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Tunisie : le président Kaïs Saïed est-il vraiment un dictateur?

La question est posée par le journaliste François Clemenceau dans les colonnes du Journal du Dimanche. Pour lui, la méthode du président Kaïs Saïed, brutale pour davantage de stabilité et d'efficacité, est tolérée par les bailleurs de fonds de la Tunisie. 

(Journal du Dimanche) - Kaïs Saïed lance à partir de ce 1er janvier une "consultation populaire" dont on ne connaît pas tous les détails, mais qui sera menée en ligne, ce qui peut surprendre dans un pays où un ménage sur deux possède un ordinateur et où à peine deux tiers des habitants sont des utilisateurs d'Internet.

L'idée sera pourtant d'y débattre de nouveaux amendements à la Constitution pour qu'une nouvelle loi électorale fasse émerger des majorités de gouvernement durable. Une fois que les avis auront été recueillis, un référendum devrait permettre de valider les changements et de procéder à l'élection d'un nouveau Parlement à la mi-décembre 2022.

D'ici là, critiquent les détracteurs du chef de l'Etat, ce dernier aura tout loisir de continuer à gouverner seul, sans contrôle parlementaire puisque la Chambre a été suspendue. Alors que le pays ne devrait pas retrouver un niveau d'activité économique d'avant-crise d'ici à 2023, nombre de leaders politiques estiment que le chef de l'Etat ferait mieux de s'attaquer en urgence aux problèmes économiques et sociaux des Tunisiens plutôt que de verrouiller son pouvoir personnel.

Plébiscité par les électeurs

Et pourtant, selon un sondage de l'institut Emrhod, dont la fiabilité est vantée par la Gallup Organization, si Kaïs Saïed devait se présenter demain à sa réélection, il l'emporterait dès le premier tour avec 76% des suffrages, avec près de 70 points d'avance sur ses rivaux. Parmi eux, la cheffe du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, dont le mouvement politique arriverait premier en cas de législatives anticipées avec 30% des voix.

Comment expliquer un tel fossé, entre un président vilipendé pour sa tyrannie mais plébiscité par les électeurs, et une classe politique émiettée dont les dirigeants sont perçus comme moins crédibles? L'une des raisons tient aux dix années post-révolutionnaires que vient de vivre la Tunisie. L'alliance, prometteuse au départ, des islamistes d'Ennahdha avec la gauche et le centre droit n'est pas parvenue à redonner confiance.

Pis, elle a laissé croire trop longtemps que ses zigzags et ses détournements de loyauté ne visaient qu'à se maintenir et à s'enrichir au pouvoir, pas à servir une population avide de justice.

Kaïs Saïed a compris cela. Sa méthode, brutale, pour davantage de stabilité et d'efficacité est tolérée par les bailleurs de fonds de la Tunisie. A condition qu'en décembre son pari ait réussi. Ce qui n'est pas gagné.

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