
Le Premier ministre tunisien Youssef Chahed (photo), sous pression à l'approche d'échéances électorales, a annoncé lundi un remaniement attendu de longue date, qui vise, selon lui, à "sortir de la crise politique".
Au total, treize nouveaux ministres entrent au gouvernement. Les ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Intérieur restent néanmoins à leurs postes.
Le ministère de la Justice a été attribué à Karim Jamoussi. Celui du Tourisme, secteur clé de l'économie, a été confié à un dirigeant de tour opérateur de confession juive, René Trabelsi, très actif dans l'organisation du pèlerinage annuel de la Ghriba à Djerba.
Kamel Morjane, qui fut avant la révolution de 2011 un pilier du régime de Zine El Abidine Ben Ali, a fait son retour au gouvernement en tant que ministre chargé de la Fonction publique.
M. Chahed a indiqué avoir effectué ce remaniement pour former "une équipe gouvernementale solidaire et responsable qui peut assurer la stabilité dans le pays, résoudre les questions brûlantes et sortir de la crise politique".
M. Chahed, 43 ans, nommé chef d'un gouvernement d'union nationale en août 2016, a dépassé en longévité tous ses prédécesseurs depuis la chute de Ben Ali en 2011.
Une faction de son parti Nidaa Tounès, menée par le fils de Béji Caïd Essebsi, chef de l'Etat et fondateur du parti, ainsi que la puissante centrale syndicale UGTT ont réclamé son départ pendant des mois.
M. Chahed a fini par créer un bloc parlementaire concurrent, qui a relégué Nidaa Tounès au troisième rang au Parlement derrière le parti d'inspiration islamiste Ennahdha et le groupe pro-Chahed.
Avec ce remaniement, "j'ai assumé mes responsabilités en tant que chef du gouvernement et selon les prérogatives que me donne la Constitution", a-t-il déclaré à la presse, laissant entendre qu'il l'avait fait sans l'aval du président.
Des élections présidentielle et législatives sont prévues en 2019.
L'instabilité politique inquiète nombre d'observateurs, la Tunisie restant fragilisée, en dépit d'une reprise de la croissance, par un chômage persistant au dessus des 15% et une inflation dépassant les 7,5%, qui exacerbent des tensions sociales fortes, près de huit ans après la révolution.
Le fils du président, Hafedh Caid Essebsi, directeur exécutif du parti au pouvoir Nidaa Tounes, a appelé à la démission de Youssef Chahed en affirmant qu'il était incapable de relancer l'économie.
Le président Béji Caid Essebsi a rejeté le remaniement, disant en avoir été informé trop tard, sans consultation préalable, a déclaré sa porte-parole Saida Garrach. Mais le chef de l'Etat ne peut s'opposer au remaniement. Il doit être approuvé par le parlement où Youssef Chahed bénéficie du soutien de la majorité des députés.
Youssef Chahed, chef du gouvernement, a annoncé lundi 5 novembre 2018, la liste des nouveaux ministres dans le cadre du remaniement ministériel partiel :
Mohamed Fadhel Mahfoudh ministre des Droits de l'homme et des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l’homme.
Karim Jamoussi, ministre de la Justice
Kamel Morjane, ministre chargé de la fonction publique
Raouf Cherif, ministre de la Santé
Hedi mekni, ministre des Domaines de l'Etat
Sonia Becheikh, ministre de la Jeunesse et des sports
Saïda Lounissi, ministre de l’emploi et de la formation professionnelle
Hichem ben Ahmed, ministre du Transport
Mokhtar Hammami, ministre des Affaires locales
Radhouane Ayara, ministre chargé l’immigration et des tunisiens à l’étranger
Chokri Belhassen, ministre chargé du suivi des projets
René Trabelsi, ministre du Tourisme
Noureddine Selmi, ministre de l'équipement et de l'habitat
Habib Dabbabi, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Industrie et des PME, chargé des PME
Adel Jarboui, secrétaire d'Etat auprès du ministre du Transport
Ahmed Gaaloul, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Jeunesse et des sports, chargé du sport
Basma Jebali, secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires locales
Samir Bachouel, secrétaire d'Etat auprès du ministre du Commerce chargé du commerce intérieur.
Un remaniement controversé
Saïda Garrache, porte-parole de la présidence de la République a annoncé que Béji Caïd Essebsi n’était pas d’accord avec ce processus de la part du chef du gouvernement : « Il s’agit d’un remaniement effectué à la hâte et il y a eu une tentative d’imposer le fait accompli. Le chef du gouvernement ne s’est pas concerté avec le président de la République autour du remaniement et la composition des ministres. Il a été juste informé à une heure tardive du remaniement… Le président de la République n’est pas d’accord avec cette méthode de travail de la part du chef du gouvernement. Il a été informé du remaniement et il y aurait des changements de noms entre temps ».