Déclaration d'Antonio Gutterres, Secrétaire général des Nations unies, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars.
Nous vivons actuellement un moment décisif pour les droits des femmes. Les inégalités historiques et structurelles qui ont fait le lit de l’oppression et des discriminations n’ont jamais été dénoncées si unanimement. De l’Amérique latine à l’Europe en passant par l’Asie, sur les réseaux sociaux, les plateaux de cinéma, dans les usines et dans la rue, les femmes appellent à un changement durable et réclament la tolérance zéro à l’égard des agressions, de la discrimination et du harcèlement sexuels sous toutes leurs formes.
L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles sont les véritables gageures de notre époque et le plus grand défi que le monde ait à relever en matière de droits fondamentaux. Le militantisme et la persévérance de générations de femmes ont porté leurs fruits. Le nombre de filles scolarisées, de femmes ayant un emploi rémunéré et de femmes occupant des postes à haute responsabilité dans le secteur privé, les milieux universitaires, la sphère politique et les organisations internationales, y compris l’ONU, n’a jamais été aussi élevé. L’égalité des sexes est inscrite dans d’innombrables textes de loi, et les pratiques traditionnelles néfastes comme les mutilations génitales féminines et le mariage des enfants sont maintenant illégales dans de nombreux pays. Il nous reste toutefois de nombreux obstacles à franchir pour remédier aux inégalités ancestrales qui sont le creuset des discriminations et de l’exploitation.
À l’heure actuelle, dans le monde, plus d’un milliard de femmes ne sont pas protégées par la loi si elles venaient à subir des violences sexuelles dans leur foyer. L’écart de rémunération entre hommes et femmes est de 23 % à l’échelle mondiale. Il peut aller jusqu’à 40 % dans les zones rurales, et le travail non rémunéré que font de nombreuses femmes n’est pas reconnu. Les femmes occupent en moyenne moins d’un quart des sièges dans les Parlements nationaux, et sont encore moins nombreuses dans les conseils d’administration. Si nous n’agissons pas ensemble, des millions de filles subiront des mutilations génitales dans les dix années à venir. Là où des lois existent, elles sont souvent ignorées, et les femmes qui portent plainte sont discréditées, dénigrées et méprisées. Nous le savons désormais : le harcèlement et les atteintes sexuels sont monnaie courante sur les lieux de travail, dans l’espace public et dans les foyers, et ce dans des pays qui se félicitent de leur bilan en matière d’égalité des sexes.
L’Organisation des Nations unies doit être un exemple pour le monde entier. Je reconnais que cela n’a pas toujours été le cas. Depuis que j’ai pris mes fonctions, l’an dernier, j’ai à cœur d’introduire le changement au siège de l’Organisation des Nations unies, dans nos missions de maintien de la paix et dans nos bureaux partout dans le monde. Pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, nous avons atteint la parité dans mon équipe dirigeante, et je suis résolu à faire appliquer cette parité à tous les niveaux de l’organisation. Je soutiens sans réserve la politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement sexuel et j’ai lancé des initiatives visant à améliorer la procédure de signalement des cas et l’application du principe de responsabilité dans ce domaine. Nous travaillons en étroite collaboration avec les pays du monde entier pour prévenir et combattre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par des membres du personnel des missions de maintien de la paix et pour venir en aide aux victimes.
L’Organisation des Nations unies soutient les femmes du monde entier dans leur combat contre les injustices qu’elles subissent, qu’il s’agisse de femmes du monde rural victimes de discrimination salariale, de citadines qui se mobilisent pour faire changer les choses, de femmes réfugiées exposées à l’exploitation et aux violences ou de femmes qui doivent faire face à des formes conjuguées de discrimination : je pense ici aux veuves, aux femmes autochtones, aux femmes handicapées et à celles qui ne se conforment pas aux normes de genre. L’autonomisation des femmes est au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Tout progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable est un progrès pour toutes les femmes, partout dans le monde. L’Initiative Spotlight, lancée en partenariat avec l’Union européenne, vise à allouer des ressources à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles, condition sine qua non de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.
Je veux être très clair : il ne s’agit pas de privilégier les femmes ou de leur faire une faveur. L’égalité des sexes est non seulement une question de respect des droits fondamentaux, mais un progrès pour nous tous, femmes et hommes, filles et garçons. Les inégalités et la discrimination dont sont victimes les femmes nous sont néfastes à tous. Il est prouvé depuis longtemps qu’investir dans les femmes est le moyen le plus efficace de dynamiser les communautés, les entreprises et même les pays. La participation des femmes rend les accords de paix plus solides, les sociétés plus résilientes, la croissance économique plus vigoureuse. À l’inverse, là où les femmes sont victimes de discrimination, c’est souvent à cause de pratiques et de croyances qui nous nuisent à tous. Le congé de paternité, les lois contre la violence familiale et celles qui promeuvent l’égalité salariale sont un progrès pour l’humanité tout entière. En ce moment décisif pour les droits des femmes, il est grand temps que les hommes se battent à leurs côtés, les écoutent et apprennent d’elles. Si l’on veut que les femmes puissent réaliser pleinement leur potentiel et tirer nos communautés, nos sociétés et nos économies vers le haut, il nous faut impérativement appliquer deux principes : celui de la transparence et celui de la responsabilité. Je suis fier de participer à ce mouvement, et j’espère que le vent du changement continuera de souffler dans notre organisation, et partout dans le monde.
Antonio Gutterres, Secrétaire général des Nations unies.
António Manuel de Oliveira Guterres, né le 30 avril 1949 à Santos-o-Velho, à Lisbonne, est un homme d'État portugaismembre du Parti socialiste (PS), secrétaire général des Nations unies depuis le 1er janvier 2017.