des législatives en juin 2017, elle perd 139 voix et accuse Valls de triche. Mais sa plainte au Conseil constitutionnel reste vaine. C’est lors des municipales de 2014 qu’elle reçoit pour la 1ère fois la visite de Jean-Luc Mélenchon, avec lequel elle entretient, depuis, une relation de confiance.
- (L'économiste) Votre carrière a été marquée par une confrontation assez médiatisée aux législatives en 2017 face à Manuel Valls. Quel souvenir gardez-vous de ce moment?
- (Farida Amrani) En 2017, lors de ma bataille politique avec Manuel Valls, nous étions arrivés au coude à coude avec très peu de voix d’écart. Seulement, nous avions prouvé qu’il y avait eu des tricheries dans le cadre de cette élection. J’ai donc saisi le conseil constitutionnel et prouvé que sur les 70 suffrages, 66 étaient frauduleux, mais ceci n’a pas suffit pour annuler ces votes. Ce que je retiens de ce moment de ma vie politique, c’est ma victoire du départ de Valls de France et son exil en Espagne. Depuis, notre combat continue. Plus tard, je me suis présentée à la liste des élections européennes, puis cette année aux municipales à la mairie de Courcouronnes où j’ai été élue le 15 mars dernier.
- Quelles sont les actions mises en place dans le cadre de votre association à l’endroit des entrepreneurs?
- Nous avons créé une association d’entrepreneurs franco-marocains, dans laquelle je suis la seule femme issue du monde politique. Il y a beaucoup de jeunes qui souhaitent mettre à disposition leurs compétences et leurs moyens pour leur pays d’origine. Il y a d’immenses pépites et de grands talents que nous combinons pour créer de vrais projets innovants et créer ainsi des ponts entre la France et le Maroc et participer au développement économique du Royaume.
- Vous avez également mis en place une plateforme solidaire pendant la crise. Quel en est l’objectif?
- Nous avons créé une association qui est une structure d’appui aux autres associations dans le domaine du social. C’est une plateforme dont dépendent 50 associations franco-marocaines dans l’Essonne et au delà de l’Essonne car nous avons l’intention d’élargir ce concept à toute la France. En région parisienne, nous travaillons en étroite collaboration avec les commerçants du marché de Rungis, les restaurants, les cafés, dans lesquels nous récupérons l’ensemble des invendus pour les distribuer aux personnes dans le besoin. Nous apportons notre aide à tous, quelque soit les origines car la misère ne fait pas de différence, tout le monde est le bienvenu. Nous avons souhaité rendre hommage aux soignants et aux pompiers aux hôpitaux aux chauffeurs de bus, éboueurs et toutes ces personnes qu’on a applaudi pendant 2 mois tous les soirs à 20h. A présent, il ne faut pas les oublier.
- Quels sont vos futurs projets?
- Il y a l’élection des régions qui arrivent et nous préparons les présidentielles en 2022 avec notre candidat de la France Insoumise. Nous sommes 120 élus par régions et par départements à travailler régulièrement ensemble sur des problématiques communes afin d’apporter des vraies solutions à nos compatriotes qui ont vécu depuis plusieurs années et plus récemment de véritables épreuves.
Aiz Senni
Né à Khouribga en 1976, de père cheminot et de mère femme au foyer, Aziz Senni est diplômé d’un BTS Transport et Logistique en 2000. Il s’engage très tôt pour sensibiliser les jeunes générations, notamment les jeunes de banlieue, sur le monde de l’entreprise.
Il écrit son premier ouvrage «L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier», (Editions de l’Archipel) préfacé par Claude Bébéar dont il reversera les droits d’auteurs sous forme de bourses au mérite à des collégiens. Fort de ses succès entrepreneuriaux et de son engagement citoyen, il crée le premier fonds d’investissement dédié aux zones urbaines sensibles en 2007: Business Angels des Cités (BAC devenu Impact Partenaire).
En 2009, il reçoit le prix de l’Entrepreneur Social de l’année, décerné par l’INSEAD, et l’année suivante il publie son second ouvrage: «Monte ton biz: les dix commandements de l’entrepreneur des cités». En 2010, il reçoit le Prix Ethique et Gouvernance dans la catégorie PME et en 2011, la Commission Européenne le reconnaît comme l’un des jeunes de moins de 40 ans les plus influents de France.
En 2012, sur France 4, Aziz Senni coache des entrepreneurs face caméra dans l’émission «Business Angels: 60 jours pour monter ma boîte». Un an plus tard, le Figaro Magazine le classe 63e leader économique français dans la catégorie des dirigeants de moins de 40 ans. Un certain Emmanuel Macron y figure alors dans le trio de tête.
La même année, en collaboration avec le journaliste de France 3 Jean-Marc Pitte, il publie «L’ascenseur social est toujours en panne, il y a du monde dans l’escalier». En janvier 2015, le franco-marocain occupe la fonction de vice-président de la commission nationale dédiée à l’entrepreneuriat du MEDEF, il sera nommé 3 ans plus tard par décret ministériel membre du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire.
- (L'économiste) Quelles leçons devrons nous tirer de cette crise (Covid-19) au Maroc?
- (Aziz Senni) L’image du Maroc est très positive sur la scène internationale. Des actions ont été très rapidement engagées au Royaume pour minimiser la portée de la chaîne de contamination de l’épidémie. Une initiative qui a été renforcée par un verrouillage des frontières, une interdiction des rassemblements, la fermeture des écoles, puis des mesures drastiques incitant à un confinement volontaire puis obligatoire. Le ministère de la Santé a déployé une série d’actions pour élever son niveau de vigilance dans le suivi de la situation épidémiologique en temps réel. Il a ajusté son mode de fonctionnement par la mise en place d’un Comité technique et scientifique consultatif, dont l’une des missions est la définition d’un protocole de prise en charge des malades atteints de Covid-19. Le Fonds spécial déployé en mars pour la gestion de la pandémie de 10 milliards de DH (soit 934 millions d’euros).
Doté initialement de ressources budgétaires, puis abondé par des contributions du privé et du public. Le Comité de veille interministériel à piloté le plan d’action sous ses volets économique et social. A travers ses actions, le Royaume a démontré qu’il n’avait rien à envier aux supers puissances mondiales. Le pays a fait également son devoir de précaution et a su adapter rapidement son industrie pour la production de masques de protection. Il a ainsi renforcé sa crédibilité sur la scène internationale et rassurer les investisseurs pour ceux qui hésitaient à venir faire des affaires au Maroc. Cette crise sanitaire a été salutaire.
.