
Le décès du premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie ouvre la voie à une élection présidentielle anticipée dans ce pays pionnier du Printemps arabe.
(Le Parisien) - La mort du président Essebsi ouvre une période d'incertitude pour la Tunisie. Trait d'union entre la Tunisie d'Habib Bourguiba et celle du Printemps arabe de 2011, Béji Caïd Essebsi est décédé ce jeudi à 92 ans, le jour même de l'anniversaire de la proclamation de la République en 1957 et à quelques mois de la fin de son mandat.
Le plus âgé chef d'Etat au monde en exercice, après la reine Élisabeth II, avait été hospitalisé pour un « grave malaise » , selon la présidence, à la fin du mois de juin. À la suite d'une brusque aggravation de son état, il avait été à nouveau admis en urgence à l'hôpital militaire de Tunis mercredi après-midi. « Il était très affaibli et sous dialyse, il était évident qu'il ne pourrait pas tenir longtemps en vie », indique une source tunisienne.
Une nouvelle élection présidentielle au plus tard d'ici 90 jours
Plusieurs fois ministre après l'indépendance de l'ancien protectorat français, Béji Caïd Essebsi – BCE pour la presse – avait été le premier président démocratiquement élu en 2014, trois ans après la chute du régime de Zine el Zine el-Abidine Ben Ali. Ce descendant de captif sarde, de petite taille et au regard lumineux, était un libéral éclairé mais aussi un maître tacticien dont le jeu avec le parti des islamistes d'Ennahda était parfois difficile à décrypter. Il n'en reste pas moins que la Tunisie est le seul des pays arabes qui ont connu la vague du Printemps arabe de 2011 à être resté sur la voie démocratique.
Conformément à la Constitution, c'est le président du Parlement, Mohammed Ennaceur, 85 ans, un proche d'Essebsi, qui va assurer l'intérim du chef de l'Etat décédé. Selon les règles institutionnelles, une nouvelle élection présidentielle doit être organisée au plus tard d'ici 90 jours, soit assez près de la date initialement prévue du 17 novembre. Elle devait être précédée, le 6 octobre, par des législatives générales.
Deux femmes à la bataille pour la présidence ?
Le parti islamiste conservateur Ennahda, en position de force à l'Assemblée des représentants du peuple a en effet modifié la Constitution afin que l'élection des députés précède celle du président de la République. Les pouvoirs de ce dernier sont limités mais son influence est grande sur la vie politique.
Peu populaire auprès des Tunisiens, Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste, ne se présentera probablement pas à la présidentielle, ses chances d'être élu étant infimes. Il devrait en revanche être candidat aux législatives avec l'espoir d'accéder ensuite à la présidence de l'Assemblée. Youssef Chahed, l'actuel chef du gouvernement, un ancien membre du parti Nidaa Tounes d'Essebsi entré ensuite en dissidence, a un bilan très mitigé et ne semble pas en mesure de pouvoir s'imposer. Deux femmes, l'avocate Abir Moussi et l'ancienne directrice de cabinet du président, Salma Ellouni, pourraient se mêler à la bataille pour la présidence.
Divisés, les partis démocrates entendent partir chacun sous leurs couleurs aux législatives en espérant se retrouver ensuite en coalition pour contrer les ambitions d'Ennahda. La Tunisie, toujours menacée par la situation très instable de son voisin libyen, entre en tout cas dans une période d'incertitude.