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Maroc : ce que « le Monde » ne voit pas derrière les silences du roi Mohammed VI

Hicham TOUATI Il est des silences qui troublent, et d’autres qui construisent. À lire certains récits récents consacrés au Maroc, tel l’article publié dans Le Monde évoquant une « atmosphère de fin de règne », on pourrait croire à l’avènement d’un vide politique, à une monarchie vacillante, à un pays suspendu au moindre signe venu du Palais. Pourtant, derrière cette lecture dramatique, à la fois partielle et partiale, se déploie une réalité autrement plus nuancée, plus profonde, plus tenace : celle d’un modèle monarchique qui, loin de s’effondrer dans l’ombre, continue de façonner avec calme et méthode l’avenir du Royaume.

Depuis vingt-six ans, le Maroc a engagé une transformation dont l’ampleur échappe à ceux qui confondent distance médiatique et désengagement politique. Le règne de Mohammed VI, en effet, n’a jamais été de l’ordre du spectaculaire. Il est de ceux qui s’inscrivent dans le temps long, dans une dynamique de fond, silencieuse parfois, mais résolument structurante. La modernisation du pays n’a pas attendu les projecteurs pour s’enclencher. Qu’on en juge : le lancement du TGV Al Boraq, premier train à grande vitesse d’Afrique, les plateformes portuaires de Tanger Med, Nador West Med ou Dakhla Atlantique, les grands chantiers industriels comme ceux de Renault à Tanger ou de Peugeot à Kénitra, témoignent d’un projet de développement cohérent et assumé.

Il ne s’agit pas là de simples infrastructures, mais des vecteurs d’un repositionnement stratégique du Maroc à l’échelle continentale. Ce même repositionnement qui a conduit le Royaume à réintégrer l’Union africaine en 2017, à ouvrir des dizaines de consulats étrangers à Laâyoune et Dakhla, et à obtenir de 46 États le retrait de leur reconnaissance envers la pseudo-« rasd ». Une diplomatie du concret, ferme sur les fondamentaux, agile dans les formes.

Et pendant que certains scrutent le visage du roi pour y projeter leurs propres inquiétudes, le Royaume, lui, agit. L’Initiative nationale pour le développement humain, lancée dès 2005, a permis de transformer en profondeur les politiques sociales du pays. Plus récemment, c’est la généralisation progressive de la protection sociale à l’ensemble de la population qui marque une refondation du contrat social. Une réforme sans précédent, qui traduit un souci d’équité et d’inclusion. De même, l’annonce par le Souverain d’une révision du Code de la famille, vingt ans après sa réforme de 2004, réaffirme sa volonté d’inscrire les droits des femmes dans une dynamique d’égalité réelle, sans rupture avec les fondements de la société marocaine.

Ceux qui évoquent la « fin de règne » oublient, ou feignent d’oublier, que cette monarchie est avant tout une institution. Et que sa stabilité ne repose ni sur une omniprésence publique, ni sur une rhétorique de pouvoir, mais sur une légitimité enracinée — historique, religieuse et populaire — que les secousses du monde contemporain n’ont pas ébranlée. Mohammed VI, Commandeur des croyants, chef des Armées, pivot d’un consensus national forgé dans le respect de la diversité marocaine, incarne une monarchie qui ne se contente pas de survivre : elle anticipe, structure et transmet.

La préparation du prince héritier, Moulay Hassan, illustre parfaitement cette logique de continuité apaisée. Âgé de 21 ans, le jeune homme suit une formation méthodique, à la fois militaire, diplomatique et institutionnelle. Il a présidé plusieurs réunions du Conseil supérieur des Oulémas, visité des projets sociaux d’envergure, représenté le Royaume dans des sommets internationaux, et s’impose peu à peu comme un visage de l’avenir. Il apprend l’art de régner non pas dans l’impatience, mais dans l’écoute, l’observation, la rigueur. À travers lui, c’est une monarchie moderne, enracinée et connectée qui se profile, consciente des défis du siècle, de la transition énergétique aux mutations sociales.

Dans ce contexte, les inquiétudes médiatiques paraissent décalées, sinon artificielles. Ce ne sont pas les apparitions publiques d’un roi, ni les clichés volés ou les absences perçues qui dictent le tempo d’un État. Ce sont les choix de fond. Le Maroc d’aujourd’hui, en pleine transition énergétique avec les projets Noor et le gazoduc Maroc-Nigeria, en refonte institutionnelle avec l’indépendance du pouvoir judiciaire, et en réforme sociale ambitieuse, offre un contre-exemple à tant de modèles essoufflés dans la région. Loin d’une monarchie en déclin, c’est une monarchie en mouvement.

Car enfin, que signifie « la fin d’un règne » dans une monarchie séculaire comme celle du Maroc ? N’est-ce pas là, au fond, la méprise originelle de certains regards extérieurs : croire que la monarchie marocaine se joue au rythme des apparitions royales, quand elle se déploie en réalité dans une continuité institutionnelle, historique et culturelle ? Il ne s’agit pas d’un pouvoir personnel, mais d’un système qui conjugue stabilité, réforme et souveraineté. La transition, lorsqu’elle surviendra, sera préparée, encadrée, inscrite dans une tradition dont l’histoire ne s’écrit jamais dans la précipitation.

Il est légitime, dans toute démocratie ou monarchie constitutionnelle, d’interroger le pouvoir. Mais encore faut-il le faire avec sérieux, lucidité et sens des responsabilités. L’exercice de la critique ne gagne rien à se nourrir de fantasmes. Car à force de scruter les silences, on en oublie parfois d’écouter ce que disent les actes. Or, au Maroc, les actes parlent. Et ils disent la permanence, la transformation, la confiance d’un peuple dans ses institutions. La monarchie n’est pas en fin de règne. Elle est en pleine mutation silencieuse. Et c’est peut-être cela qui dérange.

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