Alors que la population souffre de difficultés d'accès aux médicaments depuis des mois, les Conseils nationaux des médecins et des pharmaciens interpellent les autorités face à ce problème de santé publique.
Le Conseil National de l'Ordre des Médecins tunisien exprime "sa profonde inquiétude concernant la pénurie de médicaments qui perdure depuis plusieurs mois". Il s'agit selon lui de "ruptures d'approvisionnements (..) de médicaments essentiels (qui...), risquent d'engendrer des conséquences particulièrement néfastes sur la qualité de l'offre de soins".
En plus, l'Ordre s'"insurge contre la lenteur des autorités à apporter des solutions (...) à cette pénurie". Une alerte renforcée par le communiqué du Conseil National de l'Ordre des pharmaciens de Tunisie (CNOPT). Il pointe lui plus explicitement l'origine du problème en appelant la Pharmacie Centrale à payer d'urgence ses dettes envers les fournisseurs de médicaments. La Pharmacie Centale est en effet l'administration responsable de tout l'approvisionnement du pays en produits pharmaceutiques.
Le CNOPT appelle dans le même temps les Tunisiens à la vigilance face aux risques d'un approvisionnement "parallèle" sur Internet notamment. Il faut dire que concrètement, cela concernerait entre 200 et 300 types de produits selon Naoufel Amira, vice-président du Syndicat tunisien des propriétaires de pharmacies privées. Ses collègues "présentent quotidiennement leurs demandes en médicaments à la pharmacie centrale sans recevoir de réponses", déplore Naoufel Amira. Une pénurie particulièrement dangereuse puisqu'elle touche des traitements de maladies chroniques comme le diabète ou l'hypertension, mais aussi des méthodes de contraception selon les déclarations du président de la fédération de pharmaciens, Nadhem Chakri, sur Mosaique FM.
Selon les autorités : "une simple impression"
Interrogé lundi par l'AFP, le PDG de la Pharmacie centrale de Tunisie, a nié l'existence d'une pénurie : "Pénurie ? Pas du tout !", a affirmé Aymen Mekki. Selon lui, il y a simplement "une perturbation dans quelques références (de médicaments) importées par des laboratoires étrangers qui n'ont pas été payés". "Mais nous disposons d'un stock de médicaments stratégiques", a-t-il assuré.
Le "non paiement de ces laboratoires qui ont décidé de minimiser leur livraison" s'explique par les difficultés financières des caisses de sécurité sociale et de la Pharmacie centrale, a indiqué M. Mekki, qui a reconnu que la "perturbation" s'était "amplifiée ces dernières semaines, (à cause d') une période de tiraillements (politiques) dans le pays".
Samedi, l'Association tunisienne de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire avait pourtant annoncé que toutes les chirurgies à coeur ouvert étaient annulées à cause du manque d'un produit indispensable pour ces interventions : le sulfate de protamine. Mais Aymen Mekki a assuré lundi que ce produit "était disponible dans trois hôpitaux publics" et que la Pharmacie centrale "n'avait reçu aucune réclamation de la part du secteur privé".
En fin de semaine dernière, le ministre de la Santé, Imed Hammami, avait également nié l'existence d'un problème de pénurie. "Quand j'envoie mon chauffeur (...), il me trouve mon médicament dans la première pharmacie qu'il croise", avait-il dit sur une radio privée. Cette déclaration a provoqué un grand nombre de réactions sur les réseaux sociaux, où certains internautes lui avaient demandé le numéro de téléphone de son chauffeur afin de leur trouver des médicaments.
Depuis des semaines, la colère de la population s'exprime massivement sur Internet et dans les médias locaux. Avec des tentatives d'entre-aides pour faire face aux situations d'urgence. Une solidarité précieuse pendant encore au moins deux à quatre semaines. C'est le temps qu'il faudrait à un bateau contenant les médicaments manquants pour arriver en Tunisie. Un bateau annoncé hier par le président de la commission de Santé à l’Assemblée des Représentants du Peuple... juste après la mobilisation des Conseils nationaux des médecins et des pharmaciens.