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La Tunisie refuse l'installation d'une base de l'Otan sur son territoire

Le ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, a affirmé le refus catégorique du ministère de la proposition de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord de fournir son expertise ou accorder une aide permanente à l'armée tunisienne contre l'installation d'une base de l'Otan.

Le ministre tunisien de la Défense répondait lundi soir aux questions des parlementaires membres du comité de sécurité et de défense. Il a révélé que l'Union européenne refuse de verser un don de trois millions d'euros à l'armée tunisienne si la Tunisie s'oppose à l'installation d'une base militaire de l'Otan, dans la sous-préfecture de Gabes, au sud-ouest du pays.

Cette base aurait pour mission de rassembler les informations et les analyser avant de coordonner, de planifier et de diriger les opérations aux frontières maritimes, terrestres ainsi que dans l'espace. Elle lutterait contre toutes sortes de trafics transfrontaliers, le terrorisme, la migration clandestine, la drogue, etc.

Mais, selon le ministre, Tunis « refuse la présence des militaires étrangers » sur cette base.

Si la Tunisie dit refuser la participation de militaires étrangers à ce genre d'opération, le ministre ne donne pas plus d'explications sur le contexte de cette proposition de l'Otan.

En 2016, la Tunisie a catégoriquement nié l'existence d'une base militaire américaine sur son sol, et ce sont les déclarations des responsables américains, entre autres, qui ont confirmé l'existence de cette base pour contrôler et frapper la Libye. Les Etats-Unis avaient demandé à plusieurs reprises à la Tunisie le droit d'y installer une base.

En juin 2016, Jens Soltenberg, le secrétaire général de l'Organisation, avait évoqué, les besoins de l'Otan d'installer un centre de renseignements en Tunisie. Une année auparavant, l'Otan a considéré la Tunisie comme allié majeur, ce qui avait permis à l'armée tunisienne d'acquérir d'importants matériels militaires.

Officiellement, la Tunisie refuse toujours l'existence d'une quelconque base et évoque la présence de seulement 70 militaires étrangers sur son sol et ce serait uniquement pour faire de la formation au compte de l'armée tunisienne, répètent les responsables.

La déclaration du ministre de la Défense sur le refus de l'OTAN en Tunisie flatte autant la fierté nationale qu'elle alimente la polémique. Voir à ce sujet l'analyse d'Ibrahima Bayo dans la Tribune Afrique qui est reproduite ci-dessous.

En savoir plus

Dans un scénario proche d'un chantage financier, la Tunisie a refusé à l'organisation du Traité de  l'Atlantique Nord (OTAN), l'installation d'un centre de commandement à Gabès, dans le sud-ouest de la Tunisie. Pour l'organisation militaire multinationale, cette base militaire aurait dû servir à la centralisation de la collecte et de l'analyse d'informations pour des opérations maritimes, terrestres ou même spatiales. Dans le lot, la lutte contre l'immigration clandestine, le terrorisme, la criminalité transnationale organisée (CTO)...

Pour faire pression sur Tunis d'accepter l'installation de la base, l'OTAN aurait menacé de faire bloquer un don de 3 millions d'euros de l'Union européenne (UE) à l'armée tunisienne dans le cas où Tunis refuserait d'ouvrir son territoire à la base de l'OTAN. Pour user de la carotte, l'organisation militaire a proposé une aide permanente et une expertise technique pour un centre d'opérations que Tunis souhaite développer.

« Le gouvernement a demandé l'obtention d'une subvention pour la Tunisie, à la condition qu'aucun parti en dehors de l'institution militaire tunisienne n'intervienne dans ce centre, et que le lieu où le centre sera établi soit à l'intérieur du territoire tunisien et choisi par le ministère de la Défense », a posé la Tunisie comme contre-proposition selon Abdelkrim Zbidi.

Clairement, le calcul de la Tunisie est de se passer de la présence de militaires étrangers sur son sol pour ensuite développer une expertise militaire qui lui permettrait d'être le sous-traitant de l'OTAN voire des puissances occidentales. Pour autant, beaucoup de zones d'ombre entourent encore le contexte de la proposition de l'OTAN.

 

Contre-proposition tunisienne

L'hypothèse la plus plausible est celle de négociations ratées entre Tunis et l'OTAN. En 2015, l'organisation transatlantique avait promu la Tunisie au rang d'allié majeure, dons de matériels militaires à l'appui, avant de faire connaître, l'année suivante, son intention de détenir une base dans le pays.

Mais la proposition de l'OTAN a convoqué en Tunisie, les mauvais souvenirs d'un revers gouvernemental sur une situation similaire. Après avoir plusieurs fois démenti l'information, les autorités tunisiennes ont été prises au dépourvu lorsqu'en 2016,  suite à une enquête sur un scandale sexuel, l'US Army a révélé l'existence d'une immense base à Remada, à 600 kilomètres au sud de Tunis.

La polémique enfle en Tunisie et les conjectures s'enchainent. Tunis souhaiterait-elle se prémunir d'un autre revers de ce type en révélant la proposition de l'OTAN ? En tout cas, cette fois-ci, le gouvernement se veut précautionneux et transparent sur l'affaire. Pour d'autres commentateurs, cette fausse vraie révélation d'Abdelkrim Zbidi n'est destinée à faire pression sur l'OTAN pour lui faire accepter les termes d'une négociation entamée depuis au moins 2015.

En portant sur la place publique la proposition à la limite « indécente » de l'OTAN, dans une position de « maître-chanteur », Tunis peut négocier en position de force pour obtenir plus de concessions sur la proposition initiale. Dans la polémique, les Tunisiens attendent d'être édifiés sur une présence militaire controversée.

Ibrahima Bayo Jr.

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