
Par: L.BENSI - Le mardi 30 septembre 2025, le groupe musical marocain Ighouliden a dévoilé son nouvel opus intitulé «Amzrouy – l’Histoire». Cet album constitue une expérience inédite dans le paysage musical amazigh au Maroc, alliant l’ardeur de la quête existentielle à l’authenticité mélodique, tout en s’ouvrant à des rythmes et des harmonies venus d’autres continents.
L’album réunit quatre compositions: «Igoudar – les Greniers», «Tawja – la Famille», «Amallay – le Voyageur» et «Agharas – le Chemin». Ces quatre pièces s’articulent autour d’une interrogation centrale, que le groupe a choisi de poser comme fil conducteur de son œuvre: comment parvenir à un décollage civilisationnel réussi dans le contexte marocain ? Une question déjà esquissée dans «Agharas», qui s’interroge sur la route possible vers un avenir marocain différent et plus lumineux, capable de réparer les blessures du présent – notamment celle de la migration clandestine, évoquée comme une cicatrice sociale dans «Tawja».

Dans cette quête d’une réponse porteuse d’avenir, Ighouliden a compris que l’Autre pouvait parfois éclairer davantage notre propre chemin. C’est pourquoi le groupe a suivi la trace des voyageurs dans «Amallay», en s’interrogeant sur ce qui fait du Maroc une destination de choix sur la carte du tourisme mondial. La réponse s’est révélée avec force dans «Igoudar»: celles-ci ne sont pas de simples greniers qu’on contemple avec nostalgie, mais bien une incarnation vivante de la grandeur de la civilisation marocaine, un marqueur identitaire majeur dans l’histoire de la nation. Ainsi s’est formulée la conviction: la clé de notre avenir réside dans notre passé, car un peuple sans histoire est un peuple sans futur.
Sur le plan artistique, l’album s’appuie sur le mode pentatonique amazigh, pilier de nombreuses formes musicales marocaines, notamment dans l’Atlas, le Souss et le Sahara. Sa structure fondée sur cinq degrés mélodiques offre à la fois simplicité et ouverture, permettant un jeu infini de nuances expressives. Ighouliden l’a utilisé comme socle pour développer des phrases mélodiques entremêlées, où la thématique amazighe demeure la ligne directrice, tout en dialoguant avec d’autres couleurs musicales.
L’album réussit ainsi à fusionner les rythmes circulaires des percussions traditionnelles marocaines avec des genres musicaux universels. Le Blues se fait sentir dans la répétition des motifs et l’usage des blue notes, si proches de la mélancolie du pentatonique. Le Rock apporte énergie et tension, reflétant le tumulte urbain. Le Reggae, quant à lui, installe une pulsation ondoyante qui ouvre l’espace sonore amazigh sur un horizon cosmopolite et universel.
La force de l’album réside dans l’intégration de ces influences: loin de simples ornements, elles sont fondues dans une écriture polyphonique et harmonique, donnant naissance à des tableaux sonores cohérents. Le groupe a travaillé l’interaction entre rythme, mode et timbre pour créer un tissu musical qui marie le caractère rituel de la chanson Amazighe à la dimension libératrice des musiques du monde.
Avec «Amzrouy», Ighouliden propose ainsi une vision artistique où l’authenticité n’est pas un repli nostalgique sur le passé, mais une matière vivante, ouverte à l’innovation et à l’invention. Le mode pentatonique n’est plus ici une limite, mais un point de départ pour bâtir une identité sonore hybride, capable de traduire l’âme du Maroc profond dans une langue que peut comprendre l’auditeur universel. Cet album inaugure une nouvelle étape pour la chanson amazighe : une musique qui devient pont entre mémoire et universalité, entre racines et envol.
