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Dr Azeem Ibrahim : Réduire les inégalités en matière de santé dans le monde musulman.

  La population musulmane est composée en grande partie de migrants qui peuvent souffrir d’exclusion sociale, de préjugés et de problèmes d’accès aux soins de santé. Les enseignements islamiques sur la charité et l’égalité des revenus peuvent jouer un rôle important dans les pays à majorité musulmane. Le Dr Azeem Ibrahim prend ici position pour réduire les inégalités en matière de santé dans le monde musulman.

(Dr Azeem Ibrahim) - L’ONU estime que la population mondiale atteindra 10,9 milliards d’ici à la fin du siècle. Une grande partie de cette croissance proviendra des pays à majorité musulmane, et la plupart d’entre eux ne sont absolument pas préparés à une telle expansion de leur population.

Un problème clé identifié par l’ONU réside dans l’émergence des inégalités sur le plan sanitaire. Ces dernières seront exacerbées par la médiocrité des infrastructures, la pauvreté et les économies en stagnation. Afin de bien comprendre ce défi, il est important de déterminer quels facteurs sociaux influent sur la santé en termes d’inégalités de revenus, de systèmes sociaux, de choix politiques et de prévalence de différentes maladies selon les groupes ethniques.

Les principaux facteurs cités sont souvent des écarts au niveau de la nutrition, de l’éducation, de l’emploi et du cadre de vie; mais ces notions peuvent devenir moins précises lorsqu’elles sont trop larges ou lorsque la comparaison concerne des groupes de population qui présentent des différences importantes.

Les études qui existent montrent des variations prévisibles entre les pays en fonction de la situation socio-économique des États et du rapport entre le genre des individus et la morbidité ou la mortalité. Cependant, on en sait beaucoup moins sur les fluctuations transnationales des résultats de santé et des inégalités liées à l'origine ethnique, à la race ou au statut migratoire. D’une manière générale, nous savons que les groupes minoritaires marginalisés connaissent souvent une mortalité plus précoce et jouissent d’une santé générale moins bonne que les populations majoritaires. Cela fait apparaître un certain nombre de complications.

Dans certains cas, la population musulmane est composée en grande partie de migrants. Certains d’entre eux souffrent d’exclusion sociale, de préjugés et de problèmes d’accès aux soins de santé, à des degrés différents. La pandémie de Covid-19 a mis en avant les liens qui existent depuis longtemps entre une mauvaise santé et un faible revenu. Cependant, dans de nombreux pays, elle met également en évidence la manière dont le faible revenu est lié à l’ethnicité.

En outre, certains groupes ethniques sont à majorité musulmane. En Europe, cette situation résulte partiellement des modèles de domination coloniale; la plupart des communautés nord-africaines de la France sont ainsi musulmanes. Au Royaume-Uni, il en va de même pour celles d’Asie du Sud. Cependant, d’autres communautés sont le résultat d’une migration liée au travail, comme la communauté turque d’Allemagne, ou découlent encore des crises qu’ont subies les réfugiés.

À l’échelle mondiale, les populations musulmanes peuvent être réparties entre celles qui constituent des minorités dans leurs pays et celles qui vivent dans des États à majorité musulmane. En premier lieu, au-delà de l’identité religieuse des individus (et, souvent, de leurs origines ethniques particulières), les problèmes tournent autour du degré d’exclusion sociale dans le pays en question.

Dans plusieurs pays, la pandémie de Covid-19 a mis en avant les liens qui existent depuis longtemps entre une mauvaise santé et un faible revenu. (Dr Azeem Ibrahim)

Dans les pays à majorité musulmane, les problèmes sont souvent liés à des questions de gouvernance autant qu’aux actions de la communauté musulmane elle-même. Ainsi, à la différence du Pakistan, le Bangladesh est souvent félicité pour ses efforts qui ont pour objectif d’améliorer la santé de la population, y compris l’accès des femmes aux soins.

L’interdiction généralisée de la consommation d’alcool par l’islam contribue à éliminer une cause importante de mauvaise santé dans d’autres groupes sociaux ou religieux. De plus, les enseignements islamiques sur la charité et l’égalité des revenus peuvent jouer un rôle important dans les pays à majorité musulmane, mais ils sont plus difficiles à appliquer là où cette communauté religieuse est minoritaire. Par ailleurs, la fourniture de soins de santé est une caractéristique importante qui reflète l'importance de l’interaction sociale au sein de la foi.

Les pays à majorité musulmane sont situés, pour la plupart, dans l’arc qui va de l’Afrique du Nord au Bangladesh en passant par le Moyen-Orient. Il s’agit de pays relativement pauvres, à l’exception des États producteurs d’hydrocarbures à faible densité démographique situés dans la région du Golfe. Au sein de ce groupe, il existe des exemples de réussites sanitaires en dépit de niveaux de revenus faibles – le Bangladesh, notamment.

De la même façon, il n’existe pas de différence systémique entre les pays à majorité musulmane et leurs voisins immédiats dans des régions comme l’Afrique subsaharienne. Ce qui subsiste, en réalité, ce sont de bons ou de mauvais choix politiques liés à une gouvernance qui peut être pire ou meilleure. L’islam propose des instruments économiques pour réduire la pauvreté.

Un défi majeur reste à relever dans le monde musulman, celui de la pauvreté, qui est à l’origine de nombreux problèmes de santé. Elle empêche la population de réduire les problèmes de santé liés au changement climatique, et donc de s’adapter à ce dernier.

Le Dr Azeem Ibrahim est le directeur des initiatives spéciales au sein du Newlines Institute for Strategy and Policy à Washington DC. Il est l’auteur de The Rohingyas: Inside Myanmar’s Genocide («Les Rohingyas: au cœur du génocide de Birmanie»), publié en 2017 aux éditions Hurst.

Twitter: @AzeemIbrahim

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

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