
Lu ce matin dans Le Parisien, un reportage avec notamment des Franco-Marocains qui montre qu'il est quand même facile de s'intégrer socialement et culturellement. Encore faut-il le vouloir !
(Le Parisien) - Sur le parvis de l’hôtel de ville d’Evry-Courcouronnes (Essonne), 70 000 âmes, 75 nationalités, la question « comment peut-on être Français ? » inspire. « Pour un étranger, c’est très facile de s’intégrer », sourit Ayman. A une condition, précise cet ingénieur de 31 ans : « avoir envie d’être français ». Lui est né à Casablanca, au Maroc, qu’il a quitté enfant. Il parle avec fierté « des valeurs de notre pays », de la vie « agréable » qu’il coule dans cette banlieue parisienne si souvent dépeinte en « cité-dortoir ».
Bien sûr, comme tant d’autres habitants, il regrette les « guerres de quartiers », les difficultés économiques qui abîment le quotidien. Du menton, il désigne le fronton de la mairie. Liberté. Égalité. Fraternité. « Il faudrait ajouter un mot : laïcité. C’est important. Beaucoup oublient cette valeur, et les politiques devraient s’assurer qu’elle est bien respectée. »
Sont-elles menacées ? « Ça me blesse de voir que certains refusent de se plier à ses règles. On doit défendre notre pays », lance-t-il, l’air grave, avant d’évoquer les « hommes en djellabas », les « femmes voilées » qu’il croise trop souvent à son goût : « Ça me choque ! La foi, c’est privé, il y a des moments où je ne me sens plus en France… »
« Ce ne serait pas la France, si on n’accueillait pas des gens »
Cette impression, susurrée d’un air contrit, affleure souvent, indépendamment des signes religieux. Catherine Parent, retraitée de 62 ans, avoue le penser, elle aussi. Comme il y a une semaine, en se rendant à la mairie pour une démarche. « Je crois que j’étais la seule Française », avance-t-elle, un peu gênée. « Mais j’essaie de chasser immédiatement cette idée, je sais que c’est du racisme. »
Du regard, elle embrasse l’esplanade grise de la place des Droits-de l’homme, les dix drapeaux qu’agite un vent glacé. « Ce ne serait pas la France, si on n’accueillait pas des gens. Mais pour que le modèle social soit respecté, peut-être faudrait-il qu’il y en ait moins, pour qu’ils soient mieux traités », expose-t-elle.
Cette mère de famille, deux grands enfants à la maison, ne se plaint pas de sa situation, elle choisit le terme « favorisé » pour décrire son niveau de vie, raconte avec enthousiasme son HLM dans le « vieil Evry », les séances de Loto où elle rencontre des personnes venues d’un peu partout : « Avec les étrangers, ça se passe bien ». L’amie qui l’accompagne, retraitée elle aussi, dodeline de la tête, moue dubitative : « C’est avec les jeunes immigrés que c’est compliqué, les anciens étaient réglos, ils faisaient plus d’efforts. »
« L’effort », « la volonté »… Les expressions reviennent en boucle devant le bâtiment municipal dont Manuel Valls fut maire pendant onze ans. C’est ce que dit aussi Hubert Cavatorta, 33 ans. « Je vous préviens, je vote Marine », entame-t-il. Le serveur s’est converti à la dernière présidentielle. « Je ne suis pas raciste, se justifie-t-il d’emblée. Ma sœur a épousé un sans-papiers tunisien, je n’ai aucun problème avec ça. On a tous le même sang. » Il se dit « fier » de son pays, « attaché » à ses valeurs, et considère qu’il est « facile » de s’y fondre. « Mais il y a trop d’immigrés », soupire-t-il, « trop de communautarisme ».
« C’est vrai que les Kurdes, les Turcs, les Congolais restent entre eux », énumère Issa Amjad, un Français né en Syrie qui officie dans le restaurant libanais de la ville. Ce lundi après-midi, un couple russe déjeune en tête-à-tête. Autour d’une autre table, on partage un café. Cinq amis, quatre nationalités. Ils évoquent les accrocs - nombreux - qui blessent l’identité.
« On me demande ma carte de séjour alors que j’ai un passeport français », soupire Issa. Son épouse, Marocaine, égrène les « regards de travers » qui font souffrir, une forme de défiance liée à son statut « d’étrangère ». Christophe, « originaire d’Orléans » comme il dit, semble navré. Son ami Franco-Syrien philosophe : « Égalité et fraternité, d’accord, mais liberté… On doit rouler à 80 km/h, attacher sa ceinture ! A part ça, c’est le plus beau pays du monde ! » Tous éclatent de rire, Christophe esquisse un sourire : « En tout cas, tu râles autant qu’un Français ! »