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Maroc : les trop rares candidats MRE aux élections législatives du 8 septembre

Même si les millions de Marocains résidant à l’étranger (MRE) ne pourront une nouvelle fois pas élire de députés pour les représenter directement au Parlement, quelques membres de la diaspora sont candidats dans des circonscriptions au Maroc pour le scrutin législatif du 8 septembre. Qui sont-ils ? Le magazine Tel Quel fait le point dans son édition Diaspora.

(Tel Quel) - Ils ne sont pas très nombreux. Pour chaque formation, ils se comptent même sur les doigts d’une main. Juste le nécessaire pour profiter des bonifications offertes par le ministère de l’Intérieur après la modification de la loi organique 29-11 relative aux partis politiques opérée en mars dernier.

Alors que la création de circonscriptions à l’étranger reste un vœu pieu, le ministère a multiplié par cinq, cette année, la dotation financière des circonscriptions locales où un Marocain de l’étranger sera élu député. Il a également conditionné le remboursement des frais de campagne au fait que l’écurie présente une femme MRE en tête de l’une de ses listes régionales aux législatives.

Khadija Babile, l’auditrice du PJD

Ainsi, le Parti de la justice et du développement (PJD), qui se prétend depuis longtemps défenseur des droits politiques de la diaspora, n’a-t-il investi qu’une seule représentante de cette dernière. Khadija Babile, née dans un petit village de la région de Ouarzazate, aujourd’hui auditrice pour le cabinet Aplitec à Paris, est tête de liste dans sa région d’origine, le Drâa-Tafilalet.

J’ai été désignée par le responsable du PJD à Paris pour être candidate et je me suis dit : ‘pourquoi pas ?’”, raconte-t-elle. En tant que femme, MRE et candidate dans une région qui compte déjà cinq députés et un président de son bord, la jeune femme a toutes les chances d’être élue. À elle seule, elle permettrait alors aux islamistes de bénéficier des deux incitations accordées par l’Intérieur.

Je suis très contente si je peux aider mon parti, c’est du gagnant-gagnant car je pourrais représenter les MRE au Parlement”, assure-t-elle – même si son projet politique les concernant se limite pour l’instant à l’instauration d’un droit de vote direct depuis leurs pays de résidence.

El Maalouma Haffoud, la success story du PPS

De son côté, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) présente trois candidats vivant à l’étranger, sur les listes de Casablanca, de Rabat et de Guelmim. Originaire de cette dernière région, El Maalouma Haffoud est “partie de zéro”, selon Amine Najji, son directeur de campagne. Elle aurait effectué des petits boulots avant de rencontrer son mari, un Espagnol qu’elle a suivi pour s’installer aux Canaries.

El Maalouma Haffoud travaille aujourd’hui dans le secteur touristique, développant un projet d’hôtel à Tan-Tan. Recrutée, comme Khadija Babile, pour être la tête de liste femme et MRE nécessaire au remboursement des frais de campagne, elle n’a qu’un objectif pour les Marocains du monde : “les inciter à investir dans le développement de la région”, selon Najji, résumant ainsi l’attente la plus répandue dans la classe politique marocaine à l’égard des ressortissants installés hors du royaume.

Ryane, Sakhi : la FGD mise sur l’expérience

La Fédération de la gauche démocratique (FGD) a, elle aussi, désigné au moins trois têtes de liste issues de l’immigration : dans la circonscription de Tanger avec Lina Abbou, dans celle de Chefchaouen avec Jamal Eddine Ryane, président du mouvement des MRE démocrates, et à Salé avec Montassir Sakhi. Ce dernier, militant de gauche de longue date et membre actif du Mouvement du 20-Février, s’est installé à Paris pour y poursuivre ses études de sociologie. Il exerce aujourd’hui en tant qu’enseignant-chercheur spécialisé dans les mouvements sociaux.

Je veux défendre le droit des MRE à bénéficier de circonscriptions propres, à l’établissement d’une réciprocité en matière de visa pour défendre la dignité des Marocains qui se voient refuser aujourd’hui leur sésame pour l’Europe. Le Maroc doit également défendre les droits de ses binationaux face à l’islamophobie. […] Je veux aussi interroger le système de Campus France qui sélectionne les riches, et revoir l’attribution trop limitée des bourses”, énumère l’activiste, reprenant les principales revendications des Marocains partis étudier en France.

Les militants “historiques” ostracisés ?

En dehors de Jamal Ryane, les militants MRE historiques ne sont pas nombreux à avoir reçu l’investiture des partis marocains. Salaheddine El Manouzi, représentant de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) en France, a ainsi été débouté par les siens.

Je voulais me porter candidat dans la circonscription d’Anfa où j’avais, je crois, une véritable chance de gagner car j’y suis né, j’y ai fait toutes mes études et je pouvais mobiliser les réseaux de ma famille. Mais au sein de l’USFP on a tout fait pour me dissuader au profit d’un candidat [Brahim Rachdi, avocat de Saad Lamjarred et de l’État dans les procès des manifestants du Hirak] déclarant partout qu’il avait l’investiture du parti. Le premier secrétaire a organisé un vote du bureau politique pour désigner officiellement le candidat de la circonscription. Je n’ai pas été choisi, mais le plus important pour moi c’est que la démocratie interne a prévalu sur les arrangements d’appareil”, relativise-t-il.

L’USFP n’a donc désigné qu’une seule MRE, Aïcha El Gourji, sa représentante en Espagne et personnalité très controversée, en tant que tête de liste, à Rabat. Elle a toutes les chances de devenir députée.

Si les candidats de la diaspora aux législatives sont encore une fois et sans surprise assez peu nombreux, les partis ont tout de même été globalement sensibles aux incitations financières du ministère de l’Intérieur. Quitte, parfois, à recruter des profils sans réels engagements pour la communauté marocaine à l’étranger.

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