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La Dignité ouvrière bafouée : chronique d’une injustice annoncée dans les champs de Daïri

Hicham TOUATI - Dans les plaines fertiles de Daïri, là où la terre promet richesse et abondance, se joue aujourd’hui une tragédie humaine silencieuse, celle des ouvriers agricoles de la ferme Daïri, victimes d’un traitement que l’on croyait révolu à l’ère des droits sociaux. Ces travailleuses et travailleurs, dont le labeur quotidien façonne les récoltes, voient leurs droits piétinés dans un silence assourdissant, à la faveur d’une impunité confortée par l’argent et les réseaux d’influence.

Ce n’est pourtant ni la paresse ni la rébellion qui leur est reprochée, mais bien l’audace d’avoir revendiqué des droits élémentaires : leur intégration définitive après des années de précarité, le refus de signer des quittances iniques, l’aspiration à un minimum de stabilité. Des demandes légitimes, formulées dans le cadre légal, mais qui leur ont valu un renvoi abusif, cinq mois avant l’expiration des contrats, en violation flagrante du Code du travail marocain.

Le syndicat régional d’Azrou-Ifrane-El Hajeb, affilié à l’Union Marocaine du Travail (UMT), ne pouvait rester muet face à cette atteinte manifeste à la dignité des travailleurs. Il s’est érigé en rempart contre cet arbitraire, apportant un soutien indéfectible à ces ouvriers que l’on tente de réduire au silence. Il a dénoncé, avec une fermeté salutaire, une situation indigne d’un État de droit : le recours systématique au licenciement comme moyen d’intimidation, l’exploitation brutale de la main-d’œuvre, l’exclusion méthodique des jeunes locaux au profit d’une main-d’œuvre importée, dans un mépris total de la justice sociale et du développement équitable des territoires.

Face à la surdité obstinée de la direction de la ferme et à l’inaction des autorités, les travailleurs, appuyés par leur syndicat, ont décidé de faire entendre leur voix par des moyens pacifiques mais résolus. Une série d’actions militantes a été engagée : une première grève d’avertissement le 18 avril 2025, précédée d’un sit-in le 10 avril, point de départ d’un programme de lutte plus large, comprenant grève ouverte, campement nocturne, participation des familles et marches de protestation.

L’UMT, fidèle à sa mission historique de défense des classes laborieuses, a haussé le ton, mettant en garde contre une escalade inévitable si le mépris perdure. Elle tient pour responsables non seulement la direction de la ferme, mais aussi toutes les parties complices de cet état de fait : celles qui, par leur silence ou leur passivité, cautionnent l’oppression.

Ce combat dépasse les limites d’un simple différend professionnel. Il touche au cœur même de la dignité humaine, à la valeur du travail, à l’idée que les droits ne sont pas des faveurs, mais des conquêtes. À Daïri, ce sont des vies qui vacillent, des familles qui s’inquiètent, un territoire qui se sent trahi.

L’histoire retiendra, sans doute, que dans les campagnes marocaines, des hommes et des femmes ont osé dire non à l’injustice, qu’ils ont trouvé en leur syndicat un bouclier, et qu’ils ont décidé de lutter, non par vengeance, mais par amour de la justice. Et si l’écho de leurs voix parvient jusqu’aux oreilles attentives, alors peut-être, la terre de Daïri, qui aujourd’hui porte les marques de l’injustice, pourra demain témoigner de la victoire de la dignité sur l’arrogance.

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Langue
Français
Région
Fez - Meknès
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