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La Formule Marocaine Par Najib LAHLOU

Oui, il y a bien une formule pour que le Maroc se montre brillant, avec une appétence dévorante au succès. Ce qu'il a montré à cette coupe du monde du football 2022 au Qatar, et aux yeux du monde entier était pour le moins inimaginable, pour ne pas dire exceptionnel.

Le premier paramètre clef de cette formule marocaine est la fierté simple et décomplexée d'être marocain. Celle-ci est incarnée par le maestro Wahid Regragui. Les mots qu'il utilise pour décrire ses"enfants" sont de purs produits de la culture et des traditions marocaines. Wlad Ennas (enfants de bonnes familles), Dir N'iya (avoir la bonne foi), Merdi Elwalidine (béni de ses parents) en sont les meilleurs exemples. Rien d'étonnant à cela, très souvent le regard extérieur que les marocains du monde (ou diaspora) portent sur leur pays d'origine, ressuscite les valeurs profondes et millénaires du royaume (*). Ces valeurs hélas sont assez dévoyées et mises à l'écart par les jeunes générations.

Peut-être Regragui en tant qu'enfant de la diaspora, est en train de nous faire une piqûre de rappel de ce qui est le vrai Maroc et de ce qui sont les vraies valeurs de l'humanité toute entière. Son geste immuable pour rendre hommage à sa maman, rapidement imité par plusieurs joueurs de son équipe, force le respect et remet les valeurs familiales au devant de la scène.

Par ailleurs, une question mérite d'être posée : Que deviendrait Regragui sans sa formation dans des clubs français ? Et plus généralement, aurions-nous réalisé ces performances sans les clubs étrangers ? La réponse serait probablement négative. Soyons donc humbles et rendons hommage à la France et à tous les pays où les joueurs avaient évolué. Rendons hommage également aux conseillers et aux soldats de l'ombre de tous les pays qui entourent le sélectionneur maestro.

Une autre facette de Regragui se situe au niveau social et managérial : En acceptant son surnom de "tête d'avocat", Regragui accepte l'auto-dérision, ce qui prouve que son style de management est un style moderne et forcément pragmatique, c'est ce qui convient à la mentalité marocaine. C'est fini le management paternaliste et directif où juste le chef qui parle.

À travers cette analyse (*), on peut aisément comprendre que le discours du sélectionneur est fortement imprégné d'une philosophie millénaire et d'un pragmatisme à toute épreuve , c'est ce qui donne aux joueurs une force hors du commun et un complément d'âme héroïque pour réaliser ce qu'ils ont réalisé. C'est avec leurs griffes et leurs trips qu'ils gagnent âprement chaque centimètre pour avancer vers le camps adverse. On a l'impression qu'ils ne visent pas seulement la coupe, mais au-delà. Ils veulent marquer l'histoire, et pas seulement la leur, mais celle du Maroc, de l'Afrique, des Amazighs, des Arabes et même des Musulmans.

Le deuxième paramètre clef de cette formule marocaine est la cohésion de l'équipe et les valeurs qu'elle défend. Chaque joueur a sa particularité et son style pour s'exprimer sur le terrain.

L'intelligence collective est fortement présente et les valeurs sont identiques à celles défendues par Regragui. D'ailleurs ces valeurs communes sont incarnées par plusieurs images, deux d'entre elles vont sûrement marquer l'histoire du football marocain. La première est celle où l'équipe s'agenouille remerciant Dieu pour la performance réalisée à la fin de chaque match.

C'est comme si le fait religieux revient en force dans cette coupe (une autre piqûre de rappel sur la place de la religion dans la société marocaine). L'autre image forte de l'équipe est celle avec le drapeau Palestinien. Elle montre clairement, et aux yeux du monde entier encore une fois, que l'injustice ne trouvera jamais sa place chez le peuple marocain et ce, quelle que soit la contrepartie.

Le troisième paramètre clef de cette formule du succès marocain au Qatar est l'ensemble des supporters des lions de l'Atlas. Il faut dire que l'occasion est trop belle pour le Maroc, pour briller non seulement avec sa culture, son histoire, ses chants traditionnels, mais aussi avec la courtoisie des supporters, leur fair play et même leur ferveur. Leur nombre sur les tribunes, leur chant, leur fameuse expression Siiiir Siiiir Siiiiir (avance, avance, avance), leur sifflet et même leur prière sont autant d’éléments pour bien dérouter l'équipe adverse. Ils sont aussi des ambassadeurs du Maroc, leur coté festif et jovial est la meilleure vitrine pour le royaume. Maintenant tous les pays veulent s'approcher du Maroc.

Le caractère multiple de son identité permet à chacun de ces pays de trouver des valeurs identitaires communes avec lui (*). Il faut reconnaître que l'accueil et l'organisation exceptionnels du Qatar en tant que pays arabo-musulman, avaient permis aux supporters de se sentir chez eux. On dirait que les matchs où l'équipe nationale jouait, se produiraient au Maroc. Le Qatar était un terrain acquis pour les marocains. Ceci forcément renforce le moral des joueurs. Des liesses de joie gagnaient toute la planète à chaque victoire. En France par exemple, l'avenue des Champs Élysées était couverte des drapeaux marocains. Avec des chants populaires glorifiant les joueurs et des youyous, on se croirait à Casablanca. Des salles de fête et de spectacle se transformaient en salles de transmission des matchs, ce qui crée une ambiance familiale magique qui renforce l’euphorie des supporters. Au Maroc, la parution du Sa Majesté le Roi, accompagné de la famille royale dans les rues de Rabat pour exprimer sa joie et sa fierté envers l'équipe marocaine, en dit long sur l'effervescence des citoyens marocains.

Le quatrième paramètre clef de ce succès marocain se situe au niveau des équipements et du travail de fond et de long haleine de l'ensemble du personnel dans ce secteur. Qu'on ne se fasse pas d'illusion, N'iya et Baraka n'auront aucun effet sans le travail, la discipline et la persévérance. Il faudrait plusieurs années de labeur pour transformer un jeune joueur de quartier en star internationale. Il faudrait aussi des budgets colossaux pour former les hommes de l'ombre, avoir du matériel moderne et des constructions à la hauteur des défis pour faire rayonner le  football marocain au niveau mondial.

La meilleure incarnation de cette ambition royale est la réalisation du complexe Mohamed VI du football. Ce bijoux de construction est l'un des centres sportifs les plus modernes de sa génération. Inauguré par Sa Majesté en 2010, douze ans après, il commence enfin à récolter ses fruits.

On peut dire que si Regragui avait su fissurer le plafond de verre qui empêchait l'équipe marocaine, amazigh, arabo-musulmane et africaine de s'envoler, ses joueurs ont réussi à le briser et ce, aux yeux du monde entier (*). Mais comme rien n'est permanent et rien n'est figé, ce plafond de verre va sûrement se former à nouveau devant les futures générations, celles-ci auraient toutes les clefs pour comprendre que ce genre de compétition ne limite pas ses influences seulement sur le plan sportif, mais aussi sur les plans humain, économique et même géopolitique. Elles auront le défi de le briser à nouveau et ce, afin d'avoir l’honneur et la fierté de hisser le drapeau et l'image de Notre Cher Maroc de plus en plus haut. Leur slogan sera toujours Allah El Watan Al Malik (Dieu Patrie Roi).

Maintenant, on peut d'ores et déjà crier haut et fort : Impossible n'est pas marocain, Impossible n'est pas arabe, et Impossible n'est pas africain non plus.

Deux questions que l'on peut se poser un mois après cette coupe :

Est-ce qu'il n'y aura pas une récupération politique de ce succès au Maroc ?

Est-ce que la Diaspora marocaine pourra enfin avoir une image respectable sur les plans politique et sociétal au Maroc ?

Najib Lahlou Paris, Janvier 2023

(*) L'ensemble de ses analyses était inspiré du livre Notre Cher Maroc tome 4, consacré à la Diaspora (écrit et édité par Najib Lahlou. 2021)

 

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