FR AR
Partager sur :

Élection présidentielle : la France durcit l'octroi des visas à l'égard des pays du Maghreb

Élection présidentielle : la France durcit l'octroi des visas à l'égard des pays du Maghreb

Le Maghreb est invité dans les débats français à propos de l'élection présidentielle de 2022. Le gouvernement français vient de durcir l'obtention de visas pour les ressortissants maghrébins. La droite réagit et n'apprécie pas qu'on vienne marcher sur ses plates-bandes. Le Maroc réagit.

Paris a décidé de durcir les conditions d'obtention des visas à l'égard du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie qui "refusent" de délivrer les laisser-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France, a annoncé mardi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

"C'est une décision drastique, c'est une décision inédite, mais c'est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n'acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France", a-t-il justifié sur Europe 1. Il a ainsi confirmé une information de la radio qui évoquait une baisse à venir de 50% du nombre de visas délivrés pour les ressortissants du Maroc et de l'Algérie et de 33% pour ceux de Tunisie.

L'attitude de ces pays "freine l'efficacité des reconduites effectives" à la frontière une fois les obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées, a déploré M. Attal.

Face à cela, "il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces. Aujourd'hui on met cette menace à exécution", a-t-il expliqué. 

Soulignant les visites sur ce sujet dans ces trois pays du Premier ministre Jean Castex et de membres du gouvernement, dont le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, ainsi que des réunions avec les ambassadeurs des pays concernés, il a fait valoir qu'"à un moment quand les choses ne bougent pas, nous faisons appliquer les règles".

Interrogé sur la durée d'application de cette mesure, temporaire ou pérenne, le porte-parole du gouvernement français a indiqué qu'elle avait été "décidée il y a quelques semaines" et "va être mise à exécution" pour "pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laisser-passer consulaires".
"On souhaiterait que la réaction soit davantage de coopération avec la France pour qu'on puisse faire appliquer nos règles migratoires", a insisté M. Attal.

Un effet Zemmour ?

Alors qu'on lui faisait remarquer que le polémiste et candidat putatif à la présidentielle Eric Zemmour avait émis l'idée d'un tel durcissement, Gabriel Attal a souligné que le gouvernement n'avait "pas attendu qu'Eric Zemmour en parle pour (lui)-même en parler", les "premières réunions" sur le sujet datant d'"il y a plus d'un an".

Réagissant à cette annonce sur France Inter, le président par intérim du Rassemblement national Jordan Bardella a affirmé qu'"on jugera le résultat", déplorant qu'Emmanuel Macron ne soit pas parvenu, comme promis selon lui en campagne en 2017, à "100% d’exécution des OQTF".

La candidate du RN Marine Le Pen doit présenter mardi après-midi son projet de référendum sur l'immigration.

A droite, le député LR Eric Ciotti, candidat à l'investiture des Républicains pour la présidentielle, a estimé que "les coups de mentons en période électorale ne servent à rien de la part du gouvernement qui détient le record migratoire". Il a aussi appelé sur Twitter à "aller plus loin et abroger les accords d’Evian qui accordent à l’Algérie un régime migratoire d’exception qui doit être supprimé" selon lui.

Le Maroc regrette la décision

Visiblement surpris par l’annonce, ce mardi 28 septembre, du porte-parole du gouvernement français de « réduire drastiquement les visas aux Marocains », Nasser Bourita a fait part de son désaccord avec une décision qui ne cadre pas avec la réalité des faits, en s’appuyant sur quatre points.

« Le Maroc a délivré 400 laissez-passer en huit mois »

qui est, selon nous, infondée, sachant que le Maroc a toujours fait preuve de responsabilité avec la France pour tout ce qui concerne les voyages légaux des étudiants, des professionnels, des malades… mais aussi et surtout contre les réseaux d’immigration clandestine illégale », a déploré le ministre des Affaires étrangères.

« En deuxième lieu, le Maroc a donné des consignes très claires à ses consulats en France pour respecter nos obligations en matière d’émigration clandestine. Ainsi, durant les seuls huit derniers mois, nos antennes ont délivré 400 laissez-passer pour rapatrier des personnes séjournant illégalement sur le sol français », a rappelé Nasser Bourita.

« De plus, nous pensons que le timing de cette décision n’est pas approprié , car les chiffres des laissez-passer que nous délivrons pour des expulsions montrent que le Maroc s’implique vraiment aux côtés des autorités françaises. »

« Le fond du problème est franco-français »

Le ministre des Affaires étrangères précise qu’en réalité, « le problème est franco-français, car pour que le Maroc réadmette un de ses citoyens sur son territoire, deux conditions doivent absolument être remplies ».

La première est que la personne concernée par l’expulsion dispose d’une pièce d’identité du Royaume (CIN ou passeport), ou d’un laissez-passer délivré par les agents consulaires marocains, après vérification de son identité.

La deuxième condition, tout aussi importante, a été introduite en mars 2020 du fait de la pandémie du coronavirus : ainsi, pour pouvoir embarquer dans un avion à destination du Maroc, toute personne expulsable devra se munir d’un test PCR négatif.

« Les personnes expulsables utilisent la loi française pour ne pas embarquer »

« Ce que ne disent pas les autorités françaises, c’est que la loi française permet à ces personnes de refuser de se soumettre à un test PCR qui n’est pas obligatoire », a précisé Nasser Bourita.

« Ainsi, tout comme la France n’admet pas l’entrée sur son territoire de Marocains qui n’ont pas effectué de test PCR, le Maroc refuse aussi de recevoir des personnes qui n’ont pas été testées », a souligné le ministre.

« La responsabilité du faible nombre d’expulsions incombe donc à la France, qui n’oblige pas les personnes expulsables à se soumettre à ce test, et certainement pas au Maroc qui doit prendre en considération les risques sanitaires pour préserver sa population. »

« La clé du problème n’est pas au Maroc »

« Encore une fois, la clé du problème est en France et pas chez un bouc émissaire comme le Maroc. Si ce pays est incapable d’obliger ces personnes à se faire tester, il ne peut pas demander au Maroc d’ouvrir ses portes sans tenir compte du risque de contamination », a conclu Bourita, ajoutant que le Maroc allait suivre attentivement la situation avec les autorités françaises pour déterminer les responsabilités de chacun.

Rappelons qu’en 2020, les Marocains ont obtenu 98.627 visas et que si la France réduit de 50% leur nombre, nos concitoyens n’auront droit qu’à 49.313 visas à la fin de l’année courante.

Partager sur :