
Pour elles, le paradis est au Canada. Elles veulent une plus belle carrière, de meilleurs salaires. Mais le Maroc, en pénurie d'infirmières lui aussi, perd une main-d’œuvre essentielle à ses hôpitaux. Radio Canada a ouvert le dossier.
(Radio Canada) - Soufiane et Khadija nous accueillent dans leur appartement en travaux. Des ouvriers assemblent un énorme placard qui servira à mettre les jouets et les vêtements de leur fille Yasmine, 2 ans. Une belle petite fille à bouclettes, qui veut nous présenter sa collection de nounours.
Mariés depuis trois ans, Soufiane et Khadija vivent dans un quartier populaire à la périphérie de Casablanca. Mais présentement, ils songent à partir.
Tous les deux infirmiers dans le secteur privé, ils rêvent d’aller au Canada. Ils ont une vague idée du Québec, de ses villes ou de ses régions, mais ça ne les inquiète pas. Ils sont prêts à s’installer n’importe où, pourvu qu’ils puissent y être accueillis, travailler et gagner un salaire décent.
Pourquoi quitter le Maroc? Khadija répond par un long soupir, comme si elle ne savait pas par où commencer.
Pour la motivation, les salaires, énumère son mari. Ils ont beau avoir 7 et 10 ans d’expérience, leur salaire ne bouge pas. Il est fixé à 5000 dirhams marocains par mois, soit environ 650 $ canadiens.
S’ils ont pu acheter cet appartement, c’est au prix d’un endettement qui vient gruger une bonne partie de leur revenu. Et au prix d’un travail sans relâche. Moi, je travaille la journée, dit Soufiane. Ma femme travaille la nuit de 20 h à 8 h, un jour sur deux. On doit emmener notre petite fille à une heure d’ici, chez la grand-mère. On passe deux heures par jour dans la voiture. Après 12 heures de travail, c'est beaucoup.
Ils veulent de bonnes écoles pour leur fille et espèrent bénéficier d’une meilleure couverture médicale. Ici, il faut payer pour tout, explique Khadija. Si ma fille est malade et qu’on n’a pas d’argent, ils ne la traitent pas.
Toutefois, depuis notre rencontre en octobre, le Maroc a étendu l’accès à l’assurance-maladie, avec l’objectif d’une protection sociale universelle pour les 37 millions de Marocains.
Oumaïma s'enquiert de son dossier auprès de Youssef Cheddadi, directeur de New Life Canada, consultant en immigration à Casablanca.
À l’étage d’un petit immeuble en plein centre-ville de Casablanca, l'agence New Life Canada épaule des candidats dans une dizaine de professions recherchées par le Québec : infirmières, éducatrices à la petite enfance, ingénieurs informaticiens, designers graphiques, entre autres.
Sur le mur de son bureau, le directeur Youssef Cheddadi a accroché une grande photo du Château Frontenac. Ses enfants étudient au Québec. Il reçoit une cinquantaine de demandes par jour. Ceux qui frappent à sa porte sont, pour les deux tiers, des célibataires de moins de 35 ans.
« Les gens sont toujours séduits par l’écart de rémunération. Après, il y a le souci de la couverture médicale et du système de santé. La recherche d’une sécurité, d'un filet social. Et puis, l’éducation des enfants. » — Une citation de Youssef Cheddadi
Il a reçu la visite d’Oumaïma, une infirmière de 24 ans. Ce sont les conditions de travail au Maroc qui la motivent à partir. Son salaire dans le secteur public stagne à 6500 dirhams par mois (852 $). Ses gardes de 12 heures, un dimanche sur quatre, lui rapportent à la fin de l'année 98 dirhams (13 $) par journée.