
Quarante personnes ont été blessées et vingt-six arrêtées après des manifestations contre le mouvement anti-immigration et anti-islam “Ligne dure” qui se targue de brûler le Coran.
(AFP) - C’est le dernier bilan des violents affrontements qui ont lieu en Suède depuis plusieurs jours entre les forces de l’ordre et des manifestants protestant contre les rassemblements d’un groupuscule d’extrême droite qui se targue de brûler le Coran.
“Dans certains cas, il peut même s’agir d’une tentative de meurtre et, dans tous les cas, d’une agression grossière des forces de l’ordre”, a affirmé ce lundi 18 avril le chef de la police nationale Anders Thornberg, lors d’une conférence de presse. L’importance des blessures n’a pas été communiquée, mais, selon la presse locale, il s’agirait de blessures légères.
Les violences ont débuté jeudi à Linköping et Norrköping (sud). Ces deux villes étaient les premières étapes de la tournée du groupuscule anti-immigration et anti-islam “Ligne dure”, dirigé par le Dano-Suédois Rasmus Paludan. Le groupe entend brûler le Coran sur la place publique dans des rassemblements organisés dans des quartiers à forte population musulmane.
Dès jeudi, des Suédois avaient protesté contre ces rassemblements à Linköping. Le groupe d’extrême droite radicale n’a pas pu se rendre sur les lieux et la situation a alors dégénéré entre contre-manifestants et policiers, selon des images diffusées selon les réseaux sociaux. D’après les autorités, trois membres des force de l’ordre ont été blessées.
Contre-manifestations
L’autre manifestation était prévue en début de soirée dans la ville voisine de Norrköping, mais n’a pas pu se tenir là non plus. Des incidents y ont également été signalés, avec des véhicules incendiés, selon la police. Rasmus Paludan s’est ensuite rendu à Örebro (centre), puis en banlieue de Stockholm et enfin à Malmö (sud).
À Örebro, la manifestation s’est tenue dans un parc à proximité du centre-ville et non pas dans le quartier initialement envisagé. Des manifestants étaient présents pour protester contre ce mouvement d’extrême droite mais les violences ont une nouvelle fois dégénéré entre ces derniers et la police.
Quant à Malmö, des incendies se sont déclarés dans la nuit de samedi à dimanche. Le rassemblement de “Ligne Dure” avait été déplacé d’un quartier de Landskrona vers un parking de Malmö, la grande ville voisine, afin d’éviter les débordements, mais une voiture a tenté de forcer les barrières de protection. Le chauffeur a été arrêté. Des protestations ont ensuite éclaté dans différents quartiers de Malmö, avec des lancers de pierre et de cocktails Molotov contre la police.
“Des individus criminels ont profité de la situation pour faire preuve de violence” et ce “sans rapport avec les manifestations”, a dénoncé le chef de la police Anders Thornberg pendant la conférence de presse, demandant plus de moyens. “Nous sommes trop peu. Nos effectifs augmentent mais pas au même rythme que les problèmes au sein de la société”, a-t-il déploré.
“Vous ne devez jamais recourir à la violence”
“En Suède, les gens sont autorisés à exprimer leurs opinions, qu’elles soient de bon ou de mauvais goût, cela fait partie de notre démocratie. Peu importe ce que vous pensez, vous ne devez jamais recourir à la violence. Nous ne l’accepterons jamais”, a pour sa part déploré la cheffe du gouvernement Magdalena Andersson à l’agence de presse TT.
“C’est exactement le genre de réactions violentes qu’il (Rasmus Paludan, NDLR) veut voir. Le but même est d’inciter les gens à s’opposer les uns aux autres”, a-t-elle ajouté.
Dimanche les heurts ont continué à Norrköping et Linköping bien que le groupuscule ait renoncé à y retourner. 26 personnes ont été arrêtées après des jets de pierre et des voitures brûlées. “Environ 200 participants se sont montrés violents sur place et la police a dû intervenir avec des armes en état de légitime défense”, a affirmé le responsable des opérations spéciales Jonas Hysing, lors du point presse.
“La police a tiré plusieurs coups de semonce. Trois personnes semblent avoir été touchées par des ricochets et sont actuellement soignées à l’hôpital”, a écrit la police dans un communiqué. Les trois blessés, dont l’état n’est pas connu, sont également “en état d’arrestation, soupçonnés de crime”, est-il précisé.
À Malmö, où Rasmus Paludan a brûlé un Coran samedi, la nuit de dimanche à lundi a été agitée, comme la veille, avec notamment un départ de feu dans une école.
Rasmus Paludan, un récidiviste
Bi-national, Rasmus Paludan, qui entend se présenter aux élections législatives suédoises en septembre ne compte pour le moment pas les signatures nécessaires pour faire acte de candidature. En 2019, cet avocat de formation, qui a été condamné pour injures racistes, avait déjà tenté sa chance au Danemark, son pays natal, où il avait rassemblé à peine 10.000 voix.
Également youtubeur, il a provoqué des incidents à plusieurs reprises ces dernières années. En 2019, il avait brûlé un Coran entouré de bacon et avait été bloqué pendant un mois par Facebook après la publication d’une photo amalgamant immigration et criminalité.
En novembre 2020, il avait été arrêté en France puis expulsé. Cinq autres militants avaient été arrêtés en Belgique peu après, accusés d’avoir voulu “propager la haine” en brûlant un Coran à Bruxelles.
L’Irak et l’Arabie saoudite mettent en garde la Suède
À la suite des événements en Suède, la diplomatie irakienne a annoncé dans un communiqué avoir convoqué dimanche le chargé d’affaires suédois. Elle estime que laisser manifester des partisans d’extrême droite souhaitant brûler une copie du Coran est un acte “provocateur pour les sentiments des musulmans et offensant pour ce qu’ils ont de sacré”.
Et elle met en garde contre les “graves répercussions” de cette affaire sur les “relations entre la Suède et les musulmans en général, que ce soit dans les pays musulmans ou arabes, ou dans les communautés musulmanes en Europe”.
L’Arabie saoudite a également “condamné les agissements de certains extrémistes en Suède et leurs provocations contre les musulmans”, selon son agence officielle.