Partager sur :

Témoignages d'étudiants marocains en Chine

Intéressés par l’expérience culturelle mais aussi par le niveau croissant des universités chinoises, de plus en plus d’étudiants marocains tentent leur chance dans l’Empire du milieu. Ils racontent à Tel Quel - Diaspora leur parcours et leur quotidien.

(Tel Quel-Diaspora) - "Le plus compliqué, c’est l’arrivée. On a l’impression d’atterrir sur une nouvelle planète [rires]. C’est tellement bien organisé que ça devient intimidant, surtout pour les plus jeunes d’entre nous, mais il suffit de quelques mois d’adaptation pour tomber amoureux de ce pays et de ses citoyens. On est loin des préjugés et des idées reçues véhiculées par les médias ou sur les réseaux sociaux”, confie à Diaspora Abderrahman El Had, inscrit dans un MBA à la Shenyang Agricultural University, à 700 kilomètres au nord-est de Pékin.

À l’instar de cet étudiant casablancais de 27 ans, qui a entamé sa troisième année dans l’Empire du milieu, plusieurs centaines de compatriotes ont déjà franchi le pas. Qu’ils le fassent par leurs propres moyens, ou via des agences comme la FUSAAA (Foreign Universities Scholarships and Admission Assistant Agency) qui facilitent toutes les étapes administratives, les candidats sont tentés par l’expérience culturelle mais aussi par le parcours universitaire.

Les cursus proposés s’appuient essentiellement sur la pratique plutôt que sur des cours théoriques “classiques”, met ainsi en avant Anas, qui étudie à la Guanghua School of Management de l’université de Pékin. Les Marocains qui tentent l’expérience s’adaptent plus ou moins bien à cette société nouvelle aux valeurs différentes, ainsi qu’aux sept heures de décalage horaire avec le royaume.

“L’avenir appartient à l’Afrique et à l’Asie”

J’ai opté pour la Chine il y a déjà cinq ans. En plus d’avoir deux amis chinois qui visitent régulièrement le Maroc pour du tourisme et qui m’ont encouragé à le faire, je suis convaincu que c’est ici que ça se passe. L’avenir appartient à l’Afrique et à l’Asie. À Pékin, les gens sont convaincus que ce sont eux qui dirigeront les grandes entreprises de demain, qu’ils seront au cœur des grands projets, et ils se donnent tous les moyens pour y arriver”, s’enthousiasme Anas. Et le jeune homme d’expliquer qu’il a choisi Pékin plutôt que Montréal moins pour une question de moyens que de “convictions”.

Convaincu que la Chine détrônera bientôt les États-Unis comme première puissance économique mondiale, il ne compte pas pour autant y vivre après sa diplomation. “Certains étudiants marocains en Europe ou au Canada préfèrent rester dans leurs pays d’accueil s’ils parviennent à décrocher des contrats. La distance le permet. Ce n’est pas le cas de la majorité des étudiants marocains ici”, relate notre interlocuteur. D’après lui, les quelques camarades qu’il connaît et qui sont dans la même situation que lui ont pratiquement tous le même plan de carrière : “décrocher leur diplôme, enchaîner les stages et les expériences, tout absorber, et rentrer ensuite au Maroc pour créer leur entreprise”.

En débarquant ici, nous sommes vraiment loin des parents et de notre pays. Ce n’est plus une question de deux ou de quatre heures de vol, on doit vraiment apprendre à compter sur nous-mêmes. Il faut être prêt. HOUDA

Certains envisagent l’avenir autrement, telle Houda, qui est partie juste après son baccalauréat – soit quelques mois avant que le premier cas de coronavirus soit détecté à Wuhan. “J’ai vécu la crise sanitaire en deux temps. Après la période de panique, puis le retour au pays, je suis revenu en Chine pour poursuivre mes études. Étant donné la manière dont les Chinois ont survécu au pire, ils sont sortis en étant encore plus soudés qu’auparavant. Tout cela m’a rassuré, au point d’envisager de bâtir ma vie ici si jamais une opportunité professionnelle se présentait”, estime celle qui a fait partie des étudiants marocains rapatriés de Chine en février 2020 à la suite des instructions données en ce sens par le roi Mohammed VI.

Le niveau de vie est très encourageant et le loyer est trois fois moins cher qu’à Marrakech”, résume-t-elle. Elle affirme avoir beaucoup gagné en maturité depuis son arrivée : “En débarquant ici, nous sommes vraiment loin des parents et de notre pays. Ce n’est plus une question de deux ou de quatre heures de vol, on doit vraiment apprendre à compter sur nous-mêmes. Il faut être prêt.”

Dépaysement culinaire et barrière de la langue

Tous, en revanche, s’accordent sur un point : vivre en Chine, c’est accepter d’évoluer sous la plus haute surveillance. “L’une des étapes les plus importantes, mais que la majorité des étudiants oublient de faire après avoir pris possession de leur appartement, c’est aller au poste de police le plus proche pour se signaler aux autorités”, témoigne Abderrahman El Had… qui met en avant d’autres difficultés : “Je n’ai aucun problème à vivre ainsi, j’ai surtout eu du mal à m’adapter à leurs habitudes culinaires [rires]. Les gens ont tendance à négliger ce point, mais, ici, on est loin de nos délices du pays. J’ai dû faire un effort à ce niveau, en plus de la barrière de la langue.”

En Chine, la plupart des panneaux sont en mandarin – exception faite des aéroports internationaux – et relativement peu de gens maîtrisent la langue anglaise. “À Pékin, ça va. Les gens parlent anglais et on peut croiser des pancartes traduites, mais ce n’est pas vraiment le cas dans les autres provinces. Il faut maîtriser un minimum le chinois pour espérer vite s’adapter”, développe Anas. “Je le parle parfaitement mais j’ai encore du mal à l’écrire”, concède-t-il, assurant que ce prérequis est quasi indispensable en cas de contrôle policier ou de souci administratif.

“À partir du moment où on maîtrise la langue, on se rend compte que les Chinois sont très ouverts, très accueillants, contrairement aux apparences et aux clichés, renchérit Abderrahman. Je n’ai eu aucun problème à intégrer quelques activités de groupe à l’université. Il faut juste avoir le courage d’aller vers eux. Après tout, c’est un pays de plus d’un milliard d’habitants qui nous accueille, et les gens d’ici n’ont pas forcément l’habitude de voir des Africains.”

Français
Partager sur :