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"Les disparus" en souvenir d'octobre 1961

« J’ai souhaité rendre vie, le temps d’un spectacle, aux disparus d’octobre 1961, victime d’une barbarie amnésique ; pour la mémoire… contre l’oubli… leur prêter un corps, pour l’intimité d’une danse, pour une dignité retrouvée. » Ces propos de Mehdi Slimani, chorégraphe, donne la tonalité de ce ballet.

A cinq mois de la fin de la guerre d'Algérie, le 17 octobre 1961, Paris a été le lieu d'un des plus grands massacres de gens du peuple de l'histoire contemporaine de l'Europe occidentale. Ce jour-là, des dizaines de milliers d'Algériens manifestent pacifiquement contre le couvre-feu qui les vise depuis le 5 octobre et la répression organisée par le préfet de police de la Seine, Maurice Papon. La réponse policière sera terrible. Des dizaines d'Algériens, peut-être entre 150 et 200, sont exécutés. Certains corps sont retrouvés dans la Seine. Pendant plusieurs décennies, la mémoire de ce épisode majeur de la guerre d'Algérie sera occultée. Doublement disparus ...

Un ballet pour se souvenir

Le ballet commence en plein mois d’octobre 61. Univers d’usine et de machines, la gestuelle robotique et mécanique met en mouvement ces corps éprouvés de leur dur labeur. La présence de l’autorité jamais bien loin rôde et inquiète, par son rire calme et froid. En perspective, ces personnages, tels des tragédies de trajectoire, se croisent, et provoquent le destin, à la façon de notes de musique qui forment ensemble une tragique partition.

Interprétée par dix danseurs, la chorégraphie prend des airs de « manifestation dansée ». Mouvement collectif venu exprimer cette France d’autrefois et d’ailleurs, mêlée d’inquiétudes et d’espoirs, les ensembles se font et se défont, au rythme de mouvements qui les brisent et les recomposent.

Couvre feu, mobilisation, les pas de danse s’enchainent et évoquent ces pages sombres de l’Histoire. Les corps, eux, se contractent et se tendent, se rassemblent et se révoltent. Associant danse, slam, et vidéo, le spectacle s’applique à faire revivre l’espace d’un instant l’histoire de ces oubliés de la Seine. La légèreté de la danse soulève le poids du passé. Les tableaux défilent et le spectateur parvient jusqu’à une époque incertaine, reflet de son temps, où l’oubli est en passe de prendre le pas sur la mémoire. La réactiver…

Loin des partis pris ou positions revanchardes, c’est plein de fraîcheur, d’humour et d’émotion que le chorégraphe se lance dans ce travail de mémoire et aborde par son esthétique la nécessité de se souvenir. Par sa recherche chorégraphique, il crée le premier et unique ballet sur les sombres événements du 17 octobre 1961.

Le vendredi 1er octobre 2021 au Centre culturel Aragon, Orly
Le vendredi 8 octobre 2021 à la Maison de la Musique de Nanterre

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