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Al Akhareen, la musique qui donne le goût des autres

Fruit de la rencontre entre la musicienne française d’origine syrienne Naïssam Jalal et le rappeur palestinien Osloob, Al Akhareen est un hommage artistique à la différence et au mélange des genres qui puise son inspiration dans l’exil de ses deux protagonistes.

"Alchimie musicale inédite, AL AKHAREEN (« Les Autres » en arabe) est conçu comme une réflexion sur l’altérité. La plume et le flow débordant d’Osloob s’alimente de la spontanéité et de la profondeur du jeu de Naïssam Jalal. A ces deux figures principales s’associent une formation de musiciens talentueux et singuliers : Mehdi Chaïb aux saxophones et percussions, Viryane Say à la basse, Sébastien Le Bon à la batterie et Dj Junkaz Lou aux platines. 
Sur scène, la formation allie hip-hop qui tâche, improvisation libre et tradition arabe revisitée pour une musique unique dans son genre : un rap profond et poétique allié d’un groove sans faille, revendicatif et puissant ! Al Akhareen existe aussi en formes plus minimalistes : Al Akhareen hip-hop trio qui associe au duo Osloob et Naïssam Jalal le Dj hors paire Junkaz Lou, et Al Akhareen Acoustic Trio une forme intimiste et purement acoustique qui associe le duo au contrebassiste Claude Tchamitchian."

Ce groupe de musique atypique est une interrogation poétique sur l’altérité – l’autre, cet étranger, cet alter ego. La formation, composée par la flutiste Naïssam Jalal et le rappeur Osloob, offre une exploration sonore qui vient brouiller les frontières entre jazz, hip hop et musique arabe.

Fille d’immigrés syriens, Naïssam doit valser avec des origines qui ne lui collent pas vraiment à la peau. À la maison, elle ne parle jamais l’arabe et à l’extérieur, elle étudie la flûte traversière au Conservatoire de Paris. Rien d’un parcours oriental. « J’ai grandi avec ce sentiment d’avoir un corps étranger en moi, une partie que j’ai longtemps rejetée sans m’en apercevoir. Même si ce n’est pas toujours explicite, il y a quelque chose d’ancré dans l’inconscient collectif qui associe toujours le mot arabe à quelque chose de ‘’sale’’. Mes parents voulaient que je m’intègre donc je parlais toujours français et je n’ai pas appris à connaître cette part de moi. »

Elle étudie la flûte traversière classique dès l’âge de 6 ans. À 17 ans elle découvre l’improvisation et quitte le conservatoire après l’obtention du CFEM. La même année, la fanfare funk Tarace Boulba l’entraine en tournée au Mali. À 19 ans, Naïssam quitte la France en quête de ses racines. Après plusieurs mois d’initiation au nay au Grand Institut de musique arabe de Damas en Syrie, elle étudie au Caire avec le grand maître violoniste Abdu Dagher. En Egypte, elle rencontre Fathi Salama avec qui elle joue dans les théâtres les plus prestigieux et participe à la création des groupes Eldor Elawalet Bakash.

De retour en France en 2006, Naïssam accompagne le rappeur libanais Rayess Bek en France, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Liban ou au Maroc. A partir de 2008, elle se produit régulièrement avec le joueur de oud égyptien Hazem Shaheenen Égypte, au Liban, à Malte, ou encore à l’Institut du Monde Arabe de Paris. En 2009 elle signe l’album « Aux Résistances » avec son duo Noun Ya, formation avec laquelle elle tourne en France, en Syrie, au Japon, au Liban, en Tunisie…

Du rap au jazz contemporain, en passant par le tango ou l’afrobeat, Naïssam joue avec tous et se joue de toutes les catégories musicales. On l’a trouve aux côtés de la crème des musiciens africains de la scène parisienne (Cheikh Tidiane Seck, Mamani Keita, Brice Wassi, Hilaire Penda, Cherif Soumano, Fatoumata Diawara, Moh, Hervé Samb) ou des grands noms du jazz français et international (comme Hamid Drake, Michael Blake, Nelson Veras, Hubert Dupont, Jean Marc Padovani), de la musique arabe (tels Amazigh Kateb, Lena Shamamyan, Macadi Nahhas, Youssef Hbeish, Ahmad Alkhatib, Khaled Aljaramani) ou d’Amérique latine (Melingo). Elle enregistre avec Abdoulaye Traore, Mohamed Diaby, Napoleon Maddox, Aziz Sahmaoui, Mike Ladd, Sébastien Giniaux, le trio de jazz Aerophone, le groupe de rap palestinien Katibeh 5 et compose la musique de trois longs métrages.

Depuis 2011, elle se produit avec son quintet Naïssam Jalal & Rhythms of Resistance dans les plus grands festivals de jazz en France et en Europe. Elle explore par ailleurs les possibles du hip-hop avec le rappeur Osloob dans leur formation Al Akhareen.

Osloob, lui, est enfant de réfugiés palestiniens au Liban, pays dont il n’obtiendra jamais la nationalité, toujours renvoyé à son statut d’apatride. Il grandit en écoutant les rêves brisés de ses voisins : l’espoir d’un retour impossible sur une terre qu’il n’a jamais connue. De cette quête identitaire, et de la douleur qui en découle, provient le trait d’union entre les deux artistes.  Ce n’est ni en France, ni en Égypte que Naïssam croise pour la première fois son acolyte, mais à Beyrouth, lors d’un festival de musique alternative en 2008. La flûtiste est alors invitée à jouer sur scène avec le Palestinien et son groupe Katibeh 5. Une sorte d’évidence artistique : la facilité de Naïssam à naviguer entre différents territoires musicaux séduit immédiatement le rappeur.

« Naïssam sait intuitivement comment communiquer avec ma musique. Elle comprend l’émotion du rythme, elle saisit très vite ce que je veux et c’est très important pour un producteur d’avoir cette alchimie », commente le rappeur. La musicienne loue, pour sa part, les qualités de conteur de son partenaire. « Parmi tous les rappeurs avec lesquels j’ai travaillé, Osloob est celui qui me comprend le mieux parce qu’il est également musicien. Il compose des beats, lignes de base, fait des samples. J’aime aussi sa mélancolie et sa rage, le côté sombre de ses instrumentalisations. C’est un merveilleux narrateur d’histoires et, en même temps, ce n’est jamais un donneur de leçons. »

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Binationalité

Question souvent posée à Naïssam : - T’es binationale toi ? - Oui, bien sûr ! - Ah bah alors tu vas pouvoir répondre aux questions de je me pose… pourquoi vous ne choisissez pas une nationalité ? - Pourquoi on devrait choisir, on en a deux, les deux font parties de nous, pourquoi il faudrait faire un choix ? - Et pourquoi pas ?

D’abord pour répondre à la question. Puisque je suis fille de Syriens je suis potentiellement syrienne, c’est à dire que j’ai mécaniquement la nationalité syrienne. Pour ne pas l’avoir il aurait fallu que mes parents cachent mon existence aux services d’état civil de leur pays de naissance. Quand bien même je n’aurai jamais réclamé de passeport syrien, je serai syrienne quand même et donc potentiellement destituable de mon identité française.

Ensuite si j’ai fait une demande de passeport syrien il y a plusieurs années (avant que la situation en Syrie devienne ce qu’elle est du fait de l’échec de la révolution), ce n’est pas seulement pour ne pas avoir à demander de visa pour aller voir mes proches et mes amis en Syrie. C’est aussi parce que nous, les binationaux nés en France, nous avons besoin de reconnaissance (reconnaissance dans le sens de respect et non pas de simple constat) de notre double identité.

Et c’est ce point là auquel je voudrais arriver, la France parce qu’elle réclame un choix et donc la négation d’une partie de soit créé du rejet et de l’exclusion. Qu’on ne vienne pas me dire que la France ne demande pas ce choix, parce qu’elle ne le faisait pas officiellement. Le fait qu’aujourd’hui la déchéance de la nationalité paraisse tellement évidente voir légitime, à une grande majorité de Français prouve bien qu’il y a une attitude française collective qui considère qu’on est seulement français ou qu’on ne l’est pas vraiment. Soit tu aimes la France et alors tu renies toute autre identité, soit tu n’es pas vraiment française. Il est exactement là le drame pour tous les binationaux nés en France, on leur refuse leur pleine identité française parce qu’elle n’est pas exclusive. Aujourd’hui le projet d’inscrire dans la constitution une distinction entre vrais français (exclusivement) et faux français (binationaux) a mis en lumière cette exigence cachée de la France envers toute une partie de son peuple : renier une partie de soit.

Parce que c’est de cela qu’on parle quand on parle d’identité, on parle de l’être. Mon identité c’est ce que je suis. Et c’est aussi pour ca que ce projet de loi est odieux, parce qu’il a permis la banalisation de se retrouver pour un binational dans la situation de devoir rendre des comptes à tout un chacun sur son identité, sur son être. Elle est là aussi la blessure, non seulement ce choix réclamé inconsciemment et de façon invisible est devenu un projet de loi à inscrire dans la constitution, mais il nous expose chaque jour à devoir rendre des comptes sur ce que nous sommes, pour rien, juste parce que cette loi a rendu ces interrogations légitimes.

Sachez donc d’une part qu’on ne peut pas demander à quelqu’un de renier une partie de soi sans créer chez lui à la fois un trouble psychologique et donc de la rancœur, et sachez d’autre part que vos interrogatoires nous blessent profondément, que c’est déjà assez durs de se construire lorsqu’on a une double identité pour ne pas avoir en plus à rendre des comptes sur notre être.

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