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L'accueil de réfugiés afghans : de l'intention à la réalité

L'accueil de réfugiés afghans : de l'intention à la réalité

Les gouvernements français et allemand ont annoncé leur intention de répondre «à un devoir d'humanité» en accueillant des réfugiés afghans, mais ils entendent limiter l'accès à leur territoire, pour éviter une nouvelle crise migratoire. Dans la réalité actuelle du droit international, l'intention n'est pas aussi facile à mettre en oeuvre.

Trois jours après la prise de la capitale afghane par les talibans, l'Union européenne tente de faire front commun dans la gestion de la crise. Si l'évacuation des ressortissants et les futures relations avec les forces en présence ont été évoquées, plusieurs chefs d'Etat se sont déjà positionnés sur l'accueil des réfugiés.

Le président français, Emmanuel Macron, a déclaré lors d'une allocution télévisée vouloir «anticiper» la fuite de milliers d'Afghans et «protéger la France contre des flux migratoires irréguliers importants». Il a notamment précisé vouloir accueillir en priorité «quelques dizaines d'Afghans qui ont aidé la France».

A Thionville, Nancy, Strasbourg ou encore Lyon, des maires ont déjà fait part de leur intention d'accueillir ceux «qui cherchent refuge en France», assurant avoir «les capacités d'accueillir dignement». On ne retiendra que leur louable intention pour oublier leur manoeuvre politique sous-jacente surtout dans le cas de municipalités opposées à la politique d'Emmanuel Macron.

La chancelière allemande s'est également positionnée en faveur d'un accueil «contrôlé» des réfugiés «particulièrement vulnérables». Angela Merkel souhaite en effet que l'UE trouve d'abord des solutions régionales, pour accueillir les Afghans en détresse dans les pays voisins. «Dans un deuxième temps, nous pourrons réfléchir à la question de savoir si les personnes particulièrement vulnérables doivent venir en Europe», a-t-elle précisé lors d'une conférence de presse. Le premier vol de Lufthansa transportant 130 évacués afghans a atterri ce mercredi matin à Francfort.

La chancelière souhaite éviter que le scénario de 2015 et l'afflux de plus d'un million de demandeurs d'asile, ne se reproduise. L'ouverture des frontières allemandes aux réfugiés syriens avait en effet déstabilisé le camp conservateur sur la scène politique nationale, au profit de l'extrême droite. 

Un flou juridique

Depuis 2019, les exilés afghans «ne sont plus automatiquement considérés comme en danger de par leur nationalité». Les demandes de protection internationale sont à présent traitées «selon la province de résidence des exilés venus d'Afghanistan». Ainsi, 60 % des Afghans ont vu leur demande d'asile refusée parce qu'ils venaient de zones où les tensions était moins importantes, au moment où la demande a été formulée (bien avant la prise de pouvoir des Talibans).

Un choix qui s'appuie sur des rapports internationaux, mais qui ne correspond pas aux réalités du terrain depuis le retour des Talibans au pouvoir. «Ce n'est pas parce qu'une femme n'a connu aucun problème en trois ans à Kaboul que sa vie n'est pas en danger», constate une association d'accueil de réfugiés.

Faute de protection internationale, les candidats au statut de réfugiés afghans n'ont pas accès à un titre de séjour valable et ne peuvent pas aller à l'école, travailler ni bénéficier d'aides. En raison de leur âge ou des traumatismes subis, beaucoup d'Afghans ne peuvent pas prétendre facilement à une régularisation par le travail.

Les associations d'accueil demandent à ce que cette situation juridique soit rapidement revue et changée.

En savoir plus

Aujourd’hui, les Afghans sont les premiers demandeurs d’asile en France, avec 10 365 demandes déposées en 2020, un nombre en hausse malgré une année où les déplacements ont été rendus plus difficiles à cause de la pandémie de Covid-19. 

Si la France ne renvoie pas les Afghans à Kaboul, le taux d’acceptation de ces demandes d’asile continue toutefois de baisser. De 84 % en 2017, la France accepte actuellement moins de 60 % de ces demandes, selon le dernier rapport d’activité de l’Ofpra. Les déboutés errent donc en France sans-papiers.

De nombreux Afghans réfugiés en France s’inquiètent aussi du sort de leurs familles restées au pays. Pour l’heure, environ 3 500 dossiers de réunification familiale patientent dans les couloirs de l’administration française. "Certains réfugiés attendent des réponses depuis deux ou trois ans", rappelle la Cimade, association d'accueil des réfugiés. "Les choses bougent très lentement".

La Cimade s’inquiète enfin de l’avenir politique en Afghanistan. Dernièrement, la France a rapatrié l’ensemble de ses ressortissants qui vivaient dans le pays. Les Taliban affirment contrôler 85 % du territoire. "Et quand ils seront au pouvoir ?", s'interroge Gérard Sadik de la Cimade. L’Ofpra et la CNDA vont-elles alors considérer que la guerre est finie "parce que les Taliban ont gagné" ? Vont-ils considérer que les Afghans n’ont plus besoin de protection puisque les combats ont cessé ? "Et aussi, va-t-on peu à peu retirer les protections accordées ces dernières années aux Afghans ? Toutes ces questions doivent se poser".

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