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LE Roi, la Jaliya et le Gouvernement : Cherchez l’erreur. Par Dr. Mohammed Mraizika

L’histoire de la Jaliya marocaine est ancienne, longue et complexe. Mais ce qui rend sa perception peu aisée ou parcellaire, c’est l’étroite imbrication d’un ensemble de facteurs organiques : La pluralité (près de 6 millions), la diversité linguistique, la mutation sociologique et la répartition géographique à travers le monde. Si l’attachement de la Jaliya à son pays d’origine et sa fidélité à sa devise s’imposent d’eux-mêmes et ne souffrent d’aucune contestation, des questions importantes liées à sa formation, à sa sociologie et à ses aspirations restent posées. En l’absence de cette compréhension on risque de continuer longtemps à verser dans la redondance et dans l’amalgame qui n’engendrent que des ruptures, des politiques publiques inadaptées et des stéréotypes.  Il est donc impératif de changer de paradigme (discours royal devant le Parlement le 11 octobre 2024) afin de mieux préparer les conditions nécessaires permettant à la Jaliya de remplir pleinement ses rôles essentiels dans les domaines les plus stratégiques : défense des causes nationales et contribution à l’essor économique et humain du Maroc.

Pour répondre à cette exigence d’une approche permettant plus de clarté au sujet de la relation de la Jaliya avec son pays d’origine (Le Maroc), le choix d’un triptyque, « Roi, Jaliya et Gouvernement », semble une entrée pour lire cette relation paradoxale et comprendre à sa juste valeur la nature de deux dynamiques qui sont en œuvre en la matière.  D’un côté la relation Roi-Jaliya, affirmée par l’histoire et renforcée en permanence, et de l’autre le sentiment d’incompréhension et de méfiance qui caractérise la relation Jaliya-gouvernement. Un triptyque, disent les spécialistes de la chose artistique, est « une œuvre d'art, un ensemble de trois panneaux peints ou sculptés, qui sont connectés de manière à ce qu'ils puissent se replier ou s'ouvrir ». Il y’a donc une relation structurelle et dynamique entre les trois panneaux. Si l’un de ces trois panneaux dysfonctionne les 2 autres sont contrariés car les trois panneaux travaillent ensemble, avec un panneau central servant de point focal principal. Dans notre démonstration (et métaphore) c’est le souverain chérifien qui constitue le point d’ancrage et le pivot central auquel se connectent la Jaliya et le gouvernement. Il n’est donc pas illégitime de s’interroger sur les fondements de cette relation singulière qui lie le souverain chérifien et la Jaliya et, en même temps, essayer de comprendre les raisons qui rendent la relation Jaliya-gouvernement si compliquée.

 Ce sont les discours de SM le Roi qui nous offrent de précieuses indications  pour mesurer la nature de cet attachement et cette fidélité de la Jaliya à son pays et à son Roi et de mieux comprendre toute l’attention et la sollicitude qu’accorde Sa Majesté à la Jaliya. Fondamentalement, tous les discours de SM le Roi portent en eux une sollicitude royale particulière et sincère à la Jaliya qui lui rend en retour une fidélité et une considération défiant le temps et les aléas de la vie politique et économique du Maroc. Pour preuve. Le dernier discours royal du 6 novembre 2024 a fait naître dans le cœur de la Jaliya de l’espoir et de l’espérance. C’est plus qu’un éloge fortuit ou une intention passagère. Sa Majesté annonce un projet structurant et ouvre une perspective sérieuse pour encadrer la Jaliya et assurer dignement sa représentation institutionnelle. La refonte du CCME et la création de la Fondation Mohammedia sont les cadres de cet encadrement politique et institutionnel voulu par Sa Majesté le Roi.

En novembre 2005, Sa Majesté a suscité un grand espoir en posant les jalons d’une véritable représentation parlementaire de la Jaliya. En décembre 2007, il favorise par décret la création du Conseil (CCME) avec des missions et une feuille de route précises. En 2011, la révision de la Constitution est intervenue pour inscrire dans le marbre de la Loi « des dispositions novatrices consacrées aux droits des Marocains Résidant à l'Etranger ». Les articles 16-17-18-163 et les instances de la bonne gouvernance (Titre XII) constituent la base juridique de cette avancée.  En 2012, Sa Majesté rend une fois de plus justice à la Jaliya en ces termes : « chaque fois que nous entreprenons des réformes structurantes et profondes, nos compatriotes établis à l'étranger sont toujours au centre de nos préoccupations, nos réflexions et nos projections ». Dix ans plus tard, en 2022, le souverain alerte sur l’absence de réactivité et d’initiative d’un exécutif incapable d’assurer l’effectivité des droits de la Jaliya : « qu’avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigrés ? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent-ils compte de leurs spécificités ? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment ? Leur avons-nous assuré l’encadrement religieux et éducatif nécessaire ? 

La question est : Est-ce que le troisième panneau du triptyque, à savoir le gouvernement

assure correctement sa fonction pour permettre à tout le mécanisme du triptyque de fonctionner ?

Les recommandations du souverain chérifien sont-elles en cours de réalisation ?

Les partis politiques ont-ils un vrai projet pour la Jaliya ?

Est-ce que les diverses instances chargées de ses affaires remplissent pleinement leurs missions ?

 

La réponse à cette interrogation est amère car le compte n’y est pas. Les droits constitutionnels (2011) de la Jaliya sont toujours congelés, l’offre culturelle et cultuelle destinée à ses enfants est inadaptée, les conditions d’investissement ne sont pas optimisées, la méfiance dans l’administration règne toujours. Certes, le gouvernement se réunit de temps en temps pour « évoquer » les dossiers de la Jaliya ; souvent au lendemain d’un discours royal. Il est aussi vrai que des commissions se sont réunies à cet effet et les propositions de lois des partis s’accumulent. Mais rien n’est fait car il ne s’agit au fond que de manœuvres dilatoires.

Comment donc sortir de ce jeu de dupe afin de permettre à la Jaliya d’accéder à une citoyenneté pleine et entière ? Est-ce trop demander ? Ne mérite-t-elle pas un peu de reconnaissance et de considération ?  Jusqu’à quand va durer ce déni de droit ?

Le dernier des observateurs de la question vous dira que le 3e panneau du triptyque (gouvernement) est faible et ne suit pas le mouvement. Il faudrait donc le changer ou le réparer pour préserver l’ensemble du dispositif. En principe, c’est aux deux autres protagonistes (Roi et Jaliya) d’agir fermement et de dire leur mot afin que l’œuvre trouve toute sa cohésion.

C’est un fait incontestable. Le souverain chérifien n’a cessé de « secouer le cocotier » (le gouvernement) pour qu’il fasse son travail sans tarder, de rendre effectifs les droits de la Jaliya.

Du côté de la Jaliya, il y a beaucoup à dire et à faire. Elle doit commencer d’abord par dépasser ses divisions et s’unir, elle doit s’attacher à former ses responsables, à éloigner les opportunistes de ses structures associatives, à mutualiser ses efforts et développer un argumentaire solide pour défendre les intérêts supérieurs de son pays. Le temps est donc venu pour la Jaliya de faire sa propre mutation et autocritique. Le temps est aussi venu pour le gouvernement de sortir de cette longue et improductive litanie « ce n’est pas moi ce sont les autres », qui est un déni de responsabilité.

Somme toute, c’est la réunion de conditions de fond qui permettront à la Jaliya de donner le meilleur d’elle-même pour assurer la défense de ses intérêts et ceux de son pays. Cela dit, la solution, l’espoir et l’espérance, seul le souverain chérifien est en mesure de les nourrir et de les faire perdurer dans le cœur des Marocains du Monde.

 

Dr Mohammed MRAIZIKA : historien, chercheur, écrivain, fondateur du Think Tank Focus 212 et directeur du CIIRI-Paris

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