
Mohamed Mbougar Sarr a remporté le prix Goncourt 2021, avec La Plus Secrète Mémoire des hommes (Philippe Rey, 2021). Il a été préféré à Christine Angot [Le Voyage dans l’Est, Flammarion, 2021], Sorj Chalandon [Enfant de salaud, Grasset, 2021] et Louis-Philippe Dalembert [Milwaukee Blues, Sabine Wespieser Éditeur, 2021.
Voici la recension qu'en fait le romancier François-Henri Désérable publiée par la revue Philosophie.
« Je vais te donner un conseil : n’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. » Désavouons d’emblée l’un des personnages secondaires de La Plus Secrète Mémoire des hommes, et tentons de dire quelques mots de ce qui est incontestablement l’un des grands livres de cette rentrée littéraire.
Les jurys des grands prix ne s’y étaient pas trompés, qui l’avaient sélectionné sur quasiment toutes leurs listes – ce qui n’est pas toujours un gage de qualité mais tout de même, cela dit quelque chose.
Alors de quoi retourne-t-il, ce quatrième roman de l’écrivain sénégalais d’à peine 30 ans, arrivé en France à 18, et dont le nom, depuis la fin de l’été, passe de lèvres en lèvres comme un secret de polichinelle ?
Le sujet : Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais – que l’on peut légitimement imaginer être un double littéraire de l’auteur – découvre un roman mythique et maudit paru en 1938, et signé d’un certain T.C. Elimane. Mythique parce qu’il fit scandale en son temps, maudit parce qu’il est depuis introuvable, et que son auteur a disparu sans laisser de traces.
Diégane Latyr Faye se lance alors à la recherche du mystérieux “Rimbaud nègre” , personnage lointainement inspiré du Malien Yambo Ouologuem, dont Le Devoir de violence (Seuil, 1968) fut encensé par la critique et couronné du prix Renaudot 1968, avant que l’auteur soit accusé de plagiat.
Mille choses sont au cœur de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman ambitieux, érudit, tourbillonnant, dont celle-ci (...) : est-ce que la littérature est un moyen de sauver le monde ou le seul moyen de ne pas s’en sauver ? Et tant d’autres auxquelles Mohamed Mbougar Sarr esquisse des réponses dans une langue inventive et lyrique qu’on laisse à regret au bout de 450 pages, le souffle coupé.