
Maglor.fr | Juillet 2025 - L’ouverture du Canada à l’immigration francophone a suscité un immense espoir parmi les ressortissants d’Afrique subsaharienne. Mais ce rêve est devenu le terreau fertile d’un autre phénomène, bien plus sombre : une vague d’escroqueries sophistiquées, opérées par des réseaux qui exploitent la détresse sociale et la soif de mobilité.
Entre 2023 et 2027, Ottawa prévoit d’accueillir 100 000 nouveaux résidents francophones, dans le cadre de sa stratégie de renforcement de la francophonie hors Québec. Une aubaine pour de nombreux jeunes, diplômés, familles ou entrepreneurs africains. Et un filon juteux pour les fraudeurs.
Faux consultants, vrais cauchemars
Le scénario est souvent le même : un faux profil Facebook, un site Internet bien présenté, des témoignages inventés, des logos officiels du gouvernement canadien copiés. Puis une promesse : résidence permanente garantie en quelques mois, contre un transfert rapide d’argent.
Marie, originaire d’un pays francophone d’Afrique de l’Ouest, a versé 15 000 dollars à un « consultant » rencontré en ligne. « Il me rassurait avec des documents en-tête Canada Immigration. J’ai vendu mes meubles, emprunté de l’argent. Je n’ai plus rien. » Aujourd’hui, elle est endettée, et comme beaucoup d’autres, hésite à porter plainte.
Une criminalité organisée et transnationale
D’après Nicholas Avramis, consultant en immigration certifié, basé en Afrique du Sud, ces réseaux fonctionnent souvent depuis plusieurs capitales africaines et même depuis le Canada, en toute discrétion. « Certains escrocs disparaissent après le premier virement. D’autres produisent des faux documents crédibles pendant des semaines pour entretenir l’illusion. »
Sa structure, Beaver Immigration, a recensé 24 cas de fraude en seulement quelques mois, mais il estime que les chiffres réels sont bien plus élevés. « Les victimes n’osent pas parler, de peur d’être jugées ou expulsées pour avoir tenté une procédure douteuse. »
Le Canada tire la sonnette d’alarme
Les autorités canadiennes multiplient les alertes. Le ministère de l’Immigration rappelle que les seules procédures fiables passent par le portail officiel IRCC (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada), et qu’aucun intermédiaire ne peut garantir l’obtention d’un visa.
Des campagnes de sensibilisation sont en cours, mais leur impact reste limité face à la viralité des fausses annonces sur les réseaux sociaux. Certaines pages affichent des milliers d’abonnés, des vidéos mises en scène, des témoignages joués par des complices, parfois même en dialectes locaux.
Un vide juridique, des victimes isolées
Ce fléau, souvent transfrontalier, laisse les victimes sans recours. Ni leur pays d’origine ni le Canada n’ont toujours les moyens de remonter les chaînes de transfert, souvent effectuées via des plateformes difficiles à tracer. En Afrique, très peu de plaintes aboutissent, et l’impunité reste la règle.
En attendant, les familles se ruinent, les jeunes voient leur avenir sombrer dans le doute, et les escrocs peaufinent leurs stratagèmes.
Le rêve canadien reste possible. Mais plus que jamais, il doit être poursuivi avec prudence, patience et information.