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Ferhat MEHENNI, Président de L’ANAVAD  " La Kabylie est kabyle et cette constitution le dit haut et fort "

 

Motivés pour l'indépendance de leur pays, les kabyles poursuivent leur lutte pacifique. Depuis quelques jours, le gouvernement provisoire annonce un projet qui ne manque pas d'importance : " la constitution est un repère éternel pour la Kabylie. Elle pose les fondements d’un Etat appelé à être régi et nourri par de nobles valeurs", déclare haut et fort le président Mehenni.

Dans une interview exclusive qu'il nous accorde à cette occasion, le président, qui remercie le royaume du Maroc de son soutien, nous dévoile la situation actuelle de leur mouvement d'indépendance et fait appel à la mobilisation de la communauté internationale pour accélérer le processus initié depuis plusieurs années pour la l'indépendance du pays. Interview.

 

Réalisé par Rida ADDAM.

 

Monsieur le Président, où en est la cause kabyle ? Y a-t-il des avancées à l’échelle internationale ?

Depuis un an, ce sont les militaires algériens qui ont fait faire des pas de géants à l’Anavad (Gouvernement Provisoire Kabyle en exil), au MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie) et au combat pacifique du peuple kabyle pour son indépendance. Alors que nous peinions à enregistrer des avancées diplomatiques, la décision des généraux de nous faire passer pour des terroristes auprès de l’opinion internationale a de fait internationalisé la question kabyle. A force de vouloir dénier au peuple kabyle le droit à l’autodétermination, il n’a fait qu’en souligner davantage toute la légitimité.

La tentative désespérée d’Alger de nous amener à prendre les armes pour créditer son illégal classement du MAK en tant qu’organisation « terroriste » s’est retournée contre l’Etat major algérien. Au lieu de nous amener à la faute, il s’est fait prendre à son propre piège. Les abominables crimes commis durant ces terribles provocations sont enregistrés pour l’éternité par l’Histoire. Ainsi, des plaintes pour tentative de génocide ont été déposées auprès des instances internationales. Elles concernent trois volets :

1) l’abandon de la Kabylie à son sort devant le Covid 19 ayant occasionné plus de 5000 morts en moins de six mois (avril à août 2021) ;

2) les incendies infernaux au phosphore allumés par les militaires dans un élan génocidaire antikabyle inédit et ayant enregistré plus de 500 morts et plusieurs milliers de blessés, sans oublier les dommages occasionnés à la nature et aux biens.

3) les centaines d’innocents arrêtés, torturés et mis sous mandat de dépôt par l’Algérie, en violation totale de la Déclaration universelle des droits humains et des Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie.

Ce qui a également fait grandement avancer la cause kabyle, depuis un an, est le soutien moral que lui a apporté le Maroc devant les instances onusiennes. Au nom de tous les Kabyles épris de liberté, nous lui exprimons notre gratitude et notre fraternité. Nous savons ce que ce soutien lui en a coûté. Il est la raison essentielle pour laquelle l’Algérie a unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec Rabat.

La Constitution de la République Fédérale de Kabylie a provoqué un débat à l’échelle internationale. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

La Constitution de la République Fédérale de Kabylie est désormais, avec le Mémorandum déposé à l’ONU le 28/09/2017, notre carte de visite, notre photo de profil pour que le monde entier nous identifie clairement sur le chemin du recouvrement de notre souveraineté. La domination coloniale algérienne sur la Kabylie est une violence insupportable et inadmissible. La Kabylie est kabyle et cette constitution le dit haut et fort.

Elle est intéressante ne serait-ce que pour la comparaison que chacun peut faire entre la constitution kabyle et celle de l’Algérie. Après le divorce exprimé par la Kabylie avec l’Algérie et acté par le boycott de tous les scrutins algériens, cette Loi fondamentale est historique et arrive à point nommé. Elle est un repère éternel pour la Kabylie. Elle pose les fondements d’un Etat appelé à être régi et nourri par de nobles valeurs issues de notre patrimoine sociétal ancestral et de celles pérennisées par les grandes démocraties du monde moderne.

J’appelle le peuple kabyle à discuter et à en enrichir le contenu. Le débat commencera le 14/06/2022 qui correspond à la journée de la Nation Kabyle, et s’étalera sur une période de six mois avant d’en faire la synthèse à soumettre pour adoption.

 

Le régime militaire algérien commence à activer ses réseaux pour banaliser l’avènement de cette constitution. Comment comptez-vous communiquer ?

Nous attendons ses réseaux de pied ferme. Il a déjà mobilisé des dizaines d’écervelés pour me tuer politiquement, ils ne font que le ridiculiser lui-même. Même ma page Wikipédia est prise en otage. Le régime y déverse des immondices pour me salir et toute correction apportée par nos équipes est automatiquement effacée aussitôt.

Tout ce qui risque d’arriver est que cette constitution de la République Fédérale de Kabylie oblige Alger à changer sa propre constitution pour rivaliser avec la nôtre. Mais comme les militaires sont les premiers à violer toutes les lois qu’ils édictent eux-mêmes, nous n’avons aucun souci à nous faire quant à une rivalité entre nos textes. Le leur ne sera jamais crédible face au nôtre. Le régime est militaire et ses constitutions sont toutes martiales. Elles sont rédigées pour un pays-caserne et non pour un peuple libre.

 

Le soutien marocain, Roi, gouvernement et peuple se poursuit depuis plus d’un an. Qu’attendez-vous davantage de vos frères marocains dans votre lutte pacifique pour la liberté ?

Permettez-moi de saluer l’ensemble du Maroc, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, son gouvernement, ses diplomates et le grand peuple frère marocain. Que chacun trouve dans ces mots l’expression de notre éternelle gratitude.

Ce que nous attendons davantage est une reconnaissance officielle du Gouvernement provisoire kabyle, l’ouverture d’une représentation diplomatique kabyle à El Ayoun et un soutien politique auprès de la 4e Commission de l’ONU chargée de la décolonisation. Nous demandons également un soutien à la demande de l’Anavad d’être membre observateur au sein de l’Union Africaine.

 

La communication et les manifestations pacifiques du peuple kabyle à travers le monde est un exemple à suivre en matière du respect des lois et des conventions internationales. En revanche, les autorités coloniales algériennes continuent de réprimer le peuple kabyle et ses militants en les séquestrant et en les torturant, en violation de tous les droits humains. Comment le peuple kabyle et son gouvernement en exil vivent-ils ces exactions ?  Quel est l’écho de votre voix qui crie contre ces injustices, ces tortures et ces barbaries ?

Un climat de terreur est actuellement imposé par les forces d’occupations et leurs supplétifs à un peuple kabyle pacifique et désarmé. C’est de la lâcheté. Les arrestations et les tortures sont quotidiennes et n’ont pas d’autre objectif que de faire peur dans l’espoir que les Kabyles taisent leur soif d’indépendance. C’est voué à l’échec.

Malgré la guerre en Ukraine, et probablement à cause d’elle, les militaires algériens ne peuvent plus compter sur le parapluie russe en matière de droit de véto à l’ONU où nous venons de dénoncer leurs crimes en Kabylie. En novembre prochain, l’Examen Périodique Universel sur la situation des droits humains en Algérie aura lieu en notre présence à Genève. Nous serons armés de dossiers volumineux sur les tortures, les arrestations et les détentions arbitraires, la tentative de génocide contre le peuple kabyle par les incendies criminels d’août dernier.

Une plainte auprès de la CPI est également en cours. Nous espérons qu’elle ne tardera pas à être examinée.

Amnesty International, Human Rights Watch, et le rapport du Département d’Etat américain ont cette année tenu compte de nos informations et ont dénoncé les violations des droits humains sur les militants kabyles comme ils ont condamné le classement du MAK en tant qu’organisation terroriste par Alger.

 

Le monde entier connait les graves violations que pratiquent quotidiennement les forces d’occupation algériennes en Kabylie. Qu’attend l’ONU pour décréter des mesures de protection en faveur du peuple kabyle ?

 

La guerre en Ukraine fait écran à toute autre urgence dans le monde, depuis quelques mois. Pour briser le mur du silence, nous avons besoin de voix parmi les membres de l’ONU. Nous essayons d’en avoir quelques-unes. Pour le moment nous sommes soumis à un black-out médiatique par des pays qui espèrent de l’Algérie des positions favorables à leurs intérêts. Or ces intérêts ne seront jamais mieux servis face à l’Algérie que par la défense du droit du peuple kabyle à l’autodétermination. Beaucoup d’entre eux commencent à le comprendre.

 

 

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