
La vague mondiale qui déferle des Etats-Unis à l'Europe et qui dénonce les agressions sexuelles commises par des hommes de pouvoir atteint le Maroc. Le directeur de publication du quotidien d’Akhbar al-Youm est touché. Après plusieurs plaintes de jeunes femmes, il comparaîtra le 8 mars devant la Cour criminelle de Casablanca. Il est notamment accusé de viol et tentative de viol, abus de pouvoir, traite d'êtres humains.
Après la solidarité, place à la stupeur. Le journaliste et directeur du quotidien arabophone Akhbar al-Yaoum Taoufik Bouachrine, initialement arrêté pour harcèlement et agressions sexuelles, est poursuivi, selon un communiqué du parquet : violences sexuelles présumées, traite d'êtres humains, chantage, exploitation de la faiblesse et de la précarité de femmes dont une enceinte, abus de pouvoir et d'autorité en vue d'obtenir des faveurs sexuelles, attentat à la pudeur en usant de violence, viol et tentative de viol, harcèlement sexuel. Le parquet ajoute que le journaliste a enregistré près de 50 vidéos compromettantes. Le nombre de victimes s'élèverait à huit. Taoufik Bouachrine comparaîtra le 8 mars devant la justice.
Taoufik Bouachrine, 49 ans, a été interpellé dans la soirée du 23 février, dans les locaux de son journal à Casablanca pour répondre à « des plaintes pour agression sexuelles ». Une vingtaine de policiers ont fouillé les locaux, selon des journalistes salariés de la rédaction. Si Mohamed Ziane, l'un des avocats du journaliste, disait dans un premier temps que « l'enquête portait sur des accusations sexuelles, mais celles-ci n'ont pas pu être prouvées », et que « sur huit plaintes, deux seulement ont été maintenues ». L'avocat est resté injoignable pour commentaire après la décision du procureur du roi.
« Malheureusement, la qualification pénale était inattendue et très choquante. Nous ne savons pas comment le parquet a eu recours à ces textes de loi, compte tenu de ce qui a été porté à notre connaissance lors de la comparution devant le procureur général », dit Abdessamad el-Idrissi, un autre de ses avocats. « Nous attendons de connaître les détails du dossier, les chefs d'accusation sont exagérés, et la qualification pénale est problématique. »
Le communiqué est tombé lundi 26 février dans la soirée. Le procureur général du roi auprès de la Cour d’appel de Casablanca annonce que Taoufik Bouachrine, directeur de publication du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum Al Maghribia, après interrogatoire, comparaîtra ce 8 mars devant la cour criminelle.
Il a été placé en détention dans l’attente de son passage devant les juges. Les accusations retenues sont graves : viol et tentative de viol, abus de pouvoir, traite d’êtres humains… Le communiqué fait état de l’existence d’une cinquantaine de vidéos sur lesquelles on apercevrait pas moins de huit victimes présumées.
Le quotidien dirigé par Bouachrine assure dans son édition du lundi 26 février que des micros ont été retrouvés dans la rédaction. Le même journal est paru avec un éditorial « blanc », un espace vide simplement surmonté de la signature et du portrait de son directeur.
Une affaire compliquée
L'affaire de Tarik Bouachrine est compliquée à comprendre. Dernière évolution à la décharge de l'auteur présumé de viol : Dans une sortie innattendue, Amal Houari, une des présumées victimes vient de déclarer n'avoir jamais déposé plainte contre le journaliste. Contactée par H24Info, il y a quelques jours, Amal Houari refusait de se prononcer sur cette affaire avant le 8 mars, jour du procès. Aujourd'hui pourtant, la journaliste d'Akhbar Alyaoum vient de publier un statut dans lequel elle affirme clairement n'avoir jamais déposé plainte contre Taoufik Bouachrine.
"Il ne m'a pas violé. Il n'a pas essayé de me violer et je n'ai jamais eu de relation sexuelle ou amoureuse avec lui. Je n'ai même pas déposé plainte. Je ne sais pas d'où ça m'est tombé dessus" a-t-elle écrit
Pour rappel, Amal Houari faisait partie des journalistes entendues par les enquêteurs samedi dernier dans le cadre des investigations dans l'affaire du journaliste Taoufik Bouachrine, objet de plaintes pour agressions sexuelles selon le parquet.
Mais, en même temps, une autre journaliste témoignait publiquement à charge. Khouloud El Jabri accuse en effet le directeur du site alyaoum24 et d’Akhbar Al Yaoum de tentatives de viol. Pour la journaliste, Bouachrine l’obligeait parfois à rester jusqu’à 18h au bureau alors que le reste de l’équipe finissait généralement à 17h en prétextant un « surplus de travail ».
Elle explique qu’il est devenu de plus en plus violent et à même mis fin à l’émission qu’elle produisait pour le site alyaoum24 pour faire pression sur elle. Si elle témoigne aujourd’hui à visage découvert et qu’elle a décidé de porter plainte, c’est parce que ses parents sont depuis longtemps au courant de la situation et qu’ils la soutiennent dans sa démarche.
Avec un tirage de 28 345 et une diffusion de 15 661 selon les chiffres 2016 de l’OJD Maroc, le journal Akhbar Al Yaoum fait partie des publications arabophones les plus lues dans le pays, en raison notamment de son ton critique à l’égard du pouvoir.
En 2009, une affaire avait opposé devant des tribunaux Taoufik Bouachrine au cousin du roi Moulay Ismaïl d’une part, et au ministère de l’Intérieur de l’autre. En cause : une caricature jugée offensante envers le prince et envers le drapeau national. Le patron de presse avait perdu et écopé de quatre ans de prison avec sursis contre l’Intérieur.
Moulay Ismaïl avait de son côté décidé de renoncer à l’exécution du jugement rendu en sa faveur et qui attendait de Bouachrine le versement de dommages et intérêts. À la mi-février, il a encore été condamné à verser l’équivalent de 40 000 euros à deux ministres pour « diffamation ».