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Ces façons d’éloigner le « mauvais œil » au Maghreb et au Moyen-Orient

La croyance dans le mauvais œil, qui correspond à peu près au concept de jalousie ou au « monstre aux yeux verts » des cultures occidentales, est très répandue au Moyen-Orient et au Maghreb. En arabe, il est connu sous le nom de ayn, qui signifie œil ; en turc, il s’appelle nazar, ce qui signifie regard ; et en persan, il s’appelle le cheshm khordan.

(Middle East Eye) - Le regard persistant d’un œil envieux, non immédiatement suivi d’une bénédiction, peut conduire à toutes sortes d’affliction. Beaucoup de personnes pensent qu’il est responsable des malheurs qu’elles rencontrent et se donnent beaucoup de mal pour conjurer ses pouvoirs supposés par le biais de rituels enracinés à la fois dans la pratique religieuse et les traditions culturelles.

Une anecdote bien connue dans la région évoque une Irakienne à qui la belle-mère conseille de renverser un pot de plante chez elle afin que la terre ainsi éparpillée sur le sol détourne l’attention des visiteurs de la beauté de la maison.

Les anciens Égyptiens utilisaient le khôl pour noircir le pourtour de leurs yeux afin de se protéger des mauvais esprits entrant par les fenêtres de l’âme. Une tradition similaire est encore pratiquée aujourd’hui dans certaines régions d’Asie du Sud. Les pendentifs en forme d’œil visant à se protéger des forces 

spirituelles malignes pourraient être originaires de Mésopotamie. Les anciens Grecs disposaient de symboles similaires pour éloigner le mal.

Une pratique qui plongerait ses racines dans la tradition juive semble défier toute logique : une personne attentionnée dit le contraire de ce qu’elle pense afin d’éviter d’attirer le mauvais œil.

« Je me souviens d’un jour où j’attendais ma fille à la sortie de l’école ; quand je l’ai vue, je lui ai dit : ‘’Bonjour ma vilaine’’ », raconte une Chypriote turque. « Son professeur a entendu et a été horrifié que je traite ma propre fille ainsi. J’ai dû lui expliquer que dans ma culture, nous disons souvent le contraire de ce que nous pensons pour détourner l’attention du mauvais œil. »

Dans certaines communautés bédouines, les mères ne soignent pas l’apparence de leurs enfants de crainte que leur beauté ne suscite la jalousie.

Contrastant fortement avec l’esprit de l’ère des réseaux sociaux, de nombreuses traditions du Moyen-Orient et du Maghreb encouragent ceux qui jouissent de la richesse, du bonheur et de la beauté à éviter d’afficher ostensiblement leur bonne fortune. Cette idée est reflétée dans un vers du poète libanais Khalil Gibran : « Voyage et ne le dis à personne, vis une véritable histoire d’amour et ne le dis à personne, vis heureux et ne le dis à personne, les gens ruinent les belles choses. »

« Mauvais esprits »

La croyance dans le mauvais œil et les moyens de s’en protéger existent depuis la nuit des temps : une première trace remonte à l’époque des Sumériens, il y a 5 000 ans. Un dicton populaire parmi les bédouins reflète la signification du ayn : « Le mauvais œil peut conduire un homme dans sa tombe et un chameau dans la marmite ».

Le professeur Aref Abu-Rabia, un anthropologue de l’Université Ben Gourion dans le Néguev qui a étudié les bédouins du désert de cette région, explique que cette communauté a toujours considéré le mauvais œil comme une « force dangereuse » très réelle qui a le pouvoir d’impacter les vies.

« On dit qu’une personne qui possède le mauvais œil a des esprits impurs qui véhiculent une volonté intense et le désir de causer du mal, du désordre et des dégâts, que ce soit en regardant la victime ou au moyen de rites directs ou indirects, comme des prières ou des malédictions », écrit-il.

Le mauvais œil peut être blâmé pour tout, de l’échec d’un mariage à la maladie d’un enfant ou la perte d’un emploi. Une somnolence excessive, des bâillements ou un manque de concentration sont aussi parfois expliqués comme des effets du ayn.

Dans le folklore bédouin, il existe trois niveaux de mauvais œil : quelqu’un qui involontairement fait l’éloge de quelque chose sans faire les bénédictions adéquates ; quelqu’un qui est conscient de sa jalousie mais évite de dire quoi que ce soit ; et l’aradh (du mot arabe irdh – qui signifie « esprit », « âme » ou « soi »), une personne qui cherche délibérément à faire du mal à travers son regard amer.

Les plus vulnérables face au mauvais œil seraient les personnes en bonne santé, belles et riches, ainsi que les enfants et les femmes enceintes.

Le concept de mauvais œil est présent dans les religions abrahamiques. Le prophète de l’islam Mohammed aurait notamment dit : « Le mauvais œil est vérité, et s’il y avait quelque chose qui dépassait la prédestination, ce serait le mauvais œil. »

Les juifs pratiquants disent souvent kina hora, contraction des mots kein eina hara, ce qui signifie « sans mauvais œil ». Et les adeptes de la Kabbale, une tendance mystique au sein du judaïsme, attachent un fil rouge autour de leur poignet gauche pour éloigner l’œil.

Middle East Eye présente cinq symboles et traditions qui sont encore utilisés aujourd’hui pour protéger du mauvais œil.

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