
Maglor -Rabat. Les tensions diplomatiques entre le Maroc et l’Afrique du Sud connaissent un nouvel épisode. Ronald Lamola, ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, a annoncé que Pretoria envisage de convoquer le chargé d’affaires marocain afin de lui adresser une note de protestation. En cause : la présence du drapeau sud-africain aux côtés du drapeau marocain lors de la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et l’ancien président sud-africain, Jacob Zuma, en juillet dernier à Rabat.
Une visite à caractère controversé
Dans une réponse écrite au Parlement, Lamola a précisé que le déplacement de Jacob Zuma n’avait pas été mandaté par l’État sud-africain mais relevait d’une initiative partisane, Zuma agissant en tant que leader du parti d’opposition Umkhonto We Sizwe.
Pour Pretoria, les « manifestations protocolaires » qui ont marqué la visite, et notamment l’exposition conjointe des deux drapeaux nationaux, ont conféré à l’événement un caractère officiel, en contradiction avec la position sud-africaine sur le dossier du Sahara. Lamola a dénoncé un « abus d’un symbole national » dans un contexte qui ne correspond pas à la politique étrangère de son pays.
Une note de protestation en préparation
Le ministre a indiqué que son département avait déjà enclenché des démarches officielles, à travers l’envoi d’une note de protestation à la mission diplomatique marocaine à Pretoria. L’Afrique du Sud, a-t-il rappelé, reste attachée à son soutien au « droit du peuple sahraoui à l’autodétermination » et continue de reconnaître la « république » autoproclamée par le Front Polisario.
Des documents diplomatiques révélateurs
Pourtant, des documents officiels datés du 11 juillet montrent que l’ambassade sud-africaine à Rabat avait sollicité une assistance protocolaire pour faciliter le séjour de Jacob Zuma et de sa délégation : passage par le salon VIP de l’aéroport Rabat-Salé, hébergement du 15 au 18 juillet et coordination logistique. Des éléments qui laissent penser que la visite avait bénéficié d’un appui officiel, malgré les déclarations ultérieures de Pretoria.
Divergences politiques en Afrique du Sud
Cette affaire met en lumière les divisions internes du paysage politique sud-africain. Jacob Zuma, déjà fragilisé sur la scène intérieure, a été vivement critiqué pour les images montrant les drapeaux sud-africain et marocain côte à côte lors de sa rencontre avec Nasser Bourita.
Elle survient également à un moment où l’initiative marocaine pour l’autonomie est de plus en plus soutenue au niveau régional et international, perçue comme la solution réaliste pour clore le différend autour du Sahara.
Analyse : un bras de fer symbolique entre Rabat et Pretoria
Au-delà de l’incident diplomatique, cet épisode illustre la rivalité persistante entre le Maroc et l’Afrique du Sud sur la scène africaine. Pretoria se positionne comme l’un des soutiens les plus constants du Front Polisario, alors que Rabat engrange de plus en plus de soutiens à son plan d’autonomie, y compris au sein de l’Union africaine et du Conseil de sécurité de l’ONU.
Pour Rabat, la présence du drapeau sud-africain lors de la visite de Zuma représentait un signal de normalisation implicite, confirmant le rôle de plus en plus central du Maroc dans les relations africaines. À l’inverse, pour Pretoria, céder sur ce symbole reviendrait à fragiliser sa ligne diplomatique historique, héritée de l’ANC et de Nelson Mandela, en faveur du Polisario.
Cette tension pourrait également avoir des répercussions économiques. Les relations commerciales entre les deux pays restent limitées, freinées par ce contentieux politique. Or, dans un contexte où le Maroc multiplie ses partenariats en Afrique australe, notamment via ses banques et ses entreprises d’infrastructures, l’enjeu dépasse le seul cadre diplomatique pour toucher aux équilibres géoéconomiques du continent.
Repères chronologiques : Rabat–Pretoria, une relation heurtée
- 2004 : l’Afrique du Sud reconnaît officiellement la « RASD » proclamée par le Front Polisario, marquant une rupture avec Rabat.
- 2017 : après des années de froid, le roi Mohammed VI et Jacob Zuma, alors président, se rencontrent en marge du sommet UE–UA à Abidjan. Une volonté de normaliser les relations est exprimée.
- 2018 : reprise des relations diplomatiques avec nomination d’ambassadeurs dans les deux pays, après plus de 13 ans de gel.
- 2020 : Pretoria critique ouvertement l’ouverture de consulats étrangers au Sahara, qualifiant ces démarches de « provocations ».
- 2023 : tensions ravivées après les déclarations sud-africaines soutenant explicitement le Polisario à l’ONU.
- 2025 : l’épisode Zuma à Rabat relance la polémique, Pretoria dénonçant une atteinte à ses symboles nationaux.