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"Rupture consommée entre Alger et Rabat" par Mustapha Tossa

La décision algérienne de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc n’est rien d’autre qu’un nouveau palier dans l’escalade voulue par le régime algérien avec son voisin marocain. Aussi bien pour l’Europe que pour le monde arabe ou l’Afrique, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune a officiellement pris l’apparence d’un dangereux pyromane. Mustapha Tossa, journaliste franco-marocain livre son analyse.

(Mustapha Tossa) - 

Une lampe rouge s’est allumée en Afrique du Nord qui nécessite l’attention et l’intervention de toutes les bonnes volontés afin d’empêcher une possible déflagration entre le Maroc et l’Algérie. Car les deux pays viennent de passer à une séquence encore plus dangereuse et plus imprévisible. Outre la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, le projet du gazoduc reliant l’Algérie à l’Espagne via le Maroc est remis en cause avec toutes les conséquences  économiques et stratégiques que cela implique.

La décision algérienne de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc n’est rien d’autre qu’un nouveau palier dans l’escalade voulue par le régime algérien avec son voisin marocain.

Même si dans les réalités économiques et politiques de la région, cette initiative ne changera pas grand-chose, il n’en demeure pas moins qu’elle envoie un signal négatif sur les dispositions des actuelles autorités algériennes à aller vers un inconnu dangereux. 

Les relations entre Rabat et Alger étaient déjà au point mort. Leur niveau de coopération frisait le degré zéro au grand désespoir des peuples de la région.

Mais tant que le cadre des relations diplomatiques existait, les apparences étaient sauves et les canaux de communication encore officiellement ouverts. 

La dangerosité de cette attitude algérienne est qu’elle fait planer tous les dangers sur une situation politique déjà inflammable entre les deux pays. 

Le danger est réel d’une escalade militaire ou la floraison des coups bas, devenus d’ailleurs l’incontestable spécialité des militaires algériens depuis leur critiquable gestion de la décennie noire qui avait vu les services algériens manipuler les terroristes du GIA pour réaliser leurs agendas et assouvir leur soif du pouvoir.

Mais le vrai danger réside en fait dans les mobiles de ce divorce. Une belle synthèse entre une névrose gouvernementale, une culture avancée du complot sur fond d’obsession pathologique.

Le régime algérien accuse le Maroc et Israël d’être derrière les incendies qui ont ravagé la Kabylie. Il accuse le Maroc d’avoir commis l’atroce assassinat de l’activiste algérien Jamal Bensmail, de soutenir deux organisations qu’il qualifie de terroristes, le , le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (Mak), et le Rachad, un mouvement d’intellectuels de gauche et d’opposants politiques. Ces deux mouvements ont pris pour quartier général la France, pour le premier, et l’Angleterre et la Suisse, pour le second.

Peu importe pour le régime algérien qu’il n’y ait aucune preuve de l’implication du Maroc et d’Israël dans les incendies en Kabylie, aucune preuve matérielle montrant de possibles accointances marocaines avec le Mak ou le Rachad, l’essentiel pour lui est de porter ces accusations médiatiques afin de justifier ses choix de rupture et de défiance.

Depuis l’arrivée aux avant-postes du pouvoir du duo Abdelmadjid Tebboune et du chef militaire Saïd Chengriha, le Maroc est devenu une cible prioritaire de leur haine et de leurs délires. Dans une incapacité chronique à gérer les problèmes des Algériens comme en témoignent les multiples faillites, les autorités algériennes ont le pied agile et l’attitude leste quand il s’agit de s’attaquer au Maroc et de le présenter comme la source de toutes les crises, un pays sur lequel ils peuvent déverser leurs frustrations.

Cette attitude de rupture de la part d’Alger est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient alors que le Maroc avait multiplié les gestes de bonnes intentions et de bon voisinage. De la main de réconciliation généreusement tendue par le roi Mohammed VI, à l’aide fraternelle offerte par le Maroc pour éteindre les incendies, tout a été tenté par Rabat afin de dépasser les malentendus et ouvrir une nouvelle page de bon voisinage.

Au lieu de répondre favorablement à ces offres qui misent sur l’avenir et ambitionnent d’ouvrir une nouvelle ère comme le souhaitent les populations de la région, fatiguées de tant d’années de pertes et de bouderies, le régime algérien s’est figé dans sa haine contre le Maroc. Il envoie ainsi le signal qu’il ne peut vivre ou survivre que dans une atmosphère de tensions au fil du rasoir.

Aussi bien pour l’Europe que pour le monde arabe ou l’Afrique, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune a officiellement pris l’apparence d’un dangereux pyromane. Pour se maintenir au pouvoir et échapper aux questionnements internes sur leurs failles, leurs prédations et leur cleptomanie, les autorités algériennes montrent une tendance à vouloir brûler l’ensemble de la région. Il s’agit d’un régime qui a élevé la fake news et la culture du complot en mode de gouvernance au service d’une haine viscérale, d’une jalousie morbide et d’une tentation suicidaire.

Avec cette décision algérienne de rompre les relations diplomatiques, le Maroc, empli de bonnes intentions, est condamné à attendre la naissance d’un nouveau leadership algérien. Une nouvelle gouvernance algérienne qui serait apte à enterrer cette hache de guerre artificielle sans aucune autre utilité que de couvrir les failles béantes d’une gestion catastrophique du pays, de ses ressources et de sa jeunesse, devenue par la force de ses frustrations une des plus contestataires de l’espace arabe.
 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24.
Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.

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