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France : une réforme qui complique l’indemnisation des passagers aériens

Maglor- À partir du 7 février 2026, obtenir une indemnisation en cas de retard ou d’annulation de vol deviendra bien plus compliqué en France. Un nouveau décret impose aux passagers une médiation préalable obligatoire et alourdit la procédure judiciaire. Une réforme qui suscite déjà de vives inquiétudes, notamment parmi les voyageurs de la diaspora marocaine.

Une médiation obligatoire avant toute action en justice

Le décret n°2025-772 du 5 août 2025 instaure une nouvelle étape pour les voyageurs souhaitant faire valoir leurs droits : une médiation préalable pouvant durer jusqu’à six mois.
Jusqu’ici, les passagers pouvaient saisir directement et gratuitement le tribunal par une procédure simplifiée. Désormais, en cas d’échec de la médiation, ils devront déposer une assignation individuelle, impliquant un commissaire de justice et, souvent, un avocat.

Des coûts dissuasifs pour les voyageurs

Le passage devant la justice pourrait coûter entre 250 et 600 euros. Ces frais englobent la rémunération du commissaire de justice et, dans certains cas, celle de l’avocat.
Or, le règlement européen CE 261/2004 prévoit des indemnisations allant de 250 à 600 euros selon la distance du vol. Dans bien des cas, le coût de la procédure sera supérieur au montant du dédommagement.

« Le coût des procédures, pouvant atteindre 600 euros, risque de rendre l’accès à la justice prohibitif pour de nombreux passagers », alerte Anaïs Escudié, fondatrice de la plateforme RetardVol.

Un déséquilibre au profit des compagnies aériennes

Les associations spécialisées dans l’accompagnement juridique dénoncent une réforme qui déséquilibre le rapport de force entre voyageurs et transporteurs.
Elles craignent que les compagnies, conscientes de la lourdeur du processus, soient tentées de retarder le traitement des indemnisations et que de nombreux passagers renoncent à leurs droits.

Les MRE en première ligne

La réforme aura un impact particulier sur les Marocains Résidant en France et en Europe, qui voyagent massivement entre les deux rives de la Méditerranée. Les liaisons aériennes entre Paris, Lyon, Marseille, Bruxelles, et les villes marocaines comme Casablanca, Rabat, Oujda ou Marrakech sont régulièrement saturées, surtout en période estivale.
Or, ce sont précisément ces vols qui connaissent le plus de retards et annulations, plaçant les MRE dans une situation de vulnérabilité accrue.

Avec la nouvelle réglementation, un passager marocain confronté à une annulation ou un retard de plus de trois heures devra choisir entre :

  • renoncer à ses droits, pour éviter une procédure longue et coûteuse,
  • ou engager un recours qui peut coûter aussi cher – voire plus – que l’indemnisation espérée.

Un dilemme qui risque d’alimenter un sentiment d’injustice au sein de la communauté marocaine, déjà fortement dépendante du transport aérien pour maintenir ses liens familiaux et culturels.

Une réforme en décalage avec l’Europe

Cette décision française intervient alors même que le règlement européen CE 261/2004 est en cours de révision à Bruxelles. Ce texte, qui fixe les droits des passagers en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement, vise à harmoniser et renforcer la protection des consommateurs.
Avec cette réforme, la France prend le risque d’affaiblir la protection de ses passagers, créant une situation paradoxale : un cadre européen plus favorable mais une mise en œuvre nationale plus restrictive.

Conclusion

En cherchant à réduire la pression sur les tribunaux, la France semble avoir choisi une voie qui rend plus difficile l’accès au droit pour les passagers aériens.
Un signal jugé inquiétant par les professionnels du secteur, mais aussi par la diaspora marocaine, pour qui le transport aérien est un lien vital entre les deux rives.
À l’heure où l’Europe cherche à renforcer les droits des passagers, la France risque d’isoler ses voyageurs… et de décourager ceux qui souhaitent faire valoir leurs droits.

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