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«Hot Maroc» de Yassin Adnan explore Marrakech et l'influence du numérique

Hot Maroc est l’histoire d’un antihéros, Rahhal, personnage insignifiant, lâche et timoré qui, par le biais des réseaux sociaux, règle ses comptes avec ses “ennemis intimes”, c’est-à-dire toute personne ayant mieux réussi que lui. Son immense aptitude à nuire par clavier interposé est découverte et appréciée à sa juste valeur par les services de sécurité. Et le voilà soudain contraint d’utiliser ses talents de blogueur pour répandre sur la puissante revue électronique Hot Maroc les rumeurs assassines et les fake news que lui dictent les taupes du gouvernement.

Véritable radioscopie de la nouvelle société marocaine née des bouleversements socioéconomiques que connaît le pays depuis les années 1980, ce premier roman de Yassin Adnan dénonce avec verve tous ceux qui, à l’ombre du pouvoir, bloquent la marche du Maroc vers la démocratie. Qu’il s’agisse de bourgeois affairistes, de prédicateurs démagogues, d’universitaires prétentieux ou d’anciens militants apprivoisés, tous se retrouvent impliqués à leur insu dans la féroce “comédie animale” imaginée par le diabolique Rahhal, et brillamment restituée par l’auteur.

Critiques unanimes : un ouvrage d'une densité folle

Un ouvrage d'une densité folle, foisonnant avec sa foultitude de personnages dans une ville de Marrakech loin des clichés touristiques, en pleine mutation, avec un exode rural important et qui symbolise le Maroc tout entier, avec sa jeunesse hyperconnectée et ses traditions contestées mais toujours vivaces.

L'écriture de Adnan est virtuose et vertigineuse, superbement rendue par une traduction de haute volée. le personnage central, le dénommé Rahal, est fascinant : lettré et introverti, humilié et revanchard, fourbe et fuyant. Gérant d'un cybercafé, il va trouver sa voie en commentant avec virulence les articles du journal en ligne Hot Maroc, y acquérant une certaine notoriété, puis en continuant son entreprise de démolition en investissant Facebook. Mauvaise foi et Fake News à l'appui, Rahal devient schizophrène à l'image d'une grande partie de la société marocaine.

La plume du romancier n'épargne aucun milieu : journalistes, politiciens, membres des services secrets. Chacun des personnages du livre a son équivalent dans le règne animal : de l'écureuil (Rahal) à la lionne en passant par la chamelle, le caméléon ou la vache. Entre satire débridée et radioscopie précise de la société, avec ses inégalités croissantes, Yassin Adnan se délecte et le lecteur est conquis.

Mais le livre est aussi victime de sa richesse : plutôt que de s'en tenir aux aventures de son antihéros, l'auteur a tendance à en rajouter, en multipliant les digressions et histoires parallèles. Il y a parfois de quoi se perdre dans cet ouvrage labyrinthique même si l'on perçoit parfaitement la jubilation que Adnan a eu à l'écrire et que l'on partage en partie.

Lire des extraits : ici

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