
La Abaya, cette robe longue qui fait débat en France, a suscité de vives discussions au sein de notre société. Dans un climat où les questions liées à la laïcité et à la religion font souvent surface, il est essentiel de comprendre les nuances entourant cette pièce vestimentaire. C'est dans cette optique que nous vous présentons un article réalisé par l'auteur éclairé le Docteur Mohammed MRAIZIKA, qui nous livre un éclairage approfondi sur l'Abaya et les enjeux qui l'entourent. Découvrez les analyses perspicaces de l'auteur sur cette question complexe et brûlante d'actualité.
En France, à chaque rentrée scolaire et politique suffit sa peine. Cette rentrée 2023 n’a pas failli à la règle et c’est la Abaya qui remplit cette pénible tâche. Elle occupe la galerie politique et la scène médiatique et offre aux intellectuels et « penseurs » de service l’occasion d’étaler leurs théories sur la place de la religion musulmane au sein d’une République Française qui se veut (1789) terre des droits de l’Homme et de la liberté d’expression. Mais aujourd’hui, c’est ce bout de tissu (Abaya) qui fait couler la bile des xénophobes et qui mobilise les débats jusqu’au Conseil d’Etat qui rend une décision confirmant l’interdiction de son port à l’école.
Ce bout de tissu qui trouve ailleurs (pays du Golfe) un terrain plus clément et un accueil franc chez les plus grandes marques de couture, concentre aujourd’hui tous les fantasmes de droite et de gauche sur lui au point de supplanter le voile, le hijâb, le burkini, la bourka. Ces bouts de tissus qui ont fait l’actualité sont fréquemment mis au service d’une stratégie ayant pour matrice la haine et comme mot d’ordre : « l’Islam ne passera pas ». Alors qu’il serait plus bénéfique pour la cohésion sociale de brandir des stratégies et des politiques publiques clamant « Non, la xénophobie, l’islamophobie et le racisme ne passeront pas ».
Pour certains commentateurs de service, la Abaya « Ce n'est pas une question religieuse, mais politique » et que "Le port de l'abaya à l'école a pour but de tester les limites" (Gilles Kepel). Ils lui accordent le statut d’une provocation et une défiance envers les lois de la république.
En fait, la Abaya est un formidable écran de fumée utilisé par le gouvernement en difficulté sur d’autres sujets, pour dissimuler les défaillances et les problèmes que connaissent la crèche, l’école, le collège et l’université. Cette entrée des classes dévoile en vérité, si besoin est, le vrai état des écoles : des locaux délabrés, un manque flagrant d’effectifs (des postes de professeurs vacants), une augmentation du prix des fournitures scolaires, des cantines scolaires indigentes, un transport scolaire insuffisant (il manque plus de 5500 conducteurs de cars scolaires). Quid de l’Université française : le milieu étudiant est dans la précarité totale. Les étudiants sont tous les jours dans la galère pour se loger, pour se nourrir ou se soigner, mais la seule chose qui passionne aujourd’hui les politiques, les journalistes et les intellectuels de service, c'est la tenue vestimentaire des élèves. Des milliers de jeunes filles portent des mini-jupettes, des jeans déchirés ou des habits amples sans que cela ne choque les politiques et les chefs d’établissements.
La Abaya n’a rien à voir avec la religion musulmane et n’est pas non plus une exclusivité des jeunes filles issues de l'immigration magrébine. C’est un phénomène de mode promu par de grands noms du cosmétique et de la mode tels Dior, Laroche et Mugler. Mais elle est dans l’œil du cyclone et son interdiction est proclamée au nom de la liberté. Alors que la vraie liberté est celle qui respecte celle des autres et que la tolérance ne doit pas être à sens unique. Elle ne doit pas être exclusive à certaines communautés et interdite aux musulmans dont le nombre avoisine les 7 millions en France. La liberté et la tolérance se doivent d'être une valeur partagée par toute la communauté nationale dans le respect des Loi de la République.
Par leurs attaques répétées et systématiques contre l’Islam et ses symboles (Prophète, Coran rituel religieux) certains politiques et commendataires de service, ne font que rajouter de l’huile sur le feu qui couve dans des centaines de quartiers laissés à l’abandon. Ces pyromanes ne font qu’enfoncer les ignorants dans l’ignorance et les extrémistes dans leurs convictions.
Si le gouvernement n’utilise la Abaya que comme écran de fumée pour imposer l'uniforme à l'école ça serait un mauvais calcul. L’uniforme n’est ni une nouveauté ni une découverte, il a fait son temps dans l'enseignement laïque et public dans lequel l’instituteur portait la blouse, le tablier et les élèves l'uniforme. A force de jouer avec les sentiments et inventer de nouvelles formes de discriminations, vestimentaires en l’occurrence, il se brûlera les doigts.
Dr Mohammed MRAIZIKA (Historien, chercheur en Sciences Sociales, écrivain