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"Ce Maroc que je ne reconnais plus", par Majid Blal

Recenser toutes les absurdités médiévales qui s’étaient abattues sur le Maroc, en l’espace de deux ans, puis voilà que la régression dépasse la dégringolade pour faire le plongeon : Le saut vers les abysses. Un point de vue défendu par Majid Blal.

“L’union même de la médiocrité fait la force ” Homère

En peu de temps, il y a eu une accumulation phénoménale de symptômes de la médiocrité grugeant et rognant l’espace commun au Maroc. Lorsqu’il y a alignement des planètes de la médiocrité, il se produit des forces gravitationnelles combinées de toutes les stupidités qui exercent une traction vers la bêtise humaine incarnée. Un mouvement de marée, qui ramène l’homme à l’état de ses ancêtres les plus éloignés possibles, depuis l’apparition des bipèdes. La médiocrité, ne pouvant battre par le coup d’éclat du Knock-out, en assénant des droites aux visages, s’est exercée pendant trois décennies à des attaques au corps. Ces multitudes petits coups qui matraquent le foi, les reins, les cotes et qui finissent par créer une brèche dans la défense du boxeur. Générant une structure favorable à la mise groggy de la société entière.

Des vessies pour des lanternes

Lorsqu’il y a conjonction de coordination au firmament, on vend le paradis et ses vierges à coups de fabulations, d’interdictions, pendant qu’ils copulent comme des lapins et qu’ils se servent en nombre et en genre. Ils prêchent l’abstinence, l’austérité et les modes de vie médiévaux, pendant qu’ils s’enrichissent, se gavent, ne comptent plus leurs coïts…protégés par les parapluies des livres saints. Lorsqu’il y a alignement des planètes, on devient fier d’être réactionnaire. On affiche bien et haut sa tête de rétrograde. On valorise l’intimidation, le lynchage, les agressions qu’on admoneste comme un pilier de la morale. Ainsi on s’attaque en hordes à des jeunes filles en jupes, à des femmes en tenue de baignade. On fait appel aux imams et aux prédicateurs pour régir la société et imposer les conventions, les règlements, les statuts, les décrets, les directives, les haram, les interdits, les prohibitions, les défendus …Finalement pour prendre en charge la légitimation ou non des comportements à dicter.

Quand il y a alignement des planètes de la médiocrité, on devient suffisant puis on se donne raison. Ainsi on juge comme débauchés deux adolescents qui se bécotent pendant une récréation de la misère. On défigure une actrice parce qu’elle a joué le rôle d’une pute dont on ne voudrait pas savoir l’existence. On bat des touristes, on agresse des personnes qui semblent être louches sexuellement, bref: on veut s’approprier et mettre à jour les règles de l’inquisition médiévale pour mieux en découdre. On met sur son visage effronté, sa vanité de sublimer l’ignorance et d’en tirer un mode de vie. On ne s’indigne plus de la pérennité de cette violence et cette maltraitance faites aux enfants. Mieux encore, le corps enseignant qui est censé maîtriser les instruments pédagogiques pour transmettre savoir et valeurs humaines, banalise et justifie les agressions des élèves dans les classes par les supposés «  éducateurs ». On tabasse, puis on culpabilise les victimes en leur mettant l’opprobre sur le dos.

La violence est partout, au point de la banaliser et de la sacraliser, démontrant l’échec d’un modèle d’école publique laissée orpheline entre les mains de personnes qui ne maîtrisent de la pédagogie que le vide sidéral. Quand les planètes de la médiocrité s’alignent, on n’est plus honteux de clamer son mépris du campagnard, du provincial, du plus démuni, des enfants du Maroc profond. On n’est plus gêné de montrer sa haine des artistes, des intellectuels, des femmes, des esprits et des penseurs libres. On veut resserrer les règles et fonctionner au sein de la pensée simpliste et binaire du bon et du mauvais, du pieu et du mécréant, de l’enfant de famille « respectable » et de l’autre majorité de fils et de filles de putes…

Quand il y a alignement des planètes de l’absurdité pathologique, on fait sien le discours qui condamne la démocratie, toutes les démocraties. On rejette les droits de l’homme et les libertés individuelles, on remet les matraques entre les mains qui avaient inséminé la peur dans toutes les têtes pendant les années de plomb. Attaquer les enseignants…Vient couronner l’épisode.

Les as de la récupération

Quand il y alignement des planètes des discours qui clament que les peuples ne doivent qu’obéir pour leur bien, on ressort des boules à mites les slogans nostalgiques d’un hier valorisé, les citations entrecoupées d’éloges et d’apologies des gouvernants des années de plomb et on appelle à briser les caractères, les volontés et les engagements.

Quand il y a alignement des planètes qui fomentent la stupidité, j’ai mal à mon Maroc et je ne reconnais plus ces battants qui ont refusé le joug du colonialisme comme celui des stagnations sociétales qui venaient des chez les bédouins du golf arabo-persique. Et on vous dira de vous taire, de ne pas parler de nos défauts et de nos tares en public car nous avons des ennemis à l’intérieur comme à l’extérieur. On vous dira de ne pas dénoncer toutes les dérives, les horreurs qui se font par des musulmans au nom de l’Islam car, paraît-il, cela donne des munitions aux islamophobes et aux haineux…Shut, skout.

Les plus grands supporters de cette mascarade sont justement les plus grands détracteurs de la vision qui ne veut pas de regards complaisants et compatissants. Ils veulent juste continuer à se mentir et à mentir aux autres au nom d’une fierté affichée en plaque d’immatriculation au pays d’une fausse estime de soi réinventée et de l’orgueil mal placé. Finalement, quand les planètes de l’incohérence et de l’incongruité sont alignées, on devient précurseur et on passe de la devise  » Avoir les gouvernements que nous méritons » à avoir les gouvernements qui nous ressemblent

En savoir plus

  

Né à Midelt au Maroc en 1957, Majid Blal s’est installé à Sherbrooke au Québec en 1981. De formation économique, il s’est investi dans la communication écrite et télévisée. Finaliste du grand Prix littéraire de l’Estrie (Canada) en 2002, l’auteur a été également finaliste du Prix Alfred Desrochers pour son récit «Une femme pour pays».

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